Pour Monsieur Blum, grand manitou du grand Parti S.F.I.O., Poincaré était parés de qualités extraordinaires. Il avait malheureusement une « lacune » qui l’empêcha d’être vraiment un « grand homme ». Cette lacune consistait en un « retrait vis-à-vis des réalités de la vie ». Ça l’empêchait de voir clair dans « les plus graves occasions de la vie publique ».
Ainsi donc, le chef du parti socialiste n’a aperçu dans Poincaré que cette lacune tout autour de laquelle s’amassent des qualités rares, et d’exceptionnelles vertus aussi sans doute.
Jugement singulièrement tendre et qui ressemble à une apologie à peine mitigée de l’homme d’Etat qui, pour le bon militant de la rue, est représenté, à juste raison d’ailleurs, comme l’un des fauteurs de la plus vaste hécatombe des temps modernes et anciens !
Que penser ? M. Blum a donc déjà oublié la guerre, ses origines, ses causes ? Il y fait à peine allusion en citant Delcassé, comme si la forte personnalité et l’action décisive de Poincaré s’effaçaient derrière l’agitation du gnome hurluberlu du ministère Rouvier ? Comme si Poincaré n’avait pas été l’artisan volontaire, tenace, de ce qu’il appelait peut-être, en sa qualité de lorrain, la « revanche », mais de ce que, en sa qualité d’ex-avocat conseil du Comité des Forges, il pouvait envisager, avec une froide compétence, comme une « affaire ».
Il a été démontré que l’affaire n’en était pas une, et que la victoire du Comité des Forges était une victoire à la Pyrrhus.
Qui en a fait les frais ? Qui a payé de son sang ? Les peuples. Ceux qui n’avaient positivement rien à défendre, ni rien à gagner qu’un excès de misère et d’oppression.
Pour M. Blum, cela compte peu. L’éponge est passée sur le sang. Et il reste, pour l’histoire socialiste, la figure d’un Poincaré digne d’estime et de considération…
M. Blum parle et juge en parlementaire et en habitué des salons. Il n’oublie pas que Poincaré était pour lui plein d’attentions et qu’il faisait grand cas de ses répliques dans les grands débats financiers. Satisfaction personnelle d’amour-propre, sans doute appréciable, que le Poincaré de la Confiance procurait, a peu de frais, au grand Lama socialiste, mais qui ne se saurait tout de même équilibrer l’énorme réprobation qui pèsera toujours sur la mémoire de Poincaré-la-Guerre.
Nous voulons croire que la conscience socialiste, celle des prolétaires, ne ratifie pas le jugement de M. Blum. Ou alors le socialisme, en France, serait bien malade…
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