I. Le commandement sacré
Les sursauts naturels de l’homme contre l’oppression ne date pas des siècles derniers. Il y a bientôt 3 000 ans, le peuple Libyphéniciens attaché à la culture de la terre, se révolta parce qu’il maudissait le pouvoir de ses maîtres. Ces derniers formant une armée de mercenaires faisaient peser un joug rigoureux sur les paysans qui bien souvent mouraient par centaines parce que les maîtres venaient leur voler la maigre part de pitance qui leur était réservée. Mais à cette époque, comme maintenant, la révolte des travailleurs n’amena pas leur libération. Agathocle, Régulus ou Scipion l’Africain profitèrent des occasions et s’imposèrent à leur tour apportant aux peuples le poids d’autorités nouvelles.
Nous ne voulons pas analyser les divers stades de l’oppression de l’homme sur l’homme. Tout le monde connaît, plus où moins l’autorité du seigneur sur le serf, du curé sur le paysan, du patron sur le compagnon. À chaque époque, lorsque le travailleur opprimé se révoltait on trouvait toujours un moyen de faire croire à une capitulation du système autoritaire pour imposer, sous une autre étiquette, un nouveau maître.
Depuis un peu plus d’un siècle. Depuis que les premiers travailleurs se sont groupés dans des associations et par la suite des syndicats, les puissants du monde se voyant dans une sale posture eurent une invention diabolique, qui réussit malheureusement, avec l’aide volontaire d’une classe ouvrière encore tout assoiffée d’un esprit d’autoritarisme que nos marxistes développèrent avec frénésie.
Ainsi c’en était fait, les travailleurs allaient volontairement servir de tremplin pour que le capital et la bourgeoisie se sortent de l’ornière où les premiers révolutionnaires les avaient entraînés. Par la création des grandes usines et des grandes administrations la hiérarchie auxiliaire fidèle du capital, de l’oppression et du crime se constitua.
Tout cet ordre et cette subordination du manœuvre au manœuvre spécialisé, du manœuvre spécialisé à l’aide-ouvrier, de l’aide à l’ouvrier, de l’ouvrier au sous-chef, du sous-chef au chef, etc., pour arriver finalement au directeur, au président du Conseil d’administration et au Ministre.
On avait ainsi créé la hiérarchie ! avec l’emploi intégral des termes issus du grec Hiéros : Sacré, et Arché : Commandement. L’ouvrier, l’employé, le travailleur de toute catégorie est donc entraîné dans une infernale subordination à ce commandement sacré.
Et en employant cette méthode, et ce terme maudit de : Hiérarchie, on trouva l’excellent moyen de se servir d’hommes du peuple pour opprimer d’autres hommes du peuple au nom de la formule hiérarchique. Les maîtres du monde n’ayant rien abdiqué de leur sadisme font ainsi peser leur joug par personne interposée. Le plus triste et les plus à plaindre sont ces travailleurs qui se font les pourvoyeurs de la chair de leurs frères, parce qu’on leur a fait entrevoir la possibilité — bien relative d’ailleurs — d’arriver au point culminant du commandement sacré.
Ils sont nombreux aujourd’hui ceux qui veulent conquérir une parcelle, si petite soit-elle, de l’autorité. Autorité dit le Larousse : « droit d’obliger à faire ou à ne pas faire, c’est-à-dire avoir le droit de disposer ou d’exiger quelque chose d’une autre personne ». En termes clairs nous appelons cela à la fois du
En effet la hiérarchie c’est tout cela en même temps, et il faut qu’un homme soit tombé bien au-dessous des bêtes pour accepter le droit d’autorité et surtout de se servir de ce droit. Malheureusement beaucoup en sont là, beaucoup n’ont même plus droit au qualificatif d’humain ou simplement d’être vivant.
Cependant certains nous présentent en argument la hiérarchie des valeurs. Cette hiérarchie des valeurs ne justifie pas l’autorité qu’on a fait découler du système hiérarchique tout court. Il reste à prouver au nom de quelle thèse, de quelle formule, de quelle logique une classification de la valeur des hommes peut se faire. Ce n’est pas à moi de le faire, au contraire, j’affirme que toute hiérarchie et encore plus la hiérarchie des valeurs est une immense duperie. La hiérarchie des valeurs est inhumaine et illogique. C’est un argument de malins et de profiteurs.
Je dirai pourquoi dans le prochain Contre-courant.
[/Raymond