Ce n’est point perdre la boussole ou bien donner dans la neurasthénie que de jeter ce grand cri d’alarme qui sert a dénoncer véritablement la situation d’un monde en pleine décomposition.
C’est, tout au contraire, être le pilote le plus clairvoyant et le mieux avisé que de s’insurger contre cette façon de vivre qui fait la loi aux hommes en société.
Ce n’est point parce que citoyens et citoyennes ont les poches bourrées de billets de banque et que seule cette saloperie compte pour eux, que les choses vont bien : elles vont même tout ce qu’il y a de mal.
Quiconque sera assez léger et superficiel pour contester cette évidence, méritera de figurer sur ce tableau — sur lequel toutes les bassesses humaines se trouvent inscrites.
Chercher à comparer la directive et la décision du tragique à tous ces gémissements, envies, lamentations et autres pleurnicheries sur la diminution de la personnalité humaine, résultat d’un pessimisme à fleur de peau, c’est faire œuvre de dénigrement systématique.
Ce que nous voulons, exposer — ici — relève de la hautaine et courageuse attitude de l’Individu en constant, en perpétuel débat avec tout ce qui grouille, fourmille, rampe, lèche, défigure et déchire en sourdine — ce n’est point la faire au surhomme que d’extraire des gisements sacrés tout ce qui fait la gloire de la sensitive intelligence.
Tous ces messieurs les faiseurs de lois et de codes, directeurs de consciences et inoculeurs de « moraline » pourront se payer la fantaisie de mettre tous les soutiens de la morale, ainsi que tous les chiens couchants, à nos chaussés, ils ne changeront absolument rien.
Étant ce que nous sommes, c’est-à-dire tout bonnement des Hommes parmi les sous-hommes, nous pouvons aisément nous payer le luxe de rire de cette grandiloquence et de tous ces avertissements de croquemitaine, qui s’en viennent si bien prendre la faction à même les méninges de tous les robots et de toutes les oiselles.
Il se peut — et c’est même tout ce qu’il y a de possible — que de faux esthètes et quelques oiseaux de passage se plaisent à jouer un rôle de moindre importance en s’emparant de l’esprit douloureux ; mais, pour ceux qui ont passé par là et qui, de par ce fait sont réellement de la partie, cela sonne faux, tellement faux, que c’est ne rien comprendre à la question que de prêter la plus petite audience à ces faux-monnayeurs.
Rien de durable et jamais rien de bon, de noble et de beau n’a pu être édifié sous le couvert de l’optimisme et, n’allons pas l’oublier : la base même de l’optimisme, c’est le mensonge, le mensonge servant de pâture à la stupidité et à l’éternelle crédulité.
Et s’il n’y avait que le mensonge — ce qui est déjà énorme, j’en conviens — peut-être arriverions-nous à le bien confondre,
afin de l’annuler ou tout au moins le bien amoindrir ; mais il y a aussi ce manque quasi complet d’intelligence qui permet si aisément d’ouvrir portes et fenêtres à toutes les sottises.
Quand l’Homme a compris que la révélation suprême ne peut lui venir que de la Sensibilité Individualiste, il est bien proche de devenir un créateur ou un constructeur.
Si nous sommes si pauvres en l’une et l’autre de ces valeurs précitées et réelles, c’est bien parce que l’optimisme est quasiment devenu la religion prépondérante.
Puisque plus rien ne vibre au fronton de l’émotion régénératrice, nous ne pouvons moins faire que de friser de très près le point de chute.
Quand c’est l’intelligence qui a la primauté, elle ne se risque point à la légère pour formuler ses jugements ; sachant tout ce qui résulte à bien user des principes fondamentaux de résolution, elle est donc la seule détentrice de ces comportements supérieurs qui animent l’Individu en marche vers sa révélation complète et permanente.
Tout ce qui peut être raconté en dehors de cette preuve — somme de tous les efforts intérieurs — à la merci des non-obnubilés, n’est que de la rigolade, c’est-à-dire du factice et de la fausseté.
Ce n’est nullement « donner » en un dieu quelconque que de vouloir que le « tragique » devienne un instrument apte à élever ses élus sur les sommets de la Connaissance, mais faire en sorte que l’Individu devienne une force contre laquelle tous les empiétements et les contraintes extérieures soient vains.
L’agnosticisme nous tenant lieu de guide, nous ne pouvons donc mieux faire que de nous diriger avec entrain et ferveur vers cette « Libération » qui n’accorde ses faveurs qu’à ceux qui possèdent le secret de transformer tous les coups reçus pendant la chevauchée héroïque, en viatique triomphant.
« L’homme heureux est toujours un philistin. » (Christian Murciaux
C’est ce qui fait que nous nous efforçons avec passion, de faire de tous ces grands chocs moraux et physiques qui sont assénés sur le rebelle irréductible, un plat de résistance qui nous permet d’aller silencieusement vers le triomphe.
Munis de cette arme incomparable qu’est la sensibilité individualiste transcendante, les chevaliers-de-l’affirmation-exaltée ne se laissent jamais aller à faire plaisir à la complaisance et à la soumission en se rangeant du côté du conformisme.
Rédemptrice sans paille et sans tache, cette forme de surélévation ne fait qu’user de la Révolte afin de pouvoir tenir tête jusqu’au bout à la mainmise sur la Personnalité humaine.
Ce n’est donc pas une plainte qui sort de cet événement et de cet avènement hors pair, mais un grondement et une fureur qui font stoïquement place nette en détruisant sans retour tout ce qu’il y a de faux, de mensonger, de servile et de tyrannique sur leur passage.
Si le monde entier semble vouloir se livrer à un déchaînement de forces criminelles et démoniaques qui apparentent tous les ressortissants de ces États à de vraies bêtes féroces, ce n’est pas une raison pour que les hypersensitifs cherchent à se défaire de ce qui fait et leur richesse et leur grandeur.
D’abord : le voudraient-ils qu’ils ne le pourraient point ; cela parce que de naissance ils appartiennent à cette race d’inadaptés et d’inadaptables qui se prolonge dans le temps malgré tous les bouleversements.
Attention !… Prenez bien garde, ô vous, les faiblards, les incurables béats, vous n’avez point place en ce monde régénéré. À vous vautrer comme vous l’avez toujours fait dans cette « tranquillité » à bon marché et ce bonheur de confection, payables à la petite semaine ; vous êtes indiscutablement devenus de ces pourceaux qui ne peuvent plus faire autrement que de se rouler dans la fange.
Allez‑y donc du groin tant que vous voudrez, mais bas les pattes et gare aux invectives !…
Ce n’est pas la première fois que nous voyons des « maîtres d’écoles », des « chefs de file » et autres « superbes » se servir d’« ismes » mirobolants afin de s’en faire des tremplins et sauter en plein la Politique.
Nous avons assez parcouru les Chemins de la Vie pour être au courant de toutes les fraudes et les supercheries qui s’y déroulent.
Comme ce que nous entreprenons ne peut mettre la puce à l’oreille qu’aux nihilistes sociaux en puissance, il est vraiment inutile que les « en dedans » permanents viennent y fourrer leur nez.
Si nous prenons parfois une allure si cavalière, c’est, d’abord, parce que nous savons très bien conduire notre attelage ; ensuite parce que notre galop est fait pour mettre au pas tous les détrousseurs de concepts et autres « faiseurs ».
La Sensibilité Individualiste tenant par-dessus tout à ce que ses fondements ne soient point minés et sapés par tous ces arrivistes qui savent si bien manger à tous les râteliers ; nous autres —
N’étant point de ces grégaires à qui la monotonie des jours et la toujours plus prononcée, donc évidente, exploitation de l’homme par l’homme suffisent, nous employons toutes nos réserves sensorielles et cérébrales à constituer cet « en marge », ce « par delà » qui sont les signes irréfutables des grands caractères.
Certes, ce n’est point là besogne de paresseux et d’inertes et, pour avoir droit au titre d’Homme, les épreuves s’ont aussi là qui s’amoncellent.
Tous les superficiels, cabotins, malins et vulpins peuvent s’y essayer ! ils auront tôt fait d’être retournés comme une crêpe. Il se peut qu’ils profitent des « honneurs », de la « réputation », de la « gloire », de la « postérité » et de l’« argent » : c’est même certain ; mais quant à figurer sur le palmarès des
« Cela peut-il durer ?
Le repas, l’argent, l’accouplement. Rien au-delà. Je me le répète inlassablement. Une vie comme les autres vies, comme toutes les vies de toutes les femmes, de tous les hommes.
Le repas : la viande saignante, les sauces brunes, les liqueurs épaisses dans les flacons ventrus. L’argent le bruit des billets froissés, le portefeuille gonflé, dur sur le cœur, l’argent qui donne tout, permet la revanche de ceux qui ont trop obéi. Et l’accouplement rapide, la femelle qui se trémousse dans son relent de poudre de riz et de sueur, agitant ses cuisses et ses doigts étranglés par des bagues à prix unique. Les beefsteaks, l’argent, la souillon. Les trois éléments du bonheur. » (Danielle Roland
Halte-là les détracteurs !… Si vous commencez à faire des vôtres, c’est-à-dire à déformer tout aussi bien nos écrits, nos intentions et nos gestes constants, nous vous avertissons que nous sommes de taille à nous défendre et, ce qui est mieux encore, à attaquer.
La chair, la pitance et l’argent, nous n’en faisons point fi ; mais, au lieu d’être leurs esclaves, nous sommes incontestablement leurs maîtres : c’est ce qui nous différencie totalement de vous.
Si nous ne sommes point des ascètes — gens que nous respectons en raison de leur sincérité —, nous savons nous conduire et, tout en satisfaisant quasiment à la lettre le plus vierge des épicurismes, nous accordons à la Volonté le droit de surveiller tout cela.
C’est ce qui fait que nous sommes des jouisseurs, des jouisseurs à part, des jouisseurs de haut style, qui considèrent la jouissance comme un Art et non point comme une manifestation bestiale.
C’est aussi ce qui nous permet d’arracher à la vie — à la vraie — tout ce qui est nécessaire pour n’avoir aucun regret quand se met à sonner l’heure de la camarade.
Mais pour ce : pas de compromissions, aucune concession à ce conformisme qui, comme une hydre gigantesque, absorbe, enserre et « digère » presque tout le monde : pas de cette double morale : système employé par les jésuites, trompeurs, corrupteurs, fraudeurs et exploiteurs, mais une Éthique franche et cultivée qui mérite d’être étudiée de très près parce qu’elle a servi d’assise à tous les grands caractères, artistes, littérateurs, scientistes, révolutionnaires, philosophes et penseurs de l’Histoire.
Certes, ce n’est point d’officialité que nous traitons ici, mais de cette puissance sensorielle, cérébrale et affective dont la
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