La Presse Anarchiste

Du haut de mon mirador

Une publi­ca­tion bio­so­phique que nous avons sous les yeux qua­li­fie d’âge de l’Hi­ro­shi­ma­thrope la période que nous tra­ver­sons actuel­le­ment et qui s’est mani­fes­tée par l’hé­ca­tombe de deux cent mille « civils », alors que, selon ladite publi­ca­tion, le Japon avait déjà offert de capi­tu­ler. Hiro­shi­ma et Naga­sa­ki furent ato­mi­que­ment bom­bar­dées sans aucune « néces­si­té mili­taire » et rien ne jus­ti­fie cet acte de féro­ci­té. C’est le début de l’ère ato­mique suc­cé­dant à ce qu’on a appe­lé l’ère de la civi­li­sa­tion chré­tienne (!). Mais l’Hi­ro­shi­ma­thrope n’est qu’au début de son règne. En effet, les auto­ri­tés mili­taires des États Unis sont en pos­ses­sion d’un petit V2 explo­sant à 7080 kil. de hau­teur, cre­vant la couche d’o­zone qui entoure l’at­mo­sphère et qui consti­tue notre seule pro­tec­tion contre les rayons ultra-vio­lets du soleil. Il parait qu’il est impos­sible de vivre un quart d’heure dans la par­tie de ter­ri­toire se trou­vant sous la couche éven­trée. D’autre part, vu la hau­teur où elle se pro­duit, rien ne peut signa­ler l’ex­plo­sion. Enfon­cée, la bombe ato­mique, qui est en passe de deve­nir une pièce de musée.

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On lit dans un heb­do­ma­daire anglais très sérieux l’an­nonce d’un appel lan­cé par un cer­tain Dr Wil­son en faveur de la liber­té pour la femme d’être mère tout en res­tant céli­ba­taire et du « com­pa­gnon­nage » (mating) plu­ral et cela sous les aus­pices et dans la salle de confé­rence d’une « église éthique » (Ethi­cal Church). On voit mal, actuel­le­ment, pareille annonce dans un de nos heb­do­ma­daires « sérieux » !

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The New Gene­ra­tion de jan­vier-février nous four­nit des détails peu connus sur l’o­ri­gine du mou­ve­ment de la limi­ta­tion des nais­sances (Birth Control). Il débu­ta aux États-Unis, en 1846, sur l’i­ni­tia­tive d’un pas­teur de l’é­glise uni­ver­sa­liste, du nom d’Ab­ner Knee­land, qui en 1836 publia une bro­chure dont l’au­teur n’é­tait autre que Robert Dale Owen, de la fameuse colo­nie New Har­mo­ny ; Owen y défen­dait la limi­ta­tion des nais­sances pré­tex­tant qu’elle « amé­lio­re­rait la qua­li­té de la race humaine et réhaus­se­rait la situa­tion de la femme ». Deux ans plus tard, dans son pério­dique The Inves­ti­ga­tor, Knee­land insé­ra un article du Dr Charles Knowl­to­nin­ti­tu­lé « Les Fruits de la Phi­lo­so­phie ou le Com­pa­gnon intime des jeunes mariés ». qui eut pour consé­quence l’ar­res­ta­tion de Knee­land, alors âgé de 64 ans. Mal­gré ses che­veux blancs, ses manières douces et son lan­gage poli, les juges eurent fort à faire en s’at­ta­quant à lui, et cinq ans durant, son cas défraya l’at­ten­tion du public des États Unis, pre­nant le pas sur les ques­tions poli­tiques. Fina­le­ment on lui infli­gea 60 jours d’emprisonnement. Le bruit fait autour de son pro­cès fut tel que « Les Fruits de la Phi­lo­so­phie » se ven­dirent à plus de 250.000 exem­plaires, tirage énorme pour l’é­poque. Il figu­rait comme pièce à convic­tion A dans les pour­suites enga­gées en Angle­terre par la Cou­ronne coutre Charles Brad­laugh et Annie Besant, laquelle devait jouer plus tard un rôle si impor­tant dans le mou­ve­ment théosophique. 

Quant au mou­ve­ment néo-mal­thu­sien en Amé­rique, il lan­guit ensuite jus­qu’à ce que s’en occu­pât une femme éner­gique, Mar­ga­ret San­ger, qui édi­ta si long­temps The birth Control Review.

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L’a­gence Reu­ter publie une dépêche de Tokyo annon­çant que les gei­shas japo­naises (les demoi­selles des mai­sons de thé, etc.) se sont consti­tuées en fédé­ra­tion, sous le nom de Fede­ra­tion Hakou-Ai, qu’on peut tra­duire, croyons-nous, par « amour pour tous » ou « uni­ver­sel ». La pre­mière pré­si­dente de cette confé­dé­ra­tion, Toki­ko Goto, est une jeune femme de 22 ans. Le 22 jan­vier a dû avoir lieu un grand mee­ting qui devait être le noyau d’une orga­ni­sa­tion natio­nale grou­pant les gei­shas et les ser­veuses des grands res­tau­rants japo­nais dans tout te pays. Il ne semble pas que Mac-Arthur ait fait aucune oppo­si­tion à cette fédé­ra­tion, contras­tant en cela avec la police fran­çaise qui ne vou­lut pas entendre par­ler d’un syn­di­cat de pros­ti­tuées (il y a long­temps de cela) dont l’i­ni­tia­tive reve­nait aux anar­chistes, si nous avons bonne mémoire. Peut-être quelque lec­teur de l’U­nique pour­rait-il nous docu­men­ter à ce sujet ?

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Durant les semaines der­nières, deux cen­te­naires anglais, ayant fran­chi sans dif­fi­cul­té le cap des cent ans, ont expo­sé au public la façon dont ils s’y étaient pris pour atteindre cet âge aus­si véné­rable qu’i­nu­suel. Le n° 1 pré­tend que c’est parce qu’il est abs­ti­nent total et n’a jamais tou­ché au tabac. Le n° 2 affirme qu’il « doit son grand âge » ce sont ses propres expres­sions — a ce que chaque jour il prend son petit déjeu­ner au lit, boit sa pinte de bière et fume régu­liè­re­ment. On se demande si par « petit déjeu­ner », il entend le break­fast l’an­glaise, lequel, avant la période des res­tric­tions, se com­po­sait de lard et d’œufs, rôtie, beurre et confi­ture ? L’his­toire ne le dit pas. Quelle voie faut-il suivre pour deve­nir cen­te­naire ? Nous n’en savons pas plus après qu’a­vant à en juger par les réponses de ces « échantillons ». 

Pen­dant que nous en sommes aux « âgés » men­tion­nons ce Musul­man de la colo­nie du Cap, fabri­cant de « gin­ger beer » comp­tant 71 prin­temps, fier d’an­non­cer la nais­sance de son tren­tième reje­ton. « La force d’un peuple s’é­di­fie dans la famille », s’ex­clame-t-il. Nous nous deman­dons s’il serait du même avis s’il avait mis lui-même les 30 enfants au monde !

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La colo­nie du Cap — pour ne pas la quit­ter — compte un très grand nombre d’ha­bi­tants ori­gi­naires des Indes et assi­mi­lés, par ce qu’on appelle The Ghet­to Act à des gens de cou­leur, ce qui a été la cause de toutes sortes de souf­frances et de drames. Cette assi­mi­la­tion est res­pon­sable de deux récents sui­cides tra­gique : — l’un, d’un jeune ouvrier qua­li­fié qui s’est jeté dans la baie de Dur­ban, parce qu’il ne pou­vait trou­ver de tra­vail nulle part, les emplois étant réser­vés aux Euro­péens ; il a pré­fé­ré mettre fin à une vie inuti­li­sable, a‑t-il écrit aux auto­ri­tés de l’en­droit — le second est celui d’un jeune étu­diant de 15 ans, dans la chambre qu’il occu­pait chez ses parents à Cape­town ; ses six frères, à la peau blanche sui­vaient les cours d’une école euro­péenne, ce que lui inter­di­sait sa peau brune ; il dut donc se rabattre sur une ins­ti­tu­tion de cou­leur ; il en fut si affec­té qu’il pré­fé­ra se don­ner la mort… Il ne s’a­git pas natu­rel­le­ment de don­ner à ces jeunes gens rai­son ou tort, mais de citer des faits. Le taux de la mor­ta­li­té, chez les ori­gi­naires de la grande pénin­sule asia­tique, dépasse de 50 % celui des Euro­péens ; 40 % des enfants indiens d’âge sco­laire sont pri­vés d’ins­truc­tion. Le gou­ver­ne­ment ne se sou­cie pas plus des « éco­no­mi­que­ment faibles » à la peau brune que d’ap­por­ter des per­fec­tion­ne­ments à leur pra­tique de l’a­gri­cul­ture, etc. Bref, on les traite en parias. Le colo­nia­lisme, sous le règne du maré­chal Smuts ne dif­fère pas, on le voit, de celui qui sévit ailleurs.

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