L’Homme et la race, par Charles-Aug. Bontemps. – Voilà bien un sujet délicat et controversé. L’ami Bontemps s’en tire au mieux. Cela ne veut pas dire qu’il donnera satisfaction à tout le monde, mais ce que l’on doit affirmer c’est qu’il reste objectif. Une partie de l’ouvrage est consacrée à l’aryanisme. Ce chapitre fut certainement l’objet de recherches longues et ardues et console de la définition un peu laconique, du Petit Larousse illustré qui paraît plus qu’ignare sur le sujet. Félicitons Bontemps d’avoir osé aborder cette étude sans se réfugier dans des formules « chèvrechoutistes ».
Sylvain Maréchal, par Maurice Dommanget. Dommanget est l’historien de la Révolution et de quelques-uns des hommes qu’elle a enfantés. Une trentaine d’ouvrages nous ont donné l’occasion d’apprécier son talent de conteur, la profondeur de son érudition, la qualité de sa documentation, l’honnêteté de ses conclusions. En présentant Maréchal l’égalitaire, l’homme sans Dieu, l’auteur n’a pas failli à sa réputation. J’ai rarement lu une œuvre aussi consciencieusement étudiée, aussi parfaitement référencée. Et je n’ai pas été surpris de la satisfaction exprimée par tous ceux auxquels j’ai conseillé l’achat du livre. Tous ceux qui s’intéressent à l’histoire sociale et à l’histoire tout court se procureront le Sylvain Maréchal de Maurice Dommanget.
Le roman de mon oncle, par Charlotte Davy. Ce roman, préfacé par G. de Lacaze-Duthiers, a été écrit par une de nos camarades de lutte, qui n’en est pas d’ailleurs à son premier essai. C’est une histoire à peine romancée, dit-elle. Il s’agit d’un amour de jeunesse contrarié qui s’épanouit à un âge où, généralement, on cultive le scepticisme sur les choses de l’amour et qui se termine d’une façon inattendue. Il y a bien de la résignation dans le caractère des principaux personnages, mais cela s’explique en partie par l’époque où est située l’action. L’auteur, par le truchement d’un instituteur ou par des réflexions personnelles, exprime dans ce roman ses idées libérales, féministes et pacifistes, et doit à ce titre intéresser nos lecteurs.
Périr ou distribuer, par Gaston Britel. – Le sous-titre de l’ouvrage : « Du gouvernement des gens à l’administration des choses », indique bien le dessein que poursuit Britel : démontrer que tous les gouvernements, quels qu’ils soient, utilisent les découvertes pour l’effort économique de tous, qu’ils engendrent obligatoirement des profiteurs et qu’il est grand temps de leur substituer l’administration des choses « qui fédère les efforts en vue de satisfaire les besoins individuels et collectifs ». Une argumentation abondante suit, qui tend à prouver qu’il y a lieu de procéder à la distribution gratuite des richesses au lieu de réduire volontairement la consommation en détruisant ou en pratiquant un malthusianisme économique. Pour compléter sa démonstration, Britel vient de publier une seconde plaquette qu’il intitule La Foire aux ânes et qui traite de l’abolition du salariat. Les deux sont à lire.
Trop d’enfants, par Paul Reboux. « Croissez et multipliez… », voilà ce que prêche, après l’Église, nos gouvernements successifs. Et de prendre dans nos poches l’argent destiné à alimenter les chevaliers du stupre réalisateur. Paul Reboux oppose le bon sens à l’illogisme nataliste. Avec des arguments qui font balle. Les lecteurs de Contre-courant sont, pour la plupart, acquis aux doctrines eugénistes ou néo-malthusiennes. Ils trouveront dans ce livre mille et une raisons de rester fidèles à leurs convictions et de quoi clouer le bec instantanément aux inconscients chaque fois qu’ils ont affaire à eux. À placer donc en bonne place dans sa bibliothèque.
Propos subversifs par Sébastien Faure. – Une salle archi-pleine, des spectateurs encastrés jusque dans les fermes métalliques qui soutiennent la toiture ; la joie d’être là ce soir, l’impatience de l’attente, se lisent tour à tour sur les visages. Soudain un homme gravit les marches qui mènent à la tribune durant que s’installe dans le brouhaha habituel le bureau. Il est âgé – quoique droit comme un I – correctement vêtu, son crâne luit sous l’éclairage électrique. Il contemple, ému, l’assistance qui l’applaudit parce qu’elle sait qu’il vient de passer par de rudes épreuves pour être resté fidèle à son idéal durant la guerre. Puis il parle et le charme s’opère. C’était la première fois que je voyais et entendais Sébastien Faure. Pour moi ce fut décisif, bien avant que nous devenions amis. Ce sont les douze conférences, qu’il fit semaine après semaine, parues en brochure d’abord, puis en livre, qui ont fait l’objet d’une réédition assumée par le groupe des « Amis de Sébastien Faure ». Les jeunes y trouveront à puiser un riche enseignement ; les âgés, le souvenir des luttes passées. Pour moi, j’y ai retrouvé mes vingt-cinq ans.
Visages de ce temps, par Gérard de Lacaze-Duthiers. – Tous ceux qui ont lu et qui aiment Lacaze-Duthiers seront étonnés du pessimisme qui règne dans ce livre. Bien sûr, Lacaze voit les hommes tels qu’ils sont, tels qu’il les jauge depuis cinquante ans puisqu’il est admis qu’on ne commence à les apprécier qu’aux alentours de vingt-cinq ans. En cinq cents pages il les décortique et les classe : visages de mensonges, visages de haines, visages de fous. Chacun en a pour son grade. Et je dois convenir que c’est mérité. Largement mérité. Faisans de la politique, de la presse, du marché noir, imbéciles de toutes sortes défilent dans ces pages vengeresses et utiles. Mais maintenant, mon brave Lacaze, que l’abcès est débridé, que le sac est vidé et que le cœur est soulagé, en avant à nouveau sur les flots de l’optimisme. À toute vitesse. Toute !
La place m’est limitée. Je m’excuse de n’avoir pu m’étendre davantage sur la plupart des œuvres que j’analyse succinctement en cette chronique qui continue celle que je tenais à Ce qu’il faut dire.
D’autre part ayant reçu, durant mon long silence imposé par les circonstances, un nombre important de livres et brochures, je puis omettre certains d’entre eux. Prière donc aux auteurs ou éditeurs de me rappeler leurs envois le cas échéant. Réparation sera faite sur-le-champ.
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Ch.-Aug. Bontemps : L’Homme et la race, 215 francs ; Charlotte Davy : Le Roman de mon oncle, 330 francs ; Gaston Britel : Périr ou distribuer, 115 francs ; La Foire aux ânes ou l’abolition du salariat, 155 francs ; Paul Reboux : Trop d’enfants, 570 francs ; Sébastien Faure : Propos subversifs, 310 francs ; G. de Lacaze-Duthiers : Visages de ce temps, 545 francs ; Maurice Dommanget : Sylvain Maréchal, l’égalitaire, 645 francs.