La Presse Anarchiste

Dans la jungle autoritaire

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Propos d’un Paria

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Trop tard… Il est passé !

C’est Louis-Fer­di­nand, de retour d’un voy­age en U.R.S.S. qui résumait ainsi
ses impres­sions : « Vive la iiie pourrie ! »

Certes, pour être pour­rie, elle l’é­tait, la troisième ! Mais, par com­para­i­son avec celle que nous subis­sons actuelle­ment, on serait presque ten­té de répéter avec l’au­teur de « Bagatelles pour un mas­sacre » : Vive la iiie et avec, évidem­ment, toute l’ironie qu’il met­tait dans cette exclamation.

C’é­tait pour­tant pour sauver cette Mar­i­anne en décom­po­si­tion que les « gars du 12 févri­er » se sont heurtés aux « voy­ous » de La Rocque et aux flics de Chi­appe et qu’ils étaient prêts dernière­ment à pour­fendre les « voy­ous » de de Gaulle et les sbires de Baylot.

Cette con­ti­nu­ité dans la volon­té de sauver un régime qu’ils abhor­rent vaut son pesant de caviar. Il est cer­tain que pas mal de ces « répub­li­cains à tout crin » ont beau­coup plus à per­dre qu’à gag­n­er à un change­ment de régime. Le méti­er de révo­lu­tion­naire en pays cap­i­tal­iste nour­rit son homme.

Ce qu’il y a aus­si de curieux, c’est que les slo­gans ne changent pas.

« Il faut bar­rer la route au fas­cisme ! » qu’ils dis­aient hier et qu’ils répè­tent aujour­d’hui, les gars !…

Car le colonel a été rem­placé par le « grand » général !

Le fas­cisme ! De Gaulle dic­ta­teur ? Balivernes.

Et puis, il y a belle lurette qu’il est passé le fas­cisme. Et que les dic­ta­teurs sont juste­ment ceux-là qui gueu­lent le plus fort.

Si nous n’avons pas la dic­tature d’un homme, nous avons celle des par­tis. La plu­part des mesures, lois, décrets pris depuis la libéra­tion ne sen­tent-ils pas le total­i­tarisme à plein nez ?

Lib­erté, lib­erté chérie !…

Nous avons, paraît-il, des lib­ertés à défendre. Lesquelles ?

Il serait plus juste de dire que nous en avons pas mal à recon­quérir, ne serait-ce que la lib­erté d’ex­pres­sion que les maîtres du jour ont envoyée, avec les autres, au ray­on des vieilles lunes.

Heureuse­ment, il reste un espoir, c’est que les dic­ta­teurs à la curée s’empoignent à belles dents.., et qu’ils en crèvent.

Chimère, direz-vous ? Peut-être. Mais que serait la vie sans espérance ?

[/Pierre Mualdès/]

Le profanateur

La mort de George vi, ses obsèques, sa suc­ces­sion au trône devaient bougre­ment intéress­er les Français répub­li­cains puisque la presse quo­ti­di­enne a gavé ses lecteurs durant une semaine des moin­dres détails se rap­por­tant à ces événe­ments d’im­por­tance. Et les Anglais ? Il paraît qu’ils étaient tous en larmes pour le roi et en ado­ra­tion devant la nou­velle reine. Sauf un pour le moins. Celui-là a voulu pro­test­er con­tre la « com­mer­cial­i­sa­tion » des funérailles royales. En refu­sant d’ob­serv­er les deux min­utes de silence ordon­nées alors qu’il se trou­vait dans Fleet Street. On a voulu l’écharp­er d’abord. Il fut traduit devant le tri­bunal ensuite où on lui tint ce dis­cours : « Nous sommes fiers, dans ce pays, de la lib­erté de parole et des autres lib­ertés dont nous jouis­sons, à con­di­tion, toute­fois, de ne pas touch­er aux lib­ertés des autres, par l’ex­pres­sion de votre point de vue vous vous êtes ren­du coupable d’avoir provo­qué du désor­dre. » Rien que la lib­erté de ne pas avoir d’opin­ion per­son­nelle. À tout le moins de ne pas l’ex­primer. Ces deux min­utes ont valu à Antho­ny George une livre d’a­mende. Env­i­ron 28 000 francs de l’heure au cours du change. C’est cher !

Votez pour eux ! Votez pour moi !

L’aven­ture de ce Tac­net, élu député sous le nom de Ducreux, n’est tout de même pas piquée des vers ! Peu scrupuleux il avait véri­ta­ble­ment l’étoffe d’un politi­cien. Sa mort nous prive peut-être d’un min­istre des Finances qui aurait su tir­er le char de l’É­tat hors du bour­bier où il s’en­lise chaque jour davan­tage. Dans l’af­faire, ceux qui ont meilleures mines, ce ne sont point tant les col­lègues que les électeurs. Ces derniers, bien enten­du, ont l’habi­tude. Ils en ont déjà vu de toutes les couleurs. Et si le nom­bre des « votards » dimin­ue d’élec­tions en élec­tions, ceux qui restent n’ont plus qu’à s’es­baudir d’une si fine plaisan­terie. À ce sujet il est amu­sant de rap­pel­er l’ini­tia­tive prise par Zo d’Axa, en 1898, de présen­ter aux suf­frages pop­u­laires l’âne blanc prénom­mé Nul. L’âne fut élu. Sur le papi­er, il va de soi, car il s’agis­sait d’une addi­tion com­prenant les bul­letins blancs, les bul­letins nuls, les absten­tions. « Voix et silences qui nor­male­ment se réu­nis­sent pour sig­ni­fi­er ou le dégoût ou le mépris ». Cela fai­sait, déjà, une con­fort­able majorité. Les électeurs du demi-siè­cle éli­raient aus­si l’âne Nul. Sous le nom d’un quel­conque Ducreux.

Ils en ont un aussi !

Est-ce la faute de la fameuse « loi des séries » ? En tout cas les purs nation­al­istes (il en reste encore quelques-uns dans la presse) se réjouiront et fer­ont observ­er que le Palais-Bour­bon n’a pas l’ex­clu­siv­ité des pan­talon­nades. En Alle­magne on sait y faire égale­ment. Un ancien gauleit­er nazi du nom de Fritz Roessler avait échap­pé au zèle des épu­ra­teurs. Il eût pu se tenir tran­quille et digér­er en paix. Ce qu’eussent fait volon­tiers ses vic­times. Il aimait les par­lotes et les hon­neurs. C’est ce qui l’a per­du. Il com­mença par assur­er son décès… par écri­t­ures publiques. Ressus­ci­tant sous le nom de Franz Richter il com­mença par se remari­er avec sa veuve pour devenir le beau-père de ses pro­pres enfants. Jusqu’i­ci la sit­u­a­tion n’est que vaude­vi­lesque. Ce n’é­tait pas suff­isant à son gré puisque la tar­en­tule poli­tique l’avait si bien piqué qu’il adhéra au par­ti néon­azi et se fit nom­mer député au Bun­destag. Tout a une fin, même l’im­pos­ture. Le gail­lard est en prison et son par­ti privé d’un de ses mem­bres les plus influ­ents. Avouez qu’à Bonn aus­si l’âne Nul avait sa petite chance.

Information

En ouvrant son jour­nal le matin le lecteur peut lire, à peu près chaque jour des nou­velles de ce genre : « La pre­mière bombe atom­ique fab­riquée en Angleterre sera essayée cette année en Aus­tralie. — L’I­tal­ie va bien­tôt fab­ri­quer des fusées en Sar­daigne. — La Yougoslavie se lance à son tour dans la course atom­ique, etc. » Com­ment s’é­ton­ner (après avoir ain­si con­staté la pré­pa­ra­tion métic­uleuse de l’as­sas­si­nat col­lec­tif) de la pul­lu­la­tion de mod­estes entre­pris­es indi­vidu­elles titrées ain­si : « Un ban­dit de 18 ans assas­sine sa pro­prié­taire. — Deux gang­sters armés et masqués dévalisent des cul­ti­va­teurs. — Un Roumain blesse griève­ment son ancien patron. — Un chau­dron­nier poignarde son amie, etc. » L’ex­em­ple vient de haut mais seuls, dans tous les cas, les petits trin­quent. Vous direz peut-être que c’est là leur rôle puisque cela dure depuis si longtemps. Bien sûr. Encore est-il heureux de trou­ver par­fois, dans le même jour­nal, la note gaie. Celle-ci, par exem­ple : « Parce qu’il aimait mieux con­stru­ire que dormir… Eugène le Jeune, vach­er du Fin­istère et « cheminot-cas­tor », a bâti huit maisons à lui tout seul, durant ses heures de loisir. » Avec la pho­to de ce fada, s.v.p.

O justice !

Marie et François May­oux, insti­tu­teurs, sig­nent une brochure paci­fiste vers 1917 au nom de leur syn­di­cat. Ils sont pour­suiv­is, empris­on­nés, révo­qués. Rien que de plus nor­mal sous le Tigre ou ses sem­blables. Amnis­tiés en 1919, réin­té­grés en 1924 ils ont ver­sé, pour assur­er l’in­té­gral­ité de leur retraite, comme tous les réin­té­grés, les sommes afférentes aux sept années de révo­ca­tion. Postiers et cheminots, dans leur cas, obti­en­nent le droit à l’a­vance­ment, réguli­er chez les fonc­tion­naires. Les May­oux, eux, l’at­ten­dent encore mal­gré les promess­es de 1924 et l’am­nistie de 1937. Ce qui fait qu’au­jour­d’hui leur retraite est inférieure à celle d’un insti­tu­teur pour une sanc­tion dis­ci­plinaire datant de 34 ans et amnis­tiée six fois. Nous prote­stons ici. Nous deman­dons à nos lecteurs qui ont la pos­si­bil­ité de pro­test­er dans des jour­naux, assez libres pour le faire, de nous imiter. Pour les syn­diqués d’in­ter­venir dans leurs syn­di­cats pour faite ren­dre jus­tice à nos veux amis.

Cas similaire

Un autre de nos amis, lui aus­si ancien insti­tu­teur, et aus­si paci­fiste con­va­in­cu puisqu’il s’ag­it de Louis Hobey, auteur de « La guerre c’est çà », et mil­i­tant ardent de la paix et du syn­di­cal­isme avant la Sec­onde Guerre mon­di­ale. À la retraite pro­por­tion­nelle il dut pour vivre décem­ment entr­er pro­fes­sion­nelle­ment dans une mairie comme secré­taire. Tout aurait bien été si Mon­sieur le Maire n’avait pris ombrage des activ­ités extérieures de son employé. Il le révo­qua, pure­ment et sim­ple­ment, sans indem­nité. Ce geste d’au­to­crate a entraîné un pour­voi en Con­seil d’É­tat déposé par la Fédéra­tion des secré­taires de Mairie. Depuis Hobey vit avec une retraite incom­plète car, s’il a obtenu un nou­veau titre de pen­sion le maire, obstiné, en a fait dif­fér­er le paiement. Il est bon d’as­soci­er ce cas d’ar­bi­traire à la protes­ta­tion que nous éle­vions dans l’é­cho précédent.

France for ever

Il n’est pas besoin de longs dis­cours pour démon­tr­er que la France — sous la qua­trième République — est le pays le plus paci­fique du monde. Les preuves abon­dent. Voici, à titre doc­u­men­taire, un aperçu de l’é­cart entre les charges de réarme­ment accep­tées par les États et les charges, plus élevées, que les « Sages » recom­mandaient d’as­sumer (les chiffres indiquent la pro­por­tion des dépens­es mil­i­taires par rap­port au revenu nation­al). La pre­mière colonne est réservée aux chiffres gou­verne­men­taux, la sec­onde à la recom­man­da­tion des « Sages » :

France  9,8 % 10,6 %
Belgique  5,1 % 8 % 
Italie  5,7 % 6,5 %
Norvège  4,7 % 5,4 %
Danemark  2,81 % 3,7 %
Canada  8,6 % 9,4 %

Cinq des gou­verne­ments intéressés ont fer­me­ment refusé d’ac­cepter pareilles recom­man­da­tions. La Bel­gique entre autres s’est mon­trée franche­ment aigre-douce. La France, par con­tre, a été la seule à con­sen­tir à porter de 1.070 à 1,120 mil­lion son effort mil­i­taire. À nos poches !

[/Mowgli/]


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