La Presse Anarchiste

Si les bêtes pouvaient se faire entendre

Les camps de concen­tra­tion, les chambres à gaz, les expé­riences vivi­sec­tion­nistes sur des dépor­tés… toutes ces hor­reurs… cet enfer aux mille cercles que Dante n’avait pas ima­gi­né ! Bien sûr.

Ce n’est cer­tai­ne­ment pas vous ni moi qui aurions conçu pareilles atro­ci­tés. L’idée ne peut en avoir ger­mé que dans des cer­veaux dés­équi­li­brés, chez des êtres intoxi­qués par le pou­voir abso­lu dont ils disposaient.

Et pour­tant !

Et pour­tant, insis­té-je, quand on exa­mine la façon dont l’homme se conduit à l’égard de ses « frères infé­rieurs », n’y trouve-t-on pas en germe le plai­sir d’imposer de la souf­france ? Je dis bien impo­ser, car, à part de rares excep­tions, l’homme agit en archiste, en domi­na­teur, à l’égard des ani­maux, d’autant plus qu’ils sont moins sus­cep­tibles de lui oppo­ser résistance.

Pen­sez-vous que le char­re­tier qui insulte et cingle à grands coups de fouet le che­val atte­lé à un char­ge­ment trop lourd, qui ne peut plus démar­rer après s’être arrê­té – ou s’il est tom­bé, l’oblige à force de coups de pieds à se rele­ver sans l’avoir déte­lé – pen­sez-vous que ce char­re­tier-là n’ait pas en lui l’étoffe d’un tortionnaire ?

Vaut-il mieux le tou­cheur de bes­tiaux qui, afin d’accélérer le déchar­ge­ment des bœufs à l’abattoir, leur tord la queue jus­qu’à la dou­leur pour les for­cer à éva­cuer de wagon ? Et les bou­chers qui empilent les bovins dans leur remorque ou les laissent voya­ger dans les trains sans eau et sans nour­ri­ture durant plu­sieurs jours ? Et ceux qui expé­dient les cochons en caisse ; les volailles dans des cageots, tête pen­dante et pattes liées !

Je n’en fini­rais pas s’il me fal­lait énu­mé­rer les dif­fé­rentes tor­tures que les hommes et les petits d’homme infligent aux ani­maux : des bêtes qui ne mangent jamais à leur faim, des chiens roués de coups, des chats aban­don­nés, des oiseaux chan­teurs aveu­glés, aux han­ne­tons qu’on fait tour­ner au bout d’un fil, aux sau­te­relles qu’on ampute de leurs pattes, aux mouches qu’on laisse ago­ni­ser pen­dant des heures sur du papier englué. Et je ne fais que men­tion­ner la cas­tra­tion des chats, chiens, che­vaux ; et ces mal­heu­reuses bêtes de cirque, qu’on oblige à faire les pitres !

Je n’indique que pour mémoire les sup­plices que l’homme fait subir aux ani­maux par rai­son gas­tro­no­mique : gavage des oies, occa­sion­nant chez ces pal­mi­pèdes une hyper­tro­phie du foie accom­pa­gnée de souf­france ; absorp­tion des huîtres ava­lées vivantes ; pré­pa­ra­tion des escar­gots sou­mis à un jeûne pro­lon­gé avant d’être ébouillan­tés ; crus­ta­cés pré­ci­pi­tés tout vifs dans la cas­se­role dont on main­tient le cou­vercle soli­de­ment clos ; carpes et tanches lais­sées hors de l’eau jus­qu’à ce qu’elles crèvent, ce qui demande trois ou quatre jours. Etc., etc.

Bien enten­du, je reste muet quant à la vivi­sec­tion pra­ti­quée en laboratoire.

Ma conclu­sion c’est qu’on peut décou­vrir l’équivalent de tous les sup­plices infli­gés par les bour­reaux nazis à leurs infor­tu­nées vic­times dans ceux que l’homme impose aux animaux.

Ah ! si les bêtes pou­vaient par­ler… et conclure…

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