La Presse Anarchiste

Du haut de mon mirador

Le prési­dent de la République vis­i­tant la ban­lieue parisi­enne n’a pas fait recette. La pop­u­la­tion, nous assure-t-on, ne s’était pas dérangée, sinon pour l’acclamer, tout au moins pour se press­er sur son pas­sage. Du temps des rois, il en était autrement. Il est vrai que nos rois étaient doués du pou­voir de guérir les écrouelles. Je pro­pose cet amende­ment à notre Con­sti­tu­tion si laborieuse­ment établie : un amende­ment ren­dant oblig­ataire, pour le Prési­dent de la République, la guéri­son des adénites. Voilà qui don­nerait du lus­tre à sa fonc­tion et lui gag­n­erait le cœur des foules.

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Avec la mort de Louis Bertoni, le com­mu­nisme anar­chiste perd l’un de ses représen­tants les plus authen­tiques, les plus qual­i­fiés et les plus dés­in­téressés. Et non seule­ment cela : un homme cul­tivé et un pro­pa­gan­diste qui ne bais­sa jamais pavil­lon devant les per­sé­cu­tions et les pour­suites dont il fut l’objet. Quelles que fussent nos dif­férences de point de vue, son « proud­hon­isme » nous était éminem­ment sympathique.

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Le som­meil ampute d’un tiers, au moins, la courte durée de l’existence. Cer­tains affir­ment qu’avec les pro­grès de la médecine et les ressources tou­jours crois­santes de la chimie, l’homme arrivera quelque jour à tri­om­pher de cette « super­fluité ». Dans tous les cas, les suites du manque de som­meil seraient bien moins néfastes que ce qu’on pense générale­ment. Sans incon­vénient pour sa san­té, l’être humain peut s’habituer à ne dormir que qua­tre ou cinq heures par jour. On a con­staté qu’un som­meil très court fait dis­paraître les trou­bles qu’une insom­nie de plusieurs jours pro­duit dans l’organisme. Peut-être le besoin d’un repos de longue durée est-il dû à un lent atavisme per­pé­tué par d’innombrables généra­tions. On peut répon­dre que le besoin de som­meil se fait sen­tir chez nos « frères inférieurs » et qu’après tout cette halte, au milieu des soucis et des préoc­cu­pa­tions qui nous assail­lent quo­ti­di­en­nement, nous fait oubli­er « a. douleur de vivre ». C’est un résul­tat appréciable.

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Peu à peu le mys­tère qui entourait la com­po­si­tion des pre­miers chapitres de la Bible se dis­sipe. Ce n’est pas une œuvre orig­i­nale : les pre­miers chapitres de la Genèse présen­tent une par­en­té incon­testable avec les épopées religieuses suméri­ennes, qui de 2000 à 3000 ans avant notre ère occu­paient la Basse-Mésopotamie (à not­er que les sumériens ne sont pas des sémites). Un assyri­o­logue améri­cain, S. N. Kramer, a pu déchiffr­er des tablettes cunéi­formes demeurées inédites jusqu’ici, à cause des dif­fi­cultés d’interprétation. C’est ain­si que l’épopée de « Gil­gamesh » fait appa­raître le 2e et 3e jour le ciel et la terre ; les lumi­naires (soleil et lune) le 4e jour, les ani­maux, le 5e jour, l’homme, le 6e jour. Le par­al­lélisme avec le réel de la Genèse est frappant.

De même en ce qui con­cerne le Par­adis édénique, le Déluge, la Chute. Dans une tablette qui se trou­ve au Lou­vre, il est ques­tion d’un pays de Dil­moun, véri­ta­ble Éden d’eau et de ver­dure : dans ce pays la mère enfante sans douleur, ce qui éclaire la malé­dic­tion portée con­tre la femme qui, après la chute, « enfan­tera dans la douleur » (Gen. iii, 16). Enki, dans un pas­sage d’une autre épopée dénom­mée « Enki et Nin­hour­sag », mange un cer­tain nom­bre de plantes et est mau­dit, tout comme le seront Adam et Eve pour avoir mangé du fruit de l’arbre inter­dit. Comme dans la Genèse, la divinité prend la déci­sion d’envoyer sur terre un déluge peur détru­ire l’homme. Sur les con­seils d’Enki (ci-dessus nom­mé), le Noé sumérien, Ziousoudra con­stru­it une arche qui vogue sur les flots. Après sept jours et sept nuits de tem­pête le soleil réap­pa­raît et Ziousoudra, sor­ti de l’arche, se prosterne devant le dieu soleil et lui offre un sac­ri­fice sanglant. Kramer annonce qu’il lui fau­dra sept vol­umes pour épuis­er son sujet.

Bref, les pre­miers chapitres de la Genèse sont une adap­ta­tion spir­i­tu­al­isée et théologique d’originaux antérieurs de mille à quinze cents ans à la date de la com­po­si­tion du réc­it biblique. Qui sait si quelque jour une décou­verte ne nous fix­era pas sur le degré d’authenticité des réc­its de la vie du Christ, voire sur son exis­tence elle-même !

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The Over­seas News Agency, agence améri­caine, a envoyé de Rome une dépêche qui four­nit un exem­ple de ce qu’a sig­nifié la libéra­tion pour cer­taines pop­u­la­tions. Il s’agit d’un rap­port établi par le maire d’Esperia (Frosi­none) en Ital­ie : Sur un total de 2 500 per­son­nes, 700 femmes ont été assail­lies, c’est-à-dire presque toute la pop­u­la­tion fémi­nine de la local­ité ; toutes ont été con­t­a­m­inées, plusieurs sont mortes, d’autres sont mourantes. Par­mi ces femmes, cer­taines sont jeunes, d’autres très jeunes, qui devi­en­nent à leur tour prop­a­ga­tri­ces des infec­tions vénéri­ennes. À cela doit s’ajouter le prob­lème des enfants nés de ces vio­ls. Il ne s’agit pas d’incriminer telles au telles troupes colo­niale, mais de tir­er cette leçon, que tout occu­pant, qu’il se dénomme démoc­rate, libéra­teur ou le con­traire, apporte chez l’occupé la ruine, le mal­heur, la souf­france. C’est la guerre qui est haïss­able, la guerre dont la hideuse fig­ure reste la même, quel que soit l’uniforme du guerrier.

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Dans notre douce France, l’occupant a dis­paru. Or, aux envi­rons de Brive, au camp des Chapelles, une bande de gamins se trou­vait réu­nis. Arrive un garçon de 11 ans sor­tant de classe. Deux des enfants lui pro­posent de jouer une scène de Tarzan qui avait passé sur l’écran d’une salle de Brive, une quin­zaine de jours aupar­a­vant. Il accepte, il est lig­oté, attaché a un poteau élec­trique autour duquel on entasse des herbes séch­es. L’un des insti­ga­teurs va chercher chez lui un tison embrasé et met le feu au bûch­er. Entouré, d’une fumée âcre, de flammes menaçantes, la vic­time se met à crier, sup­plie qu’on le délie. La bande reste là, nulle­ment émue par les cris du mal­heureux. Quand ils se décidèrent à le délivr­er, le feu avait pris aux vête­ments du pau­vre petit qui se tor­dait de souf­france. Il fut ramené chez lui griève­ment brûlé. Il lui fau­dra un mois et demi à deux mois d’immobilisation. Après enquête, on a décou­vert que les cru­els gamins ne fréquen­taient pas l’école, ne savaient pas lire, que per­son­ne chez eux ne pou­vait sign­er son nom. On accusera le ciné­ma d’être cause de cette « revivis­cence de la brute prim­i­tive ». Hélas, le ciné­ma n’est que le reflet de la men­tal­ité d’un monde de spec­ta­teurs qui trou­ve de la joie à la représen­ta­tion de scènes de violence.

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Il existe actuelle­ment à Mul­tan, dans les Indes, con­trée où les femmes sont rares, un « marché d’esclaves » floris­sant. Seule­ment on n’y expose pas les jeunes filles sur la place du marché, c’est le père de la fille à mari­er qui décrit ses charmes, ses yeux en forme d’amande, sa peau douce, son teint blanc. Les nou­velles volent de bouche en bouche, les ama­teurs accourent, les prix mon­tent dans la mesure où l’auteur des jours de la future se mon­tre élo­quent. L’enchère exige par­fois le sec­ours d’usuriers et pèse sur le bud­get de trois généra­tions peut-être !

Tan­dis que ces mœurs d’un autre âge s’avèrent bien vivantes dans cette loin­taine par­tie du monde, des fouilles opérées dans des cav­ernes à Mohen­jo-Daro, province du Sind, égale­ment aux Indes, il appert qu’il y a 5 000 ans, les femmes s’ornaient de ban­deaux, de boucles d’oreilles, anneaux pour le nez, kohl pour les paupières, et enfin se ser­vaient de rouge, con­tenu dans des coquilles. Ce qui démon­tre que la femme, pour plaire, n’a guère – depuis ces temps reculés – mod­i­fié sa tac­tique, sans doute parce qu’alors comme aujourd’hui, cela plai­sait aux hommes et qu’alors comme aujourd’hui, ils s’y lais­saient prendre !

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Pour ne pas quit­ter les Indes, n’oublions l’article d’un jour­nal de ce pays qui s’étend com­plaisam­ment sur les super­sti­tions des Baï­gas, peu­plade qui habite les provinces cen­trales. C’est ain­si qu’ils ne s’y mari­ent pas le same­di, ce jour étant con­sid­éré comme essen­tielle­ment néfaste. Si un Baï­ga éter­nue une, ou trois fois au début d’un voy­age ou d’un tra­vail, il s’arrête immé­di­ate­ment. S’il éter­nue deux ou qua­tre fois, c’est signe que ce qu’il fait lui réus­sira. S’il aperçoit un per­ro­quet en train de manger une mangue, en l’entamant au milieu, il y aura de la pluie pen­dant deux mois sans dis­con­tin­uer. Mais si le per­ro­quet mange la mangue tout entière et laisse tomber le noy­au sur le sol, il y aura une bonne pluie chaque mois pen­dant toute la sai­son. Si dans un nid de per­drix les œufs sont rassem­blés, il y aura de la pluie en temps voulu. S’ils sont éparpil­lés, la pluie fera défaut et ce sera une année de famine.

Pau­vres gens ! Mais une enquête appro­fondie menée chez nos voisins d’Outre-Manche, selon les principes mis à la mode par l’Institut Gallup a révélé que trente-cinq pour cent des per­son­nes inter­rogées croient aux esprits (spiritisme) et une pro­por­tion à peu près équiv­a­lente aux fan­tômes et revenants. Vingt pour cent ont con­fi­ance en la chi­ro­man­cie et qua­tre-vingt-six pour cent admet­tent la télé­pathie. En ce qui con­cerne l’astrologie, une per­son­ne sur sept ajoute foi aux horo­scopes. Enfin, sur cent per­son­nes, qua­tre-vingt-dix-neuf pren­nent au sérieux les sci­ences occultes, une seule rejette en bloc toutes les man­i­fes­ta­tions soi-dis­ant inexplicables.

Comme vous voyez, il n’y a pas beau­coup de dif­férence entre ces Anglais moyens et le Baï­ga moyen – sauf le ver­nis des siè­cles de civil­i­sa­tion ignoré de ce dernier.

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On nous a par­fois demandé des ren­seigne­ments sur la mort du Dr Max Net­t­lau qui s’éteignit le 23 juil­let 1941. La bib­lio­thé­caire de l’Institut Inter­na­tion­al d’Histoire Sociale d’Amsterdam avait l’habitude de dîn­er en sa com­pag­nie une fois par semaine. Elle était près de lui quand il suc­com­ba. Durant la guerre, d’ailleurs, c’était la seule per­son­ne entre­tenant avec lui des rela­tions suiv­ies. Durant l’occupation on le lais­sa en paix. Il vivait dans une petite cham­bre ensoleil­lée, où il se plai­sait et pas­sait ses jours à lire et à rédi­ger ses mémoires. Il vivait soli­taire, mais n’en avait cure. Max Net­t­lau jouis­sait d’une très bonne san­té, mais un jour il tom­ba griève­ment malade ; emmené à l’hôpital, il expi­ra quelques jours après.

Les Alle­mands, en octo­bre 1944, firent main basse sur tout ce que ren­fer­mait l’Institut, mais Max Net­t­lau a tou­jours ignoré que ses man­u­scrits et ses let­tres avaient été égale­ment emmenés en Alle­magne. Heureuse­ment l’Institut a pu récupér­er 1 500 caiss­es de col­lec­tions divers­es et on espère y décou­vrir les papiers du Dr Nettlau.

[/Qui Cé/]


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