La Presse Anarchiste

Parlementarisme d’hier… et d’aujourd’hui

À l’heure où j’écris ces lignes – air connu – les quatre Chambres qui com­posent le Par­le­ment de la ive Répu­blique sont réunies et pro­cèdent à la nomi­na­tion de leurs bureaux respectifs.

Car elles sont quatre assem­blées qui se sont don­né pour tâche d’assurer l’administration de la chose publique et de veiller à la défense d’une Consti­tu­tion que per­sonne ne nous envie.

En réa­li­té, il n’y en a qu’une qui compte : l’Assemblée Natio­nale, que pré­side M. Her­riot. Les autres ; Conseil de la Répu­blique (ou Sénat), Conseil éco­no­mique (où trône le Jou­haux de la guerre du droit) et l’Assemblée de l’Union fran­çaise ne sont que des satel­lites sans impor­tance. On se deman­de­rait même pour­quoi elles existent si l’on ne savait pas que dans toute bonne démo­cra­tie qui tient à résis­ter le plus long­temps pos­sible à la colère popu­laire, il faut assu­rer le plus grand nombre de siné­cures, cha­cun des pri­vi­lé­giés se fai­sant un devoir de défendre son « bif­teck » tout en ayant l’air de défendre ce qu’ils appellent la République !…

Au temps de la « troi­sième pour­rie », comme nos « nova­teurs » se plaisent à la nom­mer – bien long­temps après nous, il faut le dire – le régime se conten­tait de deux assem­blées : la Chambre et le Sénat.

Leurs membres étaient élus. Bien ou mal, c’est enten­du. La foire aux élec­teurs bat­tait son plein. C’était assez pit­to­resque, et il y avait par­fois de l’imprévu.

Chaque Fran­çais avait le droit de se pré­sen­ter aux suf­frages de ses concitoyens.

Et ceux qui ne croyaient pas, – nous étions de ceux-là et le sommes demeu­rés – à l’efficience du par­le­men­ta­risme, pou­vaient pro­fi­ter de la cir­cons­tance pour dire leur fait aux « bara­ti­neurs », aux mar­chands d’or­vie­tan, à tous les char­la­tans de la politique.

Il y avait, mal­gré tout, en ce temps-là, une appa­rence de liber­té à laquelle les « tom­beurs » du nazisme et autres fas­cismes ont mis bon ordre.

Aujourd’­hui, les par­le­men­taires ne sont pas à pro­pre­ment par­ler élus : ils sont nom­més, dési­gnés par des par­tis omni­po­tents qui se sont par­ta­gé les places – et quelles places ! – et non pas seule­ment les sièges aux diverses assem­blées, mais les ambas­sades, les direc­tions d’entreprises natio­na­li­sées, etc., ce qui éta­blit la foire d’empoigne sui­vant le mode proportionnel.

Je ne sais pas si la bêtise popu­laire que d’aucuns se plaisent à juger incom­men­su­rable résis­te­ra encore long­temps à cette pro­vo­ca­tion inces­sante des divers gangs poli­ti­ciens qui, à force de tirer sur les cor­dons de la bourse des contri­buables fini­ront bien par tout casser.

Car ces mes­sieurs n’y vont pas avec le dos de la cuillère. Ils savent se ser­vir. Cha­cun de ces « hono­rables » touche, en effet, un peu plus d’un mil­lion par an. Sans comp­ter les à‑côtés. Pour­quoi faire ? Les uns pour voter des impôts que les autres refusent, ce qui n’empêche pas ces impôts d’être fina­le­ment appli­qués et les ton­dus de l’être chaque jour un peu plus.

Après le vote du der­nier bud­get où les mil­liards étaient jetés à la volée, au petit bon­heur et sui­vant les injonc­tions gou­ver­ne­men­tales, après avoir approu­vé des lois qui sont un défi au bon sens (loi fis­cale, loi sur les loyers, etc.), le pré­sident Her­riot avant de clore la ses­sion crut bon de féli­ci­ter les quelque cinq cents para­sites dont il dirige les débats pour l’œuvre qu’ils avaient accomplie.

Je ne veux pas faire l’injure au maire de Lyon de croire, en cette cir­cons­tance, à sa sin­cé­ri­té, ce serait mettre en doute son intelligence.

Car l’électeur lui-même qui, par défi­ni­tion est un type plu­tôt bor­né, qui croit aux miracles, au père Noël, etc., l’électeur qui n’en est même plus un, qui est en quelque sorte un élec­teur « diri­gé », semble avoir com­pris. Il se rend compte qu’il a vrai­ment bonne mine et qu’il aura bien­tôt mine de rien !…

Certes, le par­le­men­ta­risme de la iiie Répu­blique n’était pas beau à voir, mais celui de la ive porte en lui sa propre déchéance et rem­place avan­ta­geu­se­ment nos comi­tés anti­par­le­men­taires d’antan.

Qu’il se sui­cide donc. Ce n’est pas nous qui le regretterons.

[/​Pierre Mual­dès./​]

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