La Presse Anarchiste

Revue critique des faits, des idées, des écrits

Les faits

La presse mène grand tapage autour des « scènes anar­chiques » de Lorient. Le dra­peau rouge a été arbo­ré aux accents de « l’Internationale » au som­met d’un navire de guerre en construc­tion, on a fait la grève des bras croi­sés, on a hué l’amiral et des col­li­sions ont eu lieu avec la police. Les motifs de tout ceci ? Reven­di­ca­tions bien ano­dines, ren­voi d’un contre-maître, dépla­ce­ment des ves­tiaires, etc. Ces révol­tés de quelques heures, n’en conti­nuent par moins à construire des cui­ras­sés, des engins de meurtre, de des­truc­tion. Col­la­bo­ra­teurs dociles des œuvres de guerre et d’esclavage, leur révolte est elle sérieuse et peut-elle mena­cer l’ordre social actuel ? Certes, nous ne pou­vons que dési­rer la fré­quence de tels sou­bre­sauts popu­laires, à condi­tion qu’ils deviennent plus conscients et plus profonds.

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La répres­sion gou­ver­ne­men­tale conti­nue, en s’accentuant. Her­vé, tou­jours sar­cas­tique, addi­tionne les années de pri­son. D’autres : Gour­me­lon, Roul­lier, Pen­gam, Aubin, etc., sont frap­pés, tan­tôt pour pro­vo­ca­tions au sabo­tage, tan­tôt pour par­ti­ci­pa­tion au mou­ve­ment pro­tes­ta­taire contre la cher­té des vivres, tan­tôt encore pour anti-mili­ta­risme. Voi­ci main­te­nant notre ami, le chan­son­nier Lanoff, que les Assises de l’Aisne viennent de condam­ner pour délit de parole à deux mois de pri­son. N’est-il pas logique que s’affirme, paral­lè­le­ment à l’indifférence géné­rale, l’arbitraire des diri­geants ? Ceux-ci ne craignent guère nos colères de réunions publiques et la répro­ba­tion pla­to­nique des « orga­ni­sés » coti­sants et votards. Culti­ver des forces, qui se pour­ront dres­ser uti­le­ment, ferait davan­tage réflé­chir nos maîtres, – que se conten­ter de crier sans agir.

Les périodiques

La Guerre Sociale publie la défense pro­non­cée par Gus­tave Her­vé aux Assises. Accu­sé d’avoir fait l’apologie d’attentats contre des poli­ciers, il pro­nonce en termes ardents la condam­na­tion du régime actuel dont la cor­rup­tion et la sot­tise deviennent de plus en plus évi­dentes. Mais ses consi­dé­ra­tions à l’égard de la police, laissent à dési­rer. Com­plé­tées par les décla­ra­tions qu’Almereyda adresse à « frère flic » elles nous pré­sentent les poli­ciers sous un jour com­plè­te­ment nou­veau. Le « vrai » poli­cier, qui ménage les mani­fes­tants et se contente de moles­ter les réfrac­taires éco­no­miques, est aver­ti que les portes de la Répu­blique Sociale lui seront grandes ouvertes. Hélas, nous nous en doutions…

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Com­bien démo­ra­li­santes les colonnes où La Bataille Syn­di­ca­liste nous parle des pro­vo­ca­teurs sti­pen­diés par les gou­ver­nants. Chaque jour amène la décou­verte de nou­veaux mou­chards, dont la mal­fai­sance peut-être grande au sein d’organisations mou­ton­nières. Le vrai remède, c’est réagir contre toute délé­ga­tion, tout embri­ga­de­ment – en don­nant à cha­cun conscience de son indi­vi­dua­li­té. Alors les déma­gogues plus ou moins tarés ne feront plus de vic­times. Ajou­tons tou­te­fois que ce n’est pas une rai­son pour sus­pec­ter tout par­ti­san de l’action directe et de la vio­lence, ain­si que cer­tains semblent vou­loir le faire. De plus, il faut faire la part du bluff jour­na­lis­tique et des conclu­sions peut être hâtives aux­quelles il peut conduire.

– À pro­pos du cas Ricor­deau, le Liber­taire s’élève contre la Guerre Sociale. « Assez de bluff », tel est le conseil signi­fi­ca­tif, don­né aux « Poli­ti­ciens de la G.S. » D’autre part, ces der­niers engagent une polé­mique vio­lente avec la Bataille Syn­di­ca­liste. Répé­tons-le, l’impression géné­rale est plu­tôt démoralisante.

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« La guerre au ser­vice de la vie ». Tel est le titre choi­si par Le Rétif dans l’anarchie pour com­men­ter la thèse chère à Élie Faure et à maint revan­chard… La thèse est ici, inco­hé­rente et mau­vaise. Le Rétif donne d’abord de bonnes rai­sons contre les bou­che­ries humaines, puis il affirme – par une sin­gu­lière contra­dic­tion – que les expé­di­tions colo­niales ont de l’utilité et contri­buent au pro­grès de la civi­li­sa­tion. Des esprits para­doxaux ou inté­res­sés peuvent sou­te­nir de sem­blables théo­ries, il ne m’apparaît pas logique de les ren­con­trer sous la plume d’un cama­rade, œuvrant ain­si que nous-mêmes, pour la réno­va­tion et l’affranchissement sociaux.

Dans le même organe, voi­ci une tra­duc­tion de Tan­cre­do Loren­zi, appré­ciant l’individualisme-anarchiste récem­ment expo­sé par notre ami Deval­dès. C’est une condam­na­tion de la révolte basée sur la rai­son et sur la conscience et la glo­ri­fi­ca­tion des colères sen­ti­men­tales et impul­sives. Nous aurons occa­sion ici, d’examiner et de dis­cu­ter à fond ces doc­trines sociales, basées à mon avis, sur une incom­pré­hen­sion fla­grante des lois qui régissent la nature humaine et l’évolution des collectivités.

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Hors du trou­peau, revue men­suelle, conti­nue les tra­di­tions de sa devan­cière l’Ère Nou­velle. Tra­di­tions fort indi­vi­dua­listes… « Hors de moi, tout n’est que ténèbres et confu­sion… Seul, j’existe… » Voi­là qui ne per­met­tra guère de réha­bi­li­ter les idées indi­vi­dua­listes-anar­chistes, trop sou­vent déna­tu­rées et confon­dues avec les outrances du per­son­na­lisme bizarre de certains.

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À noter, dans la Socié­té Nou­velle plu­sieurs réponses inédites à une enquête sur les rap­ports entre les peuples fran­çais et alle­mands. Une inté­res­sante étude des frères Mary sur les « Révé­la­tions du micro­scope », vul­ga­ri­sant les notions curieuses de la plas­mo­gé­nie. Entre M. Valen­si et entre ami et col­la­bo­ra­teur Alfred Naquet se pour­suit une contro­verse fort édu­ca­tive sur « le Sio­nisme et le Socia­lisme » En sou­te­nant la thèse anti-patrio­tique et anti-reli­gieuse, des­truc­trice des natio­na­lismes nou­veaux ; Naquet accom­plit une œuvre éman­ci­pa­trice incon­tes­table. La véri­té sociale est dans l’élargissement des cadres où ago­nise encore la per­son­na­li­té de l’homme.

Signa­lons aus­si dans les der­niers numé­ros, « Syn­di­ca­lisme et coopé­ra­tion » par J. Baré et « le Syn­di­ca­lisme et la Révo­lu­tion Sociale » par Léon Torton. 

En pas­sant, remer­cions la rédac­tion, de la Socié­té Nou­velle, pour avoir publié in exten­so, la cir­cu­laire-pro­gramme de notre revue. Mêmes remer­cie­ments à nos amis de l’anarchie.

Les livres

Les Jésuites, la classe ouvrière et la révo­lu­tion. (Jules Rous­set, Éditeur).

Notre col­la­bo­ra­teur Émile Hureau rompt des lances contre le jésui­tisme, dont il dénonce les menées actuelles. Moder­nime, Sillo­nisme, ne sont que les formes d’une tac­tique nou­velle pour assu­jet­tir et abru­tir. Il pro­teste contre l’indifférence pré­sente à l’égard des forces reli­gieuses. Non, dit-il, l’Église n’est pas morte et l’action anti-reli­gieuse n’est ni sur­an­née ni inutile ; plus que jamais, au contraire il nous faut redou­bler d’efforts contre l’obscurantisme et don­ner aux cer­veaux une nour­ri­ture saine et libé­ra­trice. Ce livre dont l’allure géné­rale est très inté­res­sante pour­ra paraître naïf. Il n’en sera pas moins utile et capable de faire bonne besogne si l’on veut écou­ter ce que dit son auteur

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La Laïque contre l’enfant. (La Socié­té Nou­velle, Éditeur).

Je signale avec plai­sir le petit livre que vient de publier sous ce titre, notre ami Ste­phen Mac Say. C’est l’œuvre d’un péda­gogue docu­men­té et aver­ti, à l’esprit liber­taire. Avec un cou­rage peu fré­quent, il ne se borne pas à une cri­tique des vieux sys­tèmes dog­ma­tiques, mais s’attaque éga­le­ment aux offi­cines à la façade rajeu­nies qui dis­til­lent l’enseignement dit « laïque ».
En face de tous les fana­tismes, il défi­nit l’éducation ration­nelle, fai­sant des indi­vi­dus et non des serfs,— des hommes libres et non des dis­ciples dociles des écoles répu­bli­caines, patrio­tiques, reli­gieuses, voire socia­listes ou syn­di­cales… Ces pages fortes, sans lit­té­ra­ture pué­rile, sont à lire et à faire lire par tous ceux que pré­oc­cupe l’essentiel pro­blème de l’éducation l’enfance.

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Une vic­toire sans guerre. (Schleich frères, Éditeurs.)

Un recueil pré­sen­té par J. G. Car­te­ret de docu­ments, de des­sins, d’articles, concer­nant les récents inci­dents diplo­ma­tiques que sou­le­vèrent entre la France et l’Allemagne, les com­pé­ti­tions capi­ta­listes en terre maro­caine. Beau­coup de satires, de cari­ca­tures qui mon­tre­ront la men­ta­li­té alle­mande sous son véri­table aspect et non telle que les jour­naux bour­geois ont inté­rêt à nous la pré­sen­ter. De tels livres sont cer­tai­ne­ment bien­fai­sants, sur­tout lors­qu’ils sont ani­més – comme celui-ci – d’une pen­sée sai­ne­ment pacifiste.

[/​A. L./]

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