La Presse Anarchiste

Si tu m’aimais toujours

Si tu m’aimais tou­jours, tu ne res­te­rais pas
Inexo­ra­ble­ment insen­sible à mes larmes,
Et tu t’attacherais à cha­cun de mes pas
Au lieu de me créer de nou­velles alarmes.

Bonne ain­si qu’autrefois, tu me réserverais
Les ins­tants que pour toi le plai­sir teint de rose,
Lorsque Phé­bé la blonde argente le marais
Sur le miroir duquel son clair regard se pose.

Tu m’ouvrirais ton cœur, ta jeune âme et tes bras
Et, refer­mant sur moi leur inef­fable asile,
Tu me racon­te­rais, à l’oreille, tout bas,
Ce qu’en pas­sant la mer dit au sable de l’île.

Ta lèvre, au doux par­fum des pétales de mai,
D’où s’épand des amours l’enivrante ambroisie,
En mon cœur, à souf­frir, hélas ! accoutumé,
Rever­se­rait du rêve et de la poésie.

Face à l’immensité, ton désir le plus cher
Serait de me prou­ver que je t’ai reconquise
Comme à l’heure où pour moi la rose de ta chair
Entr’ouvrit sa corolle à la sen­teur exquise.

Et comme aux soirs défunts d’un rapide printemps,
Abré­geant au plus tôt ma dou­lou­reuse attente,
Sous mes bai­sers, ce soir, dans les bras que je tends,
Tu serais une lyre ado­rable et vibrante…

[/​Eug. Bizeau/]

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