La Presse Anarchiste

Le Congrès de Tours

Le par­ti socia­liste, uni­fié à grand’peine par Jau­rès, vient de se scin­der au congrès de Tours. Il y aura main­te­nant le par­ti com­mu­niste, adhé­rent à la IIIe Inter­na­tio­nale, celle de Mos­cou, et le par­ti des socia­listes traditionnels.

Les pre­miers sont les admi­ra­teurs des bol­che­viks ; ils ont l’ambition d’établir tout de suite la dic­ta­ture du pro­lé­ta­riat. Ils rejettent les pro­cé­dés élec­to­raux et démo­cra­tiques. Mais, pour le plus grand nombre, l’établissement d’un gou­ver­ne­ment insur­rec­tion­nel consiste sur­tout dans un chan­ge­ment de per­son­nel poli­tique. Aucune solu­tion éco­no­mique (réelle) n’est envi­sa­gée ; le pro­blème se résou­dra par des pro­cé­dés de gouvernement.

Les seconds, les socia­listes tra­di­tion­nels, com­prennent la plu­part des dépu­tés de l’ancien par­ti et beau­coup de vieux mili­tants. Eux se disent éga­le­ment révo­lu­tion­naires ; mais, de culture plus éten­due, ou d’expérience plus grande, ils ne jugent pas les évé­ne­ments aus­si sim­ple­ment que les extré­mistes ; ils voient sur­tout les dif­fi­cul­tés d’une réa­li­sa­tion inté­grale ; ils croient davan­tage aux réformes dans le cadre de la socié­té actuelle. S’ils parlent de la révo­lu­tion, c’est en ratio­na­listes, comme d’un évé­ne­ment qui peut être logi­que­ment néces­saire à un moment don­né ; mais il est pro­bable que le plus grand nombre n’a pas la foi révo­lu­tion­naire, qui, seule, per­met de faire la révolution.

La foi des extré­mistes les porte au fana­tisme. Ils n’entendent plus rien, ils ne voient rien que le bol­che­visme, c’est-à-dire le socia­lisme d’État, auto­ri­taire et centralisé. 

Les modé­rés ont peut-être plus de sou­ci de la liber­té humaine, sur­tout ceux d’entre eux qui sont de souche bourgeoise. 

Mais extré­mistes et modé­rés sont des poli­ti­ciens, j’entends des poli­ti­ciens de par­ti. Je me sou­viens du temps où dans les congrès inter­na­tio­naux Cla­ra Zet­kin défor­mait sciem­ment, abré­geait et muti­lait dans sa tra­duc­tion les com­mu­ni­qués à ten­dance anar­chiste ou syn­di­ca­liste révo­lu­tion­naire ; elle est mili­tante fana­tique de son par­ti. Des poli­ti­ciens, comme Cachin et Lon­guet, n’ont pas plus de bonne foi.

Les extré­mistes ont eu la majo­ri­té au Congrès. La guerre a exas­pé­ré l’impatience des reven­di­ca­tions chez les nou­velles recrues. L’exemple concret, mais idéa­li­sé, du bol­che­visme a éveillé les espé­rances d’une réa­li­sa­tion pro­chaine. Enfin la réac­tion arro­gante du Bloc Natio­nal a irri­té les esprits. Ces rai­sons expliquent suf­fi­sam­ment le résul­tat du congrès.

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