La Presse Anarchiste

Anarchie et communisme

Anar­chiste !

Il me semble, en ce seul mot, avoir défi­ni l’aspiration de tout mon être : néga­teur d’autorité, de quelle source qu’elle émane, je veux libé­rer mes épaules de toute contrainte, néces­si­té, devoir, droit, obligation.

Que venez-vous me par­ler de cité d’Harmonie, d’égalité, de dimi­nu­tion de l’effort ? Je ne veux pas de votre route sans obs­tacles où l’on s’atrophie et où l’on s’endort dans la mono­to­nie du par­cours qui conduit au pays de Médiocratie.

Si l’on me deman­dait de défi­nir en un seul terme les aspi­ra­tions anta­go­nistes aux miennes, c’est-à-dire impli­quant dépen­dance, ser­vi­tude, abné­ga­tion, je répon­drais : « com­mu­nisme ». Et cepen­dant plu­sieurs ont osé accou­pler ces deux vocables, néga­tion l’un de l’autre : anar­chie et communisme.

Anar­chie, mot qui exprime l’indépendance, l’originalité, la supré­ma­tie de l’individu, le violent désir de lut­ter, de vivre, de s’élever au-des­sus de la médio­cri­té géné­rale ; com­mu­nisme, terme qui sent l’égalité, l’uniformité, le com­mun, la dépen­dance à l’égard d’une abs­trac­tion : la société…

Vos « biens com­muns » – ô com­mu­nistes – ne sau­raient me satis­faire. Je pré­tends être maître et pro­prié­taire de mon pro­duit et de tout ce que ma puis­sance me per­met­tra d acqué­rir. J’entends dis­po­ser de ce que je pos­sède à ma guise, sans que per­sonne ait à y objec­ter. Le bien com­mun n’est jamais mon bien ; lié par des consi­dé­ra­tions morales, je suis obli­gé d’en user dans la mesure qu’il est conve­nu d’appeler sage et rai­son­nable. Or, je pré­tends ne connaître aucune limite : il ne me sied point d’être rai­son­nable ni de me conduire en sage.

Le com­mu­nisme est avant tout une doc­trine sociale : c’est la pro­tes­ta­tion de tous les faibles, de tous les écra­sés, impuis­sants à sou­le­ver le poids qui les accable,

… Refou­lés au bas des éche­lons de l’inégalité, ils réclament l’égalité ; impuis­sants, ils veulent mode­ler la socié­té de telle sorte que toute lutte dis­pa­raisse ; impo­tents, ils dési­rent que tous les obs­tacles dis­pa­raissent de leur route.

Anar­chiste, je ne sau­rais me satis­faire de cet idéal. Mieux vaut encore la socié­té actuelle. Je me sou­cie peu des dif­fé­rentes formes que peut revê­tir la socié­té ; c’est actuel­le­ment que je vis, et c’est avec l’organisation du moment que j’ai à compter.

L’anarchie, pour moi, n’est pas une doc­trine sociale : c’est une aspi­ra­tion indi­vi­duelle, une manière d’être, une façon de sen­tir, une révolte de l’individu contre tout ce qui lie, asser­vit, enchaîne, une explo­sion d’indépendance : une des plus hautes mani­fes­ta­tions de la Volonté.

[/​Francis Vergas/]

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