La Presse Anarchiste

Une vieille revendication : le droit au travail

Dans notre époque tour­men­tée, les indi­vi­dus s’as­so­cient pour des buts que la démo­cra­tie devait rendre caducs, car ils étaient reven­di­qués déjà dès le début du 19e siècle. Il existe aujourd’­hui une « ligue pour le droit au tra­vail et le pro­grès social », pré­si­dée par M. Jacques, Duboin, qui mani­feste son exis­tence par une lettre adres­sée au pré­sident du Conseil, dont nous nous en vou­drions de ne pas don­ner quelques extraits [[Voir L’Œuvre du 14 octobre.]] :

« Les résul­tats que votre poli­tique a obte­nus depuis huit mois sont indis­cu­tables : le com­merce, l’in­dus­trie, l’a­gri­cul­ture n’ont jamais connu d’aus­si mau­vais jours ; les maga­sins n’ont plus d’acheteurs, le pay­san ne vend pas son blé, le viti­cul­teur ne sait ou mettre son vin, tan­dis que, dans le même temps, le pêcheur rejette le pois­son à la mer ; notre com­merce exté­rieur est en régres­sion constante ; les trai­te­ments et salaires s’a­me­nuisent ; le chô­mage aug­mente, et les « grands tra­vaux », qui ont échoué par­tout, ne peuvent y por­ter remède ; mal­gré un bud­get théo­ri­que­ment en équi­libre, la situa­tion finan­cière de la France, par le jeu des emprunts à jet conti­nu, ne cesse de s’o­bé­rer ; etc… 

« Allez-vous continuer ? … »

« Com­pre­nez donc, mon­sieur le pré­sident, que l’hu­ma­ni­té change de civi­li­sa­tion : pen­dant les soixante siècles qui nous ont pré­cé­dés, les hommes ont lut­té contre la misère parce que les richesses éraient rares ; aujourd’hui, grâce aux pro­grès de toutes les tech­niques, les richesses débordent de par­tout : c’est la civi­li­sa­tion nou­velle de l’abondance.

« Le pro­blème que vous avez à résoudre est avant tout un pro­blème d’or­ga­ni­sa­tion : d’un côté, des mon­ceaux de richesses et des moyens d’en créer davan­tage encore ; de l’autre, des êtres humains que vous avez condam­nés jus­qu’à ce jour à se res­treindre, à se pri­ver, comme si vous vou­liez les punir de leur intel­li­gence créatrice.

« Faites ces­ser cette situa­tion atroce ; vous avez l’autorité, vous avez le pou­voir : pro­fi­tez de l’une, uti­li­sez l’autre.

« Ayez le cou­rage de pas­ser la ligne. 

« Pre­mière mesure à prendre : recon­naître et orga­ni­ser « le droit au tra­vail », contre­par­tie équi­table et légi­time du droit de propriété. 

« Notre plan est prêt, il est à votre disposition. 

« Quelques mots le résument : une place pour cha­cun, cha­cun à sa place ; du tra­vail pour les jeunes, une retraite pour les vieux ; de même que l’on dis­tri­bue les vivres dans une ville assié­gée, de même il faut répar­tir le tra­vail, deve­nu den­rée rare, entre toutes les par­ties pre­nantes ; plus le pro­grès tech­nique se déve­lop­pe­ra – et il ne faut por­ter aucune entrave à son déve­lop­pe­ment – moins pénible sera le tra­vail, moins il dure­ra et plus nom­breux seront les loisirs. 

« Si vous n’a­vez pas le cou­rage de nous gui­der vers cette nou­velle civi­li­sa­tion dans laquelle quelques pri­vi­lé­giés ont à perdre, mais où tous les autres ont à gagner, vous serez, un jour pro­chain, reje­té par ceux-là mêmes qui vous ont appe­lé parce que vous les aurez déçus. 

« Et vous savez, mon­sieur le pré­sident, pour avoir lu l’His­toire, com­bien vio­lente est la colère d’un peuple qui a faim ; et com­bien plus vio­lente encore elle doit être quand le peuple sait que le pain qu’on lui refuse est à por­tée de sa main. 

« Veuillez agréer, etc. »

Le droit au tra­vail et le droit de pro­fi­ter de son tra­vail sont des droits à conqué­rir. Tant que le sys­tème éco­no­mique actuel, basé sur le pro­fit exis­te­ra le droit au tra­vail et le droit, à la vie s’ins­cri­ront en lettres de feu dans les reven­di­ca­tions humaines.

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