Dans la Revue du Travail du 1er décembre, le camarade Rullière attire l’attention sur les agissements du gouvernement des États-Unis à Haïti. Sous prétexte de rétablir l’ordre — l’ordre capitaliste — il a mis la main sur les deux républiques de l’île la République haïtienne de langue française et la République de Saint-Domingue, de langue espagnole.
Ces deux républiques sont très fertiles et ont attiré la convoitise des capitalistes américains qui se sont installés dans les pays en vrais conquérants et avec la plus grande désinvolture pour les droits des habitants. Il est vrai que ceux-ci sont des nègres et on connaît le mépris des Américains pour les gens de couleur.
Les indiscrétions de la presse et même les rapports des autorités yankees font connaître que 3.250 Haïtiens ont été tués, tandis que les pertes américaines s’élevaient à 33 tués et 28 blessés. Les Haïtiens furent soumis au régime des « corvées », c’est-à-dire à l’esclavage. Les fusiliers marins de la marine américaine commirent toute sorte d’excès envers la population insulaire. Ce sont là faits de conquête.
Rullière cite le passage suivant de La Nation, de New-York :
[(Nous sommes intervenus dans les affaires de Haïti pour des raisons différentes et contradictoires, bien que certaines puissent être honnêtement soutenues. N’importe comment, nous nous sommes installés dans cette île. Nous avons ensuite dissous le parlement haïtien à coups de baïonnettes américaines et avons forcé le peuple à accepter un traité contre sa propre volonté. Nous avons également supprimé le gouvernement de San Domingo et établi à sa place un gouvernement arbitraire par la force de nos armes ; nous avons tué 3.000 Haïtiens qui voulaient s’opposer à notre régime ; nous avons qualifié ces victimes de bandits. Nous avons, enfin, obligé cette malheureuse petite république à reconnaître un traité qui favorise certaines banques américaines. Le droit des petites nations, le principe de self détermination (droit de disposer de soi-même), tels qu’ils sont interprétés par les hommes d’État américains, ont une sinistre signification, pour les peuples des Républiques de San Domingo et de Haïti.)]
Ces faits c’ont provoqué en Europe aucune protestation.
D’après une dépêche de Washington, l’émotion soulevée aux États-Unis par les rapports publiés dans la presse, a forcé le président de promulguer une ordonnance en vue de faire cesser les abus de la soldatesque. Les pouvoirs militaires seraient restreints et on favoriserait un gouvernement « fondé sur la Constitution républicaine après que celle-ci aurait été révisée par une commission de notables aidée de techniciens américains ».