La Presse Anarchiste

Revue des livres

Samuel Shel­la­bar­ger : Capi­taine de Cas­tille (Édi­tions du Pavois, 495 fr.). – Ce roman-fleuve a obte­nu un grand suc­cès non seule­ment aux « États-Unis » mais dans tous les pays où la tra­duc­tion en a été publiée.

Roman his­to­rique, roman de cape et d’épée, roman d’aventures ? Ce livre est tout cela. Et sans doute l’auteur, qui fait pen­ser à Alexandre Dumas, a‑t-il pris quelques liber­tés avec la véri­té his­to­rique. Quoi qu’il en soit, il faut bien avouer que, dans le genre, cette œuvre consti­tue une fresque gigan­tesque qui, par la qua­li­té du rythme, l’intensité des cou­leurs et de l’action, ne peut man­quer de séduire cette âme moderne qui n’a plus la force de cher­cher dans l’avenir un ali­ment à ses rêves.

Le suc­cès de cette « lit­té­ra­ture d’évasion » n’est-il pas dû sur­tout à ce qu’elle plonge dans les richesses d’un pas­sé dont on ne craint plus rien et qu’elle nous montre l’homme – bras et cer­veau – en marche vers des hori­zons qui paraissent aujourd’­hui fer­més par la han­tise du robot et de la rampe atomique !

Ce livre vaut sur­tout par un cha­pitre qui évoque l’ombre ter­rible de l’Inquisition. Ce cha­pitre, qui montre avec une puis­sance sai­sis­sante l’influence et l’action de ce saint office, dont tout Espa­gnol du xvie siècle ne pro­non­çait le nom qu’en trem­blant, suf­fi­rait ample­ment à jus­ti­fier le suc­cès du roman dont la tra­duc­tion, de M. Made­leine Dujon et Jean Cas­tet, est vrai­ment remarquable.

Jean Alber­ny : Les Cou­pables (Presses Uni­ver­selles, 180 fr.). – L’auteur est un paci­fiste convain­cu. Son argu­men­ta­tion, qui est excel­lem­ment conduite, tend à mon­trer, à tra­vers la trame du plus attrayant roman, non seule­ment toute l’imbécillité de la guerre, mais aus­si sa mons­trueuse inuti­li­té comme ses plus folles conséquences.

Max Stir­ner : L’Unique et sa Pro­prié­té (Édi­tions Slim, 325 fr.). – Une excel­lente réédi­tion d’un chef‑d’œuvre de phi­lo­so­phie trop peu connu. Contrai­re­ment aux « méca­nistes » mar­xistes, Stir­ner consi­dère que l’individu est la base et l’explication de l’humanité. Tra­duc­tion de Hen­ri Lavigne. Excel­lente pré­face d’Émile Armand et judi­cieux limi­naire de Fer­nand Planche.

Chris­tian Gali : L’Air de loin (Édi­tions Voir et Dire). – Des vers qui ne sont confor­mistes ni dans la métrique ni dans la langue. Jugez plu­tôt de leur irres­pec­tueuse vigueur par ce por­ca vio dio Cano que d’aucuns juge­ront fort indécent ! :

Por­ca via dio Cano
ça veut dire cochon de Dieu
ça veut dire la vie est bête
ça veut dire beau­coup de choses
pour le petit prolétaire
qui a son­né à la porte
et qui n’a trou­vé personne…

M. Camp­bell-Barnes : Anne de Clèves (Qua­trième femme de Hen­ri viii) (Édi­tions des Deux-Rives, 285 fr.). – Dans ce roman, bien tra­duit par Marie Sin­gou­rot, s’entremêlent fort habi­le­ment les stupres habi­tuels aux cours royales de toutes les époques, nous y retrou­vons la « jument fla­mande » por­trai­tu­rée par Hol­bein, les appé­tits sexuels de Hen­ri viii et les intrigues de Marie Tudor et des digni­taires de l’église ; l’intérêt ne se relâche pas un ins­tant par­mi ces per­son­nages plus curieux que sympathiques.

Mar­cel Pagnol : La Belle Meu­nière (Édi­tions Self, 300 fr.). – Un scé­na­rio de La Belle Meu­nière pour le ciné­ma. L’œuvre de Schu­bert, qui atteint au pathé­tique par des moyens si simples, peut-elle se prê­ter sans dom­mages aux arran­ge­ments et aux gran­di­lo­quences du ciné­ma ? L’auteur recon­naît, dans un limi­naire qui a le mérite de la clar­té, que la cruelle pré­ci­sion de la pho­to­gra­phie, qui trans­perce jusqu’aux objets, a ses exi­gences par­fois incon­ci­liables avec le manque de « réa­lisme » de cer­tains textes…

C’est mal­heu­reu­se­ment cet « irréel » que ne peut expri­mer le film qui fait tout l’attrait du cycle entier de La Belle Meu­nière.

[/​Serge./​]

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