Nous avons parlé, dans le numéro 3 – 4 de la Voix du Travail des ravages que l’alcoolisme fait en Russie. Ces ravages sont, sur une échelle si formidable qu’un cri d’alarme est jeté dans toute la presse, soviétique. Mais il ne s’agit pas seulement de l’alcoolisme proprement dit ; il s’agit surtout du désordre introduit dans toute la vie sociale du pays. Le phénomène le plus frappant, qui sévit aujourd’hui de par toute la Russie, est celui du banditisme – un banditisme souvent résultant de l’état d’ébriété totale des individus, mais souvent aussi de sang-froid, dans la complète possession de leurs facultés.
Jugez plutôt du caractère de cette épidémie par les chiffres pris un peu partout dans la presse officielle :
La Komsomolskaya Pravda (La Vérité des Jeunes Communistes) écrit que « des 23 000 procès-verbaux pour banditisme comme suite à un état d’ivrognerie, treize pour cent ont trait à des membres du parti communiste et aux jeunesses communistes. Le pourcentage d’actes de banditisme perpétrés par des individus absolument sobres est excessivement élevé. »
Dans le district de l’Oural, nous dit l’organe officiel de la Fédération russe du Bâtiment, la milice a arrêté, en six mois, 25 000 individus ivres ayant troublé l’ordre public. À Moscou, 22 739 personnes furent appréhendées durant la même période pour les mêmes causes. Dans le gouvernement d’Ivanovo-Voznessensk le banditisme croit rapidement. Contre 428 cas enregistrés en 1923, les huit mois de 1926 donnent un total de 4 438 actes de banditisme. Dans le gouvernement de Yaroslav, 14 466 cas sont enregistrés pour l’année courante. Et ainsi de suite, sur toute l’étendue de l’URSS.
Le ministère de l’Intérieur de la République russe. (partie intégrante et principale de l’URSS) a convoqué une conférence pour examiner la situation et à laquelle le commissaire du peuple pour l’Intérieur Byeloborodoff, a présenté un long mémoire. D’après lui, « il n’y avait aucun doute que la classe ouvrière et les paysans donnaient le plus grand pourcentage de banditisme » (la minorité étant de provenance « bourgeoise »). Le Ministre, reconnaît que « l’alcoolisme était la levure sur laquelle croissait le banditisme ». N’oublions pas que l’alcoolisme n’est devenu épidémique en Russie qu’avec l’introduction et la vente officielle de la vodka par le gouvernement bolcheviste.
Il est donc avéré : de la bouche même d’un représentant de ce gouvernement, que le bolchevisme lui-même porte la responsabilité directe et entière du nouveau phénomène social qui détruit à l’heure actuelle et la classe : ouvrière et paysanne russe et la génération sur laquelle auraient dû se fonder tous les espoirs de l’avenir.
Quelles mesures pense-t-on prendre pour enrayer ce mal qui démoralise toute la vie d’un pays ? Prohibition de la vodka ? Éducation ? Élévation du niveau moral de la population ? Libertés fondamentales qui donneraient à l’ouvrier, au paysan, à la jeunesse un désir de vivre et de se rendre utile, un désir de lire ce qui leur plaît, de dire ce qui leur plaît, – en un mot, de se sentir des hommes libres ?
Allons donc, vous n’y êtes pas du tout. Tout cela, c’est des « préjugés bourgeois ». Non, la dictature du prolétariat a bien d’autres moyens à sa disposition. Les voici, tels qu’ils ont été proposés et acceptés par la commission du ministère de l’Intérieur :
« Les Municipalités auront le droit d’exiler les bandits par ordre administratif (c’est-à-dire sans procès).
« Les bandits dont la brutalité sera exceptionnelle – voies de fait, meurtre – pourront être condamnés à être fusillés.
« Les miliciers seront munis de matraques.
« Blessures portées par un bandit sur la personne d’un milicier, seront punissables d’après le § 76 du Code Pénal qui prévoit la peine de mort ».
Telles sont les solutions punitives d’une maladie sociale dont les causes sont à rechercher dans le
régime même qui l’engendre.
Quel manque d’originalité ! Le fusil et la matraque suffisent à tout en Russie bolcheviste et remplacent à toute occasion la bêtise criminelle des dictateurs bolchevistes. C’est plus facile – et plus expéditif.
Banditisme conscient de l’État contre banditisme inconscient des masses trompées cherchant une issue à leur étouffement moral, matériel et, intellectuel !