La Presse Anarchiste

l’anomalie sexuelle dans les pays anglo-saxons

Cer­taines condam­na­tions infli­gées à des « ano­maux » sexuels éveillent l’at­ten­tion du public anglo-saxon. Le der­nier scan­dale est la sen­tence de neuf mois d’emprisonnement dont les assises de War­wick en Angle­terre ont gra­ti­fié une jeune femme qui vivait « mari­ta­le­ment » — si l’on peut dire — avec une autre femme. Pour sa défense sa mère a allé­gué qu’elle avait contrac­té cette habi­tude en pri­son et la tenait d’une co-déte­nue plus âgée qu’elle. Il s’a­git d’un cas de « transvestisme ».

Qu’un heb­do­ma­daire sérieux comme The New Sta­tes­man and Nation ait consa­cré tout un article au pro­blème des « délin­quants sexuels » est un signe des temps. Il est bien vrai que de l’autre côté de la Manche les « ano­maux » sexuels sont trai­tés avec une bar­ba­rie moyen­âgeuse. Celui qui est inca­pable de contrôle sur son ano­ma­lie n’é­chappe pas à de longues périodes d’emprisonnement et celui qui est apte à se maî­tri­ser, ne cause aucun désordre, sous la menace constante d’être décou­vert et mis au ban de la socié­té ; il vit en sau­vage, ne se laisse pas appro­cher et se consume dans la solitude. 

Une remarque curieuse — et qui est de nature à. faire réflé­chir le pen­seur sur la men­ta­li­té de l’hu­main moyen — est qu’en Angle­terre le juge pro­fes­sion­nel se montre bien moins dur que le jury. Ame­né devant un juge pro­fes­sion­nel, l’ex­hi­bi­tion­niste, par exemple, se voit sou­mis à un exa­men médi­cal ou à une sur­veillance confiée à un psy­chiatre. Le jury le condam­ne­ra par contre, à une longue peine de pri­son. Il en est de même pour l’in­ver­ti avé­ré et recon­nu. Sor­ti de pri­son, il recom­mence, est condam­né à une peine plus lourde encore et ain­si de suite. Il est de ces mal­heu­reux « anor­maux » congé­ni­taux pour les­quels leur ano­ma­lie signi­fie une condam­na­tion à mort, soit que toute leur vie ou presque s’é­coule en pri­son, soit que dégoû­tés et inca­pables de réagir, ils pré­fèrent le suicide. 

Après tout, tant qu’il ne se livre pas à la vio­lence ou ne s’en prend pas à des enfants, l’in­ver­ti — fait remar­quer l’ar­ticle en ques­tion — ne consti­tue pas un dan­ger social. S’il fait tort à qui que ce soit — si tort il y a — c’est à lui-même. On ne le com­prend pas, on l’é­vite, il est sou­vent vic­time de chan­tages éhon­tés. Il a beau invo­quer que plu­sieurs hommes célèbres ont été des homo­sexuels recon­nus : on lui impose vite silence. Pour abor­der le pro­blème de l’ho­mo­sexua­li­té, il faut se trou­ver dans un milieu de spé­cia­listes bien au cou­rant du pro­blème sexuel et habi­tués à le consi­dé­rer scien­ti­fi­que­ment sous tous ses aspects. Quant à l’ex­hi­bi­tion­niste, son cas serait tout autre dans une socié­té où le « nu » ne serait pas envi­sa­gé sous un angle patho­lo­gique. Très sou­vent, fré­quen­tant un camp nudiste ou une ins­ti­tu­tion de bains de soleil, l’ex­hi­bi­tion­niste rede­vient nor­mal, l’at­trait du fruit défen­du ayant disparu. 

Un homo­sexuel peut encou­rir sept ans d’emprisonnement même alors que son par­te­naire est consen­tant et que les faits qui lui sont repro­chés n’ont pas eu lieu en public, alors qu’un sadique qui frappe sau­va­ge­ment son enfant s’en tire au maxi­mum avec deux ans ! La dif­fé­rence de trai­te­ment ne sau­rait échap­per à qui réfléchit. 

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En Cali­for­nie l’ex-cham­pion du monde de ten­nis Til­den a été puni de neuf mois de pri­son du chef d’ho­mo­sexua­li­té. Le juge qui l’a condam­né à remar­qué « que sa conduite n’é­tait pas ce qu’on peut attendre d’un grand ath­lète ». À l’ex­pi­ra­tion de sa peine, il devra se rendre chez un psy­chiatre et être mis en sur­veillance pen­dant cinq ans. Durant toute cette période, il lui est défen­du d’être en com­pa­gnie de jeunes gens de l’un ou l’autre sexe qui ne seraient pas accom­pa­gnés de leurs parents. Évi­dem­ment, il y a loin de ces neufs mois de pri­son à ce qui aurait pu lui arri­ver en Angle­terre. Mais com­ment Tiden expli­que­ra-t-il qu’il ne peut fré­quen­ter de jeunes gar­çons ou filles si leurs parents ne sont pas là ? C’est l’o­bli­ger à dévoi­ler son pas­sé, en faire un réprou­vé, qui ne pour­ra évo­luer dans le milieu social qu’en se tenant constam­ment sur ses gardes. De sorte que l’ap­pa­rente modé­ra­tion du juge cali­for­nien ne rend pas le sort du condam­né plus enviable que celui du délin­quant appe­lé à com­pa­raître devant un jury britannique.

Le fait est que l’a­no­ma­lie sexuelle existe. Son exis­tence ne relève pas plus des tri­bu­naux que les dif­for­mi­tés phy­siques. Quels sont les motifs de sa per­sis­tance à notre époque ? Que repré­sente-t-elle, psy­cho­lo­gi­que­ment par­lant ? Dans quelles mesures et dans quelles cir­cons­tances s’a­vère-t-elle « anti-sociale » ? La lec­ture des ouvrages de Freud et de Have­lock Ellis débar­ras­se­rait les jurés anglais de leur com­plexe d’in­fé­rio­ri­té par trop puri­taine et cruelle.

[/​E. A./]

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