La Presse Anarchiste

Les petits paysans

Nous enten­dons par là ceux qui, pro­prié­taires, fer­miers ou métayers exploitent des terres de super­fi­cie réduite, de qua­li­té secon­daire, ou qui ne pos­sèdent pas le capi­tal néces­saire pour outiller leur exploitation.

Disons que toutes les petites exploi­ta­tions orga­ni­sées sur des terres fer­tiles, bien ras­sem­blées et de gros ren­de­ment connaissent la pros­pé­ri­té ; que là même où elles sont en dif­fi­cul­té par insuf­fi­sance d’é­qui­pe­ment, il ne tient qu’à ceux qui les exploitent de sor­tir de cette situa­tion par la coopération.

Quant aux pre­mières éco­no­mies elles sont condam­nées à l’a­ban­don ou à la cen­tra­li­sa­tion. Les meilleures seront absor­bées par des exploi­ta­tions voi­sines et stables. Les autres retour­ne­ront à la friche ou seront réa­li­sées par les Ser­vices des Eaux et forêts. En dépit de tous les dis­cours l’a­gri­cul­ture marche vers la cen­tra­li­sa­tion, par­tout où des exploi­ta­tions défi­cientes cessent d’être « rentables ».

À ce sujet expli­quons-nous clai­re­ment : Qu’est-ce qu’une exploi­ta­tion non ren­table ? C’est une pro­prié­té dont l’ex­ploi­ta­tion ne laisse aucun béné­fice ou des pro­fits insuf­fi­sants. Est-ce à dire que l’ex­ploi­ta­tion de ces sols est sans inté­rêt pour la consom­ma­tion ? Non. Mais en régime capi­ta­liste, là où l’ex­ploi­ta­tion n’est pas ren­table, on est obli­gé de l’a­ban­don­ner quel que soit la qua­li­té ou l’in­té­rêt de sa pro­duc­tion ; ce qui ne serait pas tou­jours néces­saire sous un régime de dis­tri­bu­tion gratuite.

La cen­tra­li­sa­tion agri­cole agglo­mère donc à des exploi­ta­tions « viables » des terres de qua­li­té secon­daire qui, la plu­part du temps devien­dront des pacages. Mais la cen­tra­li­sa­tion se réa­lise éga­le­ment sur le ter­rain de la coopé­ra­tion. C’est la for­mule la plus inté­res­sante puis­qu’elle intègre en des éco­no­mies « d’en­tr’aide » des exploi­ta­tions dispersées.

Coopé­ra­tives d’a­chat et de vente, de fabri­ca­tion, de mise en com­mun de maté­riel. Il est à sou­hai­ter que cette coopé­ra­tion active s’o­riente peu à peu vers une forme d’ex­ploi­ta­tion en com­mun d’é­co­no­mies indi­vi­duelles ou familiales.

Enfin, si dif­fi­ciles que soient par­fois les condi­tions d’exis­tence de la petite pay­san­ne­rie, nous ne pou­vons l’o­rien­ter que vers des fins coopé­ra­tives. La concen­tra­tion agri­cole n’est pas une menace pour les petits exploi­tants, mais un aver­tis­se­ment qui peut don­ner les meilleurs résul­tats ; c’est-à-dire : dis­si­per les pré­ju­gés, ouvrir les yeux à l’é­goïsme et entraî­ner la pay­san­ne­rie vers la forme la plus heu­reuse de la vie agri­cole : l’as­so­cia­tion, la coopération.

Quand les pay­sans seront péné­trés par l’es­prit coopé­ra­tif, par un sen­ti­ment d’en­traide, peut-être qu’a­lors le pro­blème de la consom­ma­tion leur appa­raî­tra dans ses néces­si­tés à la fois phy­siques, sociales et humaines.

Les liber­taires sont aus­si hos­tiles à la pro­prié­té agri­cole qu’à la pro­prié­té indus­trielle. L’u­sine comme les champs sont des terres de pro­duc­tion. Comme telles elles appar­tiennent aux consommateurs.

Tous les pro­duc­teurs de l’u­sine ou des champs doivent être, sans pri­vi­lège d’au­cune sorte, les arti­sans bien­fai­sants de la pros­pé­ri­té et de la sécu­ri­té sociale.

Le Grand pro­blème de l’a­gri­cul­ture, qui est le pro­blème ini­tial, est celui-ci : Com­ment mettre à la dis­po­si­tion des consom­ma­teurs le maxi­mum de biens de consom­ma­tion ? Com­ment les pro­duire et les dis­tri­buer de telle façon que tous les besoins soient cou­verts et que les pro­duc­teurs retirent de leurs efforts la sécu­ri­té sociale maxima ?

Toutes les autres luttes sont des guerres qui com­mencent au vil­lage pour s’é­tendre bien­tôt à la terre entière.

[/​Gaston Bri­tel/​]

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