La Presse Anarchiste

Éros dans le iiie Reich

Si l’on avait appli­qué à temps la science eugé­nique aux parents d’A­dolph Hit­ler ? — La bio­gra­phie du Füh­rer devrait être récrite. — La généa­lo­gie des dic­ta­teurs. — Les peuples au car­re­four de leur des­ti­née. — L’a­ver­tis­se­ment du Prof. Dr. G. Mari­nes­co. — Eugé­nique posi­tive et Eugé­nique néga­tive. — La sté­ri­li­sa­tion comme arme poli­tique. — L’ap­pli­ca­tion de la loi eugé­nique dans le iiie Reich. — Les tri­bu­naux eugé­niques. — Les « Mesures uto­piques » deve­nues des normes d’ex­ter­mi­na­tion. — Les fous qui vou­laient deve­nir des édu­ca­teurs ! — Décou­vertes des Com­mis­sions d’en­quête. — Le « Her­ren­volk » se dévore lui-même. — La pro­phy­laxie sociale dans les pays sur­peu­plés. — La paix doit être gagnée par la science eugé­nique. — La véri­table hygiène de l’es­pèce humaine. — La sté­ri­li­sa­tion des sous-hommes et des « cri­mi­nels de guerre ».

Si, à l’é­poque de la nais­sance de Hit­ler la science eugé­nique était arri­vée au point de déve­lop­pe­ment théo­rique et pra­tique que nous connais­sons de nos jours, il est pos­sible qu’un méde­cin pers­pi­cace — ayant exa­mi­né les parents du Füh­rer, ses frères et ses sœurs, et étu­dié la généa­lo­gie des familles appa­ren­tées — eût décou­vert en cet étrange enfant les signes avant-cou­reurs du tyran san­gui­naire qui devait domi­ner pen­dant douze ans quatre-vingts mil­lions d’êtres, et ten­ter l’ex­pé­rience la plus témé­raire d’as­su­jet­tis­se­ment du monde qui fut jamais. 

La bio­gra­phie. de Hit­ler doit être récrite à la lumière des infor­ma­tions recueillies à la suite d’in­ves­ti­ga­tions scien­ti­fiques débar­ras­sées des men­songes et des embel­lis­se­ments offi­ciels. On sait qu’il est l’un des enfants du deuxième lit d’un père sous-médiocre qui ne se conten­ta pas des mar­mots engen­drés dans un pre­mier mariage. En outre, quel rôle a joué dans l’en­fance du Füh­rer l’in­fluence mater­nelle ? C’est seule­ment par une généa­lo­gie rigou­reuse de la nature de celle qui a été éta­blie en Amé­rique rela­ti­ve­ment aux 2.820 des­cen­dants dégé­né­rés de la célèbre Ata Juke — qu’on pour­rait démon­trer une fois de plus com­bien est vitale pour l’hu­ma­ni­té la connais­sance des pré­dis­po­si­tions et des tares héré­di­taires. Car les grands et les petits « délin­quants » — voleurs, assas­sins, déver­gon­dés, alcoo­liques, syphi­li­tiques, déments, sadiques, etc. — n’exercent pas seule­ment leurs pen­chants mal­fai­sants dans la « vie pri­vée », mais dans une mesure plus grande encore, dans le domaine poli­ti­co-social. Si le père du Füh­rer avait été sté­ri­li­sé à temps ou si sa mère avait été empê­chée de mener sa gros­sesse à terme, il est cer­tain que l’hu­ma­ni­té aurait comp­té un bour­reau de moins ; et il n’est point exa­gé­ré de dire que les nom­breux, très nom­breux désastres, qui ont eu leur abou­tis­se­ment dans la guerre mon­diale de 1939 – 1945, eussent pu être évités. 

Et ce que nous disons ici de Hit­ler s’ap­plique aus­si bien à Mus­so­li­ni qui à fait régner pen­dant plus de vingt ans le fléau du fas­cisme en Ita­lie et dans les pays latins, de même qu’à toute une série de « diri­geants » — ser­viles imi­ta­teurs des grands tyrans — qui pré­sentent les mêmes défi­ciences phy­siques, men­tales ou psy­chiques. Il s’a­git donc d’une caté­go­rie de mal­fai­teurs poli­tiques, au sens le plus bru­tal et le plus odieux du mot, entou­rés d’ar­mées entières de valets et de sbires, exé­cu­teurs zélés de leurs ordres. 

Nous avons expo­sé dans d’autres œuvres ce pro­blème cen­tral de la vie publique (v. « Huma­ni­ta­risme et Eugé­nisme » ; « Freud et les véri­tés sociales », etc.) et nous ne vou­lons pas y reve­nir ici davan­tage. Mais nous insis­tons sur la néces­si­té de voir appli­quées les lois de l’eu­gé­nique, néga­tive et posi­tive, si nous vou­lons béné­fi­cier réel­le­ment de la paix et jouir d’un nou­vel ordre de choses, nous, les sur­vi­vants de la Seconde Guerre mon­diale, nous, et nos suc­ces­seurs. Tous les trai­tés de paix, toutes les réformes sociales, toutes les conven­tions éco­no­miques et « arran­ge­ments » cultu­rels ou poli­tiques, seront inutiles tant que le mal ne sera pas extir­pé à la racine. Avant tout, la solu­tion du pro­blème appar­tient à la méde­cine sociale — c’est-à-dire à cette vaste action d’é­tude des causes dys­gé­nique et de répres­sion des pen­chants meur­triers et des­truc­tifs, mani­fes­tés par des cen­taines de mil­liers et des mil­lions d’in­di­vi­dus ins­truits dans les écoles et les camps militarisés.

« On pour­rait dire que tous les peuples sont des­ti­nés, à un moment don­né, à la trans­for­ma­tion, à la dégra­da­tion et même à la dis­pa­ri­tion. Et cela dépend de la somme d’éner­gies morales, intel­lec­tuelles et phy­siques que pos­sède un peuple ; de sorte que ce qui reste du pas­sé his­to­rique de ce peuple est une empreinte dou­lou­reuse. D’autres peuples ont lais­sé des traces lumi­neuses par leurs œuvres dans le domaine du bien, du beau et du vrai. Mais ces œuvres sont en fonc­tion de l’éner­gie des peuples. Et ce qui est plus étrange, c’est que jus­te­ment l’homme, qui a accom­pli des miracles qui en ont fait le roi de l’u­ni­vers ; jus­te­ment cet homme qui a su décou­vrir le feu, qui a cap­té l’élec­tri­ci­té des nuages, qui est des­cen­du au fond des océans, et qui enfin est mon­té dans la stra­to­sphère, l’homme qui a vain­cu le temps et la dis­tance, cet homme, jus­te­ment, lors­qu’il s’est agi de se connaître lui-même, est res­té dans l’i­gno­rance. Voi­là, pour­quoi la parole de Socrate : « Connais-toi toi-même » est le com­man­de­ment d’un pro­fond penseur. » 

Ces lignes écrites par un savant neu­ro­logue et psy­chiatre, le pro­fes­seur G. Mari­nes­co, dans la pré­face d’une étude sur la science eugé­nique [[« Héré­di­té et Eugé­nisme », par le prof. dr. G. K. Constan­ti­nes­co, ed. Librai­ria Aca­dé­micà, Buca­rest, 1936.]], doivent être médi­tées par tous ceux qui sont convain­cus qu’une hygiène sociale, lut­tant contre les fléaux de la force et de l’in­to­lé­rance, des dogmes poli­tiques et des héré­sies morales, est tout aus­si néces­saire que l’emploi de l’hy­giène indi­vi­duelle contre les épi­dé­mies et les mala­dies héré­di­taires. Car le but de l’eu­gé­nisme, comme le montre le pro­fes­seur G. K. Constan­ti­nes­co, est « d’un côté d’é­car­ter la dégé­né­res­cence du peuple et de l’autre côté d’en assu­rer le pro­grès. L’eu­gé­nisme a donc un côté néga­tif et un côté posi­tif. Dans cet esprit, la science eugé­nique a l’o­bli­ga­tion d’é­tu­dier la socié­té pour se rendre compte dans quelle direc­tion elle évo­lue, de sup­pri­mer les états déca­dents, d’ar­rê­ter la mul­ti­pli­ca­tion des hommes mora­le­ment défi­cients et d’en­cou­ra­ger l’ac­crois­se­ment des hommes supé­rieurs ; de recons­ti­tuer la vie fami­liale là où elle est affai­blie, de pro­mou­voir une édu­ca­tion hygié­nique de la jeu­nesse, etc. ». 

Il est vrai que la science eugé­nique com­mence à être appli­quée dans cer­tains pays sur une grande échelle. Mais si nous nous bor­nons ici à l’Al­le­magne nazie, nous consta­tons que cette science fut faus­sée par l’un des dogmes les plus meur­triers : celui de la « pure­té de la race », de « l’a­rya­nisme » qui, d’a­près les spé­cia­listes répu­tés, n’a aucune jus­ti­fi­ca­tion bio­lo­gique, éthique ou spi­ri­tuelle. Et la méthode de la sté­ri­li­sa­tion y est deve­nue une ter­rible arme poli­tique, uti­li­sée d’a­bord par le par­ti nazi contre ses adver­saires inté­rieurs et contre cer­taines caté­go­ries sociales, et éten­due ensuite, pen­dant la guerre, aux peuples et aux « races inférieures ».

D’a­près la revue « Deutsche Jus­tiz », la loi sur la sté­ri­li­sa­tion a été appli­quée dès 1934 — pour en four­nir un seul exemple — dans l’in­fir­me­rie de la pri­son spé­ciale de Moa­bit, à Ber­lin à 11 « délin­quants sexuels » qui ont été dévi­ri­li­sés. La loi fai­sait une dis­tinc­tion entre la sté­ri­li­sa­tion et la cas­tra­tion, mais cette der­nière opé­ra­tion fut mise en pra­tique en 1935, non seule­ment envers les « cri­mi­nels » incu­rables, mais aus­si envers les « enne­mis de la patrie ». Dans le troi­sième Reich, la loi eugé­nique du 1er jan­vier 1934 consi­dé­rait la cas­tra­tion comme une peine acces­soire à la condam­na­tion, et la sté­ri­li­sa­tion comme une simple mesure d’ordre public des­ti­née à ren­for­cer « une bonne hygiène de la race ». On créa de soi-disant « tri­bu­naux eugé­niques » qui jugeaient chaque cas, ren­dant des arrêts sus­cep­tibles d’ap­pel. Il y avait 205 tri­bu­naux eugé­niques et 26 cours d’ap­pel ; on avait pré­pa­ré un per­son­nel tech­nique et juri­dique dans des écoles spé­ciales. Les motifs de sté­ri­li­sa­tion étaient la débi­li­té men­tale, la démence pré­coce, les états de manie dépres­sive, la cho­rée de Hun­ting­ton, l’al­coo­lisme grave, les dif­for­mi­tés cor­po­relles, de même que l’é­pi­lep­sie, la céci­té et la sur­di­té héré­di­taires. En 1934, on inten­ta 86.256 pro­cès de sté­ri­li­sa­tion ; plus de la moi­tié de ces pro­cès furent sui­vis d’une dévi­ri­li­sa­tion effective.

Appli­quée sous le pré­texte d’une vaste action « d’hy­giène de race », la loi sur la sté­ri­li­sa­tion a été éten­due à tous les indi­vi­dus atteints de mala­dies héré­di­taires. « On vou­lait même (pré­ci­sait en 1936 le pro­fes­seur G. K. Constan­ti­nes­co, qui a été membre de la socié­té alle­mande d’hé­ré­di­té) arri­ver, par une exa­gé­ra­tion mani­feste à la puri­fi­ca­tion du peuple alle­mand des soi-disant non-aryens, et, l’on prit toutes sortes de mesures uto­piques dans cette direc­tion, sur les­quelles nous n’in­sis­te­rons pas ici… ».

[/​Eugène Rel­gis

(La fin au pro­chain fas­ci­cule.)/​]

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