La Presse Anarchiste

Coups de tranchet

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La dèche de Ji-Ji

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Il est à la hau­teur main­te­nant, ce bougre de Jalu­zot ; il a de la galette plein les poches. 

Il n’a plus besoin, comme au jour de son incen­die, le taper un copain de vingt francs, pour se payer un riflard et d’a­che­ter des frusques et des ripa­tons à crédit.

Ah ! il n’é­tait pas heu­reux ce jour-là ; vrai, y avait de quoi pis­ser une larme !

Heu­reu­se­ment, tout n’a­vait pas flam­bé ; res­tait entre autres les livres où étaient mar­quées les amendes des employés.

Faut dire aus­si qu’il était assu­ré, et que son incen­die a été une très bonne affaire ; il a pal­pé pas mal de mil­lions des com­pa­gnies d’assurances. 

Et en outre, nom de dieu, ça a été une chouette réclame ; de sorte que le cher homme a pu se sor­tir de la purée.

Il est tout à fait reca­lé actuel­le­ment. Dam, à foutre des amendes aux employés à tire-lari­got, à les faire bouf­fer comme des petits cochons, on gagne gros. 

Et ji-Ji ne s’en prive pas de les plu­mer ses com­mis ; s’il y en a un qui sait tondre les œufs, c’est bien lui !

Puis il est très pra­tique ; Rivière, l’an­cien patron du coin de Rue, ache­tait des châ­teaux avec les amendes ; Ji-Ji s’en sert pour faire des affaires.

C’est avec cette bonne galette qu’il a fon­dé la Presse ; car il est bou­lan­giste ce type.

Dam, ça se com­prend, il est le Bou­lan­ger du cali­cot ! Consé­quem­ment Bou­lange et Ji-Ji doivent être comme cul et chemise.

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Mais en voi­ci bien d’une autre ! Il a ache­té à Eif­fel le mono­pole de sa tour.

Per­sonne que lui, ne pour­ra la repro­duire ; pas même en pain d’épice !

Si j’é­tais de lui, je ferais mieux : je fou­trais un four­reau a la tour ; comme ça il y aurait davan­tage de mona­cos à empo­cher ; on cas­que­rait rien que pour la reluquer. 

Ce sont les pauvres bougres qui se sont tara­bus­té la caboche pour appli­quer la tour à leur indus­trie, qui ne doivent pas être contents !

Nom de dieu, à leur place je me fou­trais du mono­pole de Ji-Ji comme d’une guigne, et j’at­ten­drais car­ré­ment tout le papier tim­bré de l’homme au parapluie. 

Ça me pue rude­ment au nez tout ce qui est mono­pole et autres bri­coles pareilles. C’est avec des fari­boles de ce calibre qu’on roule les pauvres bougres. 

Il serait temps de fiche au ran­card tout cela, afin que quelques bons­hommes à pattes cro­chues ne gardent pas pour eux toute la couverture. 

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Dieu plumé

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Nom d’un ton­nerre, en voi­ci d’une autre : y a un tas de types qui se foutent à bar­bot­ter dans les églises. 

À Nan­cy, ça vient d’ar­ri­ver sept ou huit fois de suite. 

Vrai, si le nom­mé Dieu se laisse faire les poches dans ces condi­tions, ca ne prouve pas en faveur de sa roublarderie. 

On le disait à la coule ; parait que c’est encore un mon­tage de coup. 

Au fait, ca ne peut pas lui faire grand mal d’être plu­mé ; il n’a pas besoin de bouf­fer le veinard ! 

Quant à ses lar­bins, pour­quoi qu’ils gémiraient ? 

On leur rend ser­vice : y a rien de tel pour s’en­vo­ler droit au ciel que de n’a­voir pas le rond dans sa pro­fonde — à ce qu’ils content eux-mêmes. 

Nom d’un pétard, ce n’est pas moi qui les plain­drai, ces gas-là : ils volent assez le populo. 

Y a qu’à les voir ; c’est pas en léchant les murs qu’ils sont gras et luisants. 

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Les miséreux

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Tous les jours, nom de Dieu, dans cette putain de socié­té, y a des bons bougres que la misère fout à bas.

Et on ne les connait pas tous, les mal­heu­reux ! La pré­féc­tance n’a­voue que ceux qu’elle ne peut pas cacher.

Encore deux cette semaine, que j’ai rele­vés dans les canards.

— Rue Pierre Levée, c’est une pauvre femme de soi­sante ans qui s’est asphyxiée avec une réchaud.

Y avait long­temps, ont racon­té les voi­sins, qu’elle était dans une panade épouvantable.

— Puis, un gar­çon de maga­sin, pas vieux le type, est allé au cime­tière de Ouen, sur la tombe d’un de ses petits (mort de misère peut-être aus­si ?) et s’est fou­tu un coup de revol­ver dans la poitrine.

Ah, la misère ! ce qu’elle en dévore des gas, cette sale goule

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Il y a une dizaine que j’ai reçu la babillarde sui­vante. Pour ne pas paraître la faire à la pose je devrais ne pas l’insérer.

Mais zut, elle me botte trop ! On dira ce qu’on vou­dra, je la fous quand même.

[/​28 février 1889/]

Père Peinard

T’es un bon zigue.

Nous ne vou­lons pas te pas­ser la pom­made, mais on peut bien te dire que nous trou­vons rien chouette ce que tu as jac­té l’autre jour sur les camelots.

Nous ne sommes pas rosses, et puisque tu es un fran­gin qui défens car­ré­ment les inté­rêts du popu­lo, les nôtres, on ne se fera pas prier pour rendre encore plus bath le suc­cès de tes flanches.

Nous te ser­rons tous la cuillère.

Pour un groupe de camelots,

[/​Pau­lus, du Croissant/]

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