On a vu que, dans les vingt dernières années du
Disons tout de suite que le nouveau départ et la montée en flèche des productions sidérurgiques en France comme en Allemagne ne s’expliquent pas par l’appel des besoins normaux d’acier, même à supposer que la demande ait pu être sollicitée et forcée. Seule la course aux armements, qui est un phénomène inhérent aux États, a pu entretenir et stimuler les sidérurgies, étant admis que celles-ci sont amplement pourvues de matières premières et qu’elles peuvent développer leurs moyens de production. On assiste alors à la préparation de guerre et l’industrie lourde et toutes les industries connexes se mobilisent en permanence afin de pourvoir la machine de guerre en formation de tous les matériaux qui lui sont nécessaires. La demande en ce domaine est infinie. Elle n’a pratiquement pour mesure que la capacité des moyens de production et de fabrication qui peuvent sans cesse se perfectionner et s’accroître.
Cependant il serait téméraire d’accuser a priori les clans capitalistes maîtres de la production, et en l’espèce les sidérurgistes de rechercher dans la préparation à la guerre, et dans la guerre même, des sources de profit. Le machiavélisme relève plutôt des hommes d’État, des chefs des peuples. La loi immuable du capitalisme est la loi du Profit. Et, dès lors que le Profit apparaît possible dans la paix, point n’est besoin de recourir à la guerre. La guerre est un pis-aller qu’on n’envisage froidement que dans les seuls cas où les voies normales, les voies pacifiques du Profit sont barrées, quand on se trouve acculé à une impasse dont il faut forcer l’issue ou périr. La seule apparition, même lointaine, de l’impasse peut, il est vrai, faire bifurquer le capitalisme. Alors la course aux armements se déchaîne et les peuples, du moins s’ils sont vigilants, sont avertis. C’est à ce moment qu’ils devraient crier : holà ! Une fois engagés dans l’impasse – et la course aux armements y précipite sûrement – il est trop tard.
Dans la phase que nous étudions, il apparaît bien que le capitalisme anglais, le premier, a eu le sentiment de l’impasse. Sa réaction s’est traduite selon des normes éprouvées par l’histoire et qui étaient demeurées très vivaces au début du
Mais analysons un peu les causes efficientes du phénomène que nous signalions plus haut et qui, à nos yeux, a joué un rôle absolument décisif.
Un « haut lieu » sidérurgiste : Briey
Reportons-nous d’une trentaine d’années en arrière (nous sommes en 1900). Avec la permission de l’Angleterre, Bismarck a défait Badinguet. La bourgeoisie d’affaires est au pouvoir ; le défenseur de la propriété, Thiers, Adolphe, négocie le traité de Francfort avec Bismarck. Et Bismarck qui a connaissance de l’existence d’un gisement de fer important dans la région de Thionville se l’annexe. Il faudra, dix ans plus tard, l’invention de Thomas pour que le minerai lorrain acquière une réelle valeur. Voilà donc la sidérurgie allemande en mesure de démarrer. Mais imaginons que Bismarck ait eu connaissance de l’existence dans la zone lorraine contiguë à celle de Thionville et laissée à la France le gisement de minerai encore plus riches que ceux qu’il s’appropriait. Il n’eût pas manqué de reporter sa ligne frontière au-delà de cette zone et pour le coup la sidérurgie française eût été privée à jamais d’une matière première indispensable. Sa production de fonte et d’acier fût demeurée dérisoire. Elle n’eût pas même atteint le niveau de la petite et innocente Belgique. La sidérurgie allemande eût été Incontestablement maîtresse du continent avec un niveau de production américain.
Ainsi l’ignorance de Bismarck a permis à la sidérurgie française de paraître en bonne place dans l’ordre des nations européennes. Que nos chauvins s’en réjouissent. Bismarck, sans le vouloir, leur a laissé l’instrument de la revanche, instrument valable seulement avec l’appui de l’Angleterre. Dieu y a pourvu.
Mais quel est donc ce gisement insoupçonné qui devait, trente ans après 1870, changer la face de l’Europe ? Un lieu géographique, un haut lieu, comme on dirait en littérature, le désigne, c’est Briey. Il s’est trouvé là près de cinquante mille hectares renfermant en sous-sol la plus forte réserve de fer de tout le continent. C’est seulement en 1885 que les richesses de Briey furent prospectées. Elles devaient être mises en exploitation en 1902. Pourquoi à cette date tardive plutôt que dix ou quinze ans auparavant ? Il fallait donner aux trusts le temps de se mettre en place, mais il fallait aussi que fussent rassemblées des raisons suffisantes et déterminantes d’une opération qui n’était pas sans exiger d’immenses capitaux, car le minerai appelait la construction de vastes usines – et qui n’allait pas sans risques. Un cerveau comme le Comité des Forges ne s’aventure pas à la légère. Il ne se décide jamais qu’en connaissance de cause. Il ne s’engage jamais à fond sans avoir pris des assurances. Ces assurances il les obtint ; elles lui furent proposées par la sidérurgie allemande.
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On se demande les raisons objectives que pouvaient avoir les sidérurgistes allemands, ceux de la Sarre toute proche, à engager, à stimuler et à aider la sidérurgie française à s’établir dans leur voisinage sur une échelle appelée à égaler la leur, Il y a à cela une raison technique. La minette lorraine alimentant les hauts fourneaux, a un gros défaut : elle exige pour fondre un adjuvant calcaire, masse inerte qui alourdissait la charge du haut fourneau et en diminuait le rendement. Or, le minerai de Briey se présentait avec une gangue calcaire qui le désignait comme le complément naturel de la minette. Le mélange des deux en proportion voulue assurait une marche économique et donnait une fonte de qualité supérieure. La possibilité de se procurer facilement ce précieux minerai devait donner à la sidérurgie de la Sarre un élan nouveau. La sidérurgie française, de son côté, pouvait obtenir, par voie d’échange et à bon compte, le coke de la Ruhr qui lui était indispensable. (La houille de la Sarre ne fournit pas de coke métallurgique. Et d’ailleurs, sous le régime allemand, elle était exploitée pour le compte de l’État.).
Briey nous explique donc, à ses débuts, la montée parallèle des sidérurgies française et allemande. La conjonction des deux sidérurgies par-dessus la frontière est un fait remarquable. Virtuellement, il réalisait comme une symbiose économique s’étendant à une vaste région toute hérissée de hauts fourneaux et d’aciéries, un des centres de l’acier les plus imposants qui soient sur le continent. Cet état de choses, s’il avait pu être pris en considération par des politiques désireux de travailler pour la paix, eût pu servir d’amorce à un règlement du problème d’Alsace-Lorraine. Ce qui eût ôté tout argument aux bellicistes de quelque côté qu’ils se trouvent. D’autre part, on pourrait interpréter, subjectivement, le mariage des deux sidérurgies, à une époque où le souvenir de la guerre des Boers et de l’épreuve de Fachoda étaient encore tout frais, comme une réaction contre l’anglo-saxonnisme et l’anglomanie des sphères officielles. Mais il est bien superflu de faire intervenir des impondérables là où l’intérêt et la géologie commandaient l’événement. Ce que l’on est en droit d’affirmer, c’est que les sidérurgistes n’avaient qu’à se féliciter de l’état de fait réalisé par leurs soins et qu’ils ne pouvaient désirer que la conservation d’un statu quo profitable aux uns et aux autres. Les sidérurgistes français y gagnaient le plus, puisque, le problème charbonnier étant avantageusement résolu, ils bénéficiaient de ce côté-ci de la frontière des prix hautement rémunérateurs du marché intérieur protégé, tandis que, par leurs établissements en Sarre et Lorraine annexée, ils jouissaient, pour l’exportation, de tous les avantages du système allemand. On sait que la Commission des douanes, abordant la question du dumping en 1910, se garda bien de trancher. Le Comité des Forges ne fut pas étranger à cette indécision. Son président, M. de Wendel, François, une des gloires les moins contestées de la sidérurgie française – il fut placé par les démagogues du Front populaire en tête de liste des « deux cents familles » – était un magnat de la Sarre. On reconnaîtra que ce magnat, s’il soignait les intérêts de sa tribu, n’était pas particulièrement désireux de plonger l’Europe dans un bain de sang. On a dit de lui, lorsqu’il s’est éteint, récemment, qu’il avait le cœur français et le portefeuille allemand. Admettons que ni par le cœur ni par le portefeuille il n’était Anglais.
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La Grande-Bretagne ne pouvait voit d’un bon œil s’organiser un couple France-Allemagne, qui lui apparaissait gros de menace, non pour sa sécurité interne, mais pour son rayonnement impérial, pour sa position dans le monde, les États-Unis vivant sur eux-mêmes. Elle devait dès lors s’appliquer à renverser la tendance, sans perdre de temps. Et l’on sait qu’après l’épreuve révélatrice du « coup d’Agadir », elle prit sur le continent des positions stratégiques que des gouvernants français du type Delcassé lui offrirent avec empressement. À dater de l’Entente cordiale, nous assistons à la course aux armements. C’est-à-dire que le climat va s’empoisonner et que partout où des failles se présenteront, des forces destructives s’insinueront sournoisement.
Un rapide coup d’œil sur les conditions d’évolution des sidérurgies allemande et française révélera les points faibles et les lignes de force.
Les lignes de force : fer-charbon
La sidérurgie allemande disposait de charbon à profusion : 150 millions de tonnes de houille extraites en 1900, 280 millions en 1913. Le centre principal était la Ruhr.
En minerai, la situation était bien moins bonne. Elle était même assez mauvaise. Les gîtes nationaux connus n’accusaient pas des réserves inépuisables. On les ménageait. Au total, 27 millions de tonnes de minerai étaient extraites, au stade de 1913, dont 20 millions dans le bassin lorrain, à proximité de la frontière. Les hauts fourneaux nécessitaient 43 millions de tonnes. Il fallait donc trouver-au dehors 15 millions de tonnes. Un tiers était fourni par Briey (contre du charbon), les deux tiers venaient de Russie, de Suède, d’Espagne, etc. C’étaient des minerais riches destinés aux centres de la Ruhr et de la Silésie. Quoique médiocre, cette situation n’était pas inquiétante. L’Allemagne s’était assuré des sources permanentes d’approvisionnement en minerai par des marchés préférentiels étayés sur des exportations de charbon, de machines, de produits sidérurgiques divers. Par ses traités de commerce, elle pouvait pareillement s’approvisionner en denrées de toutes sortes.
La sidérurgie se répartissait en trois groupes. Le plus important, celui de la Ruhr, travaillait sur le charbon. II produisait 50 % du tonnage global d’acier, presque exclusivement des aciers Bessemer, Martin, au creuset. C’était l’arsenal.
Le groupe de Silésie travaillait sur le charbon et le minerai, avec appoint de minerai russe de Krivoï Rog ou de Kertsch. Sa production d’acier était mixte et représentait 25 % du total.
Le groupe de la Sarre travaillait sur la minette et le minerai de Briey, la houille venait de la Ruhr. Il produisait exclusivement des aciers Thomas peu propres aux fabrications de guerre. Sa production était d’un quart de celle de l’ensemble, c’est-à-dire à peu près aussi élevée que toute la production française.
Telle était donc la sidérurgie allemande. Ultra riche en charbon, peu gênée pour ses approvisionnements en minerai, formidablement outillée, puissante par son organisation et sa technique savante, toujours à l’affût de perfectionnements, s’inspirant d’un esprit national et planificateur, ses possibilités étaient prodigieuses et il faut aller en Amérique pour en trouver de comparables. Au stade de 1913, 312 hauts fourneaux à feu, 122 convertisseurs, 407 fours Martin (France : respectivement 125, 89, 152) lui assuraient un pouvoir de production supérieur à celui de la Grande-Bretagne, de la France et de la Russie réunies. Elle pouvait fournir l’Allemagne et ses satellites de tous les aciers qu’ils réclamaient pour leurs besoins normaux, exporte au loin 33 % de sa production et élever le potentiel de guerre de l’État impérial à un niveau dépassant de beaucoup celui de n’importe quel autre État.
Des inquiétudes pouvaient lui être causées soit par une menace sur la régularité des approvisionnements de minerai, soit par le risqué de fermeture de débouchés. Mais le danger essentiel – et ce n’était pas seulement un danger intérieur – provenait de la perméabilité de certains groupes à des influences militaristes, voire bellicistes, dont on assure que le Kronprinz s’était fait le champion résolu.
Cependant, quand on assure qu’à la veille de 1914 la sidérurgie allemande était acculée à l’impasse et que de graves troubles, un cataclysme, disait-on, qui aurait entraîné l’écroulement du système gouvernemental, était suspendu sur l’Allemagne, rien n’autorise à prendre à la lettre semblables affirmations. Le système planifié des cartels était de taille à faire face à tous les avatars industriels ou commerciaux. Quant à l’agriculture, au point de développement scientifique qu’elle avait atteint, elle pouvait nourrir 65 millions d’Allemands. D’ailleurs, par ses traités de commerce, l’Allemagne ne pouvait sombrer dans une autarcie rigoureuse. (Le mot autarcie, comme la chose qu’il désigne en langage d’économiste, sont postérieurs à la guerre de 1914 et, dans une large mesure, ils en sont le résultat.)
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La sidérurgie française, dont la puissance de production en 1913 était environ le quart de celle de la sidérurgie allemande, souffrait du manque de charbon. L’extraction des houillères se montait en effet à 41 millions de tonnes et la consommation générale en réclamait 63 millions. C’est un tiers de ce tonnage qu’il fallait importer. Et nous avons dit que cette situation déficitaire servait admirablement les intérêts des compagnies houillères, lesquelles n’étaient pas disposées à déroger à leurs bons principes en faveur des entreprises sidérurgistes, bien qu’elles eussent entre elles des rapports de cousinage.
En revanche, la sidérurgie française pouvait se dire très riche en minerai. Avec ses moyens de 1913, elle ne consommait que 13 millions de tonnes de minerai et elle en produisait 22 millions, dont 20 millions dans l’Est (plus de 15 millions pour le seul bassin de Briey). Si l’on compte avec une importation de minerais d’Espagne de 1 à 2 millions de tonnes, c’est un surplus de 10 millions de tonnes que la sidérurgie française pouvait vendre ou échanger contre du charbon. 4,5 millions allaient à l’Allemagne, le reste au Luxembourg et à la Belgique. Les sidérurgistes installés près des charbonnages du Nord et du Pas-de-Calais et disposant de fours à coke livraient aussi aux sidérurgistes du coke. La meilleure combinaison était évidemment celle qui se pratiquait avec l’Allemagne.
Comme le charbon est un élément déterminant de la cherté de l’acier, la sidérurgie française ne pouvait songer à affronter le marché extérieur, en eût-elle l’intention. C’est à peine si elle écoulait au-dehors dans des cas particuliers 3 % de son tonnage. Mais le marché intérieur paraissait devoir lui suffire et elle en tirait de beaux profits.
Cependant, des idées de grandeur lui vinrent, à partir du moment où elle sentit l’Angleterre « derrière nous ». (Nous n’employons pas le mot mégalomanie, qui est officiellement réservé à l’Allemagne.) La sidérurgie française songea à s’affranchir de la vassalité allemande, une vassalité dorée, et en même temps de l’onéreuse tutelle des compagnies minières. Groupée en consortiums, elle demanda et elle obtint des concessions minières dans le Nord et le Pas-de-Calais. En 1913, huit puits étaient en fonçage qui devaient lui fournir du charbon qu’elle transformerait en coke dans des usines de carbonisation installées sur les lieux du charbon ou sur ceux du minerai. Une vaste cokerie fut montée à Anby, une autre sur le canal de Gand à Terneuzen, alimentée par du charbon anglais. De toutes parts des prospections charbonnières furent entreprises. Et c’est ainsi qu’en Campine belge et dans le Limbourg hollandais se créèrent des charbonnages dans lesquels les consortiums français se firent adjuger de belles participations.
Toutes ces recherches, tous ces travaux, tous ces équipements nécessitaient des capitaux énormes. Mais, contrairement à ce qui se passe aujourd’hui où l’on voit les trusts sidérurgistes foncer la main à l’État pour qu’il leur distribue des milliards à des fins d’entretien, en ce temps les trusts prenaient sur eux les moyens financiers pour la réalisation de plans qu’ils concevaient eux-mêmes.
À l’approche de 1914, ces plans étaient en bonne voie d’achèvement et, sans la guerre, dans quelques années la production d’acier français se fût trouvée quasiment doublée. Arrêtons-nous un instant à cette perspective agréable.
Quand on nous dit que la sidérurgie allemande se serait vue enrayée dans ses exportations, obligée de réduire sa production et qu’elle courait à l’impasse, et quand nous voyons dans le même temps la sidérurgie française s’armer, s’équiper pour doubler son tonnage – alors que le marché intérieur se sature (nous en aurons l’aveu) – nous comprenons que la sidérurgie française finira par prendre, et à bref délai, car les travaux sont activement poussés, sur le marché mondial la place que lui cédera la sidérurgie allemande. De bon gré ? II n’y faut pas songer. De force ? Mais alors, c’est la guerre qu’on entrevoit. Le dilemme est sévère, mais si l’on écarte l’alternative guerrière, comment expliquer le jeu, de grand jeu, qu’entame le Comité des Forges dans des circonstances qui lui conseillent la prudence, la circonspection, la pondération ?
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À partir de 1905, nous avons atteint et dépassé le point de bifurcation. Désormais engagé dans la voie qui conduit à l’impasse, c’est-à-dire à la guerre, nous y courons. N’y a‑t-il donc pas de résistances ? Si, mais elles sont timides. Elles n’osent se manifester ouvertement.
De même qu’en Allemagne, et plus qu’en Allemagne, car nous n’avions pas ici les liens de la planification, la sidérurgie en France formait un ensemble hétérogène, traversé par des courants d’inspirations diverses.
Dans l’Est, une production massive – 69 % de la fonte totale – employant une main‑d’œuvre « non qualifiée », livrant des produits moulés et de gros laminés, très peu de produits finis et usinés.
Dans le Nord, une production mixte, aciers Martin et aciers Thomas en quantités égales. Relativement peu de hauts fourneaux, beaucoup d’aciéries, beaucoup d’usines de transformation. Main‑d’œuvre en grande partie « qualifiée ».
Dans le Centre et dans les usines pyrénéennes et du littoral, une production infime de fonte. Rien que des aciers et des aciers extra, bons pour l’outillage et les productions de guerre. C’est l’arsenal. Main‑d’œuvre très qualifiée.
On observe que chacune de ces régions occupait à peu près le même nombre d’ouvriers, 20 000 à 25 000, la main‑d’œuvre de l’Est étant presque uniquement composée d’Italiens, venus par vagues successives et placés sous la protection de la Madone. On note aussi que la valeur des produits, malgré les écarts considérables de tonnages, était sensiblement la même dans les trois centres.
Maintenant, si l’on veut bien considérer que les établissements sidérurgiques, spécialement ceux travaillant pour la guerre, étaient farcis à tous les échelons d’un personnel de commandement recruté dans la fine fleur des fils à papa, des « fils d’archevêque », choisi parmi le gratin des hautes administrations, des as et super-as de la technique, de la science, de la finance, etc., le sommet de la pyramide étant souvent occupé par un général en quelque sorte détaché de ses fonctions, exemple : le général de Serrigny passait du commandement de la région militaire de Lyon à la haute direction des Aciéries de la Marine et d’Homécourt, on comprendra qu’un courant pro-guerrier, anglomane et « antiboche » ait pu réduire à l’impuissance et même au silence les partisans du statu quo, prédominer et vaincre toute résistance passive, d’où qu’elle se manifeste.
Un temps viendra, mais alors nous serons engagés dans la guerre, où ces résistances, tout de même, voudront stopper le mouvement. Et nous assisterons à une édifiante dispute des Ya et des Yes qui nous révélera les « causes profondes ».
Nous nous promettons d’en parler. Ce n’est pas que le sujet nous passionne particulièrement. Mais il nous semble qu’en faisant revivre le passé, un passé que les puissances du crime voudraient enfouir à jamais dans le tombeau de l’oubli, nous contribuons à éclairer le présent. Cela suffit pour que nous n’en démordions pas.
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