Cahiers du socialisme libertaire

Première revue animée par Gaston Leval. Sans doute l'un des apports les plus important au mouvement anarchiste. Si on devait qualifier Leval, il faudrait sans doute lui attribuer le qualificatif de Bakouninien pragmatique. (ou Proudhonien pragmatique — les deux n'étant pas incompatible). Autrement dit, il développe une idée révolutionnaire basée sur les réalités sociologiques. Chez lui pas de lendemains qui chantent dans les secondes qui suivent la révolution; pas de petits oiseaux multicolores et d'amour entre les peuples unis derrière le drapeau noir et surtout pas l'idée saugrenue que la révolution ça arrive comme ça, d'un coup et que tout nous tombe tout cuit dans le bec. 

Pour Leval, qui a connu l'échec de l'Espagne, une révolution, une «civilisation libertaire» ça se prépare, ça se réfléchit, et un militant anarchiste, ça se forme. Sans cette formation, sans cette préparation, rien n'est possible: pas de place pour le «spontanéisme» un peu romantique et souvent farfelu qui a souvent été la marque des milieux anarchistes (la fameuse tendance «Ploum-Ploum-Tralala, Anarchie Vaincra!») . Autrement dit, une approche assez austère, avec un but clair: la révolution et son triomphe. 

Autre élément très important pour Leval: son anti individualisme absolu. Pour lui, l'individualisme n'est pas un anarchisme et les individualistes sont une des gangrène du mouvement libertaire. Je n'ai hélas pas la place dans cette modeste présentation bâclée de la revue pour exposer son idée sur la question (ni les capacités rédactionnelles et théoriques pour le faire correctement), mais c'est un point qui mérite que l'on s'y attarde.  

Une revue souvent très intéressante, à laquelle les absolutistes de l'anarchisme ont souvent reproché son réalisme pragmatique (Leval a souvent indiqué qu'il préférait le libéralisme même étroit du camp occidental aux balles dans la nuque du régime soviétique, refusant de les mettre dos à dos). Dernier point: en 1963 la revue change de nom pour devenir les «Cahiers de l'humanisme libertaire». Elle devait de nouveau changer de nom en 1976 et adopter le titre de «Civilisation libertaire». 

À mon sens, c'est certainement ce qui s'est fait de mieux en terme de revues d'après-guerre, en tout les cas, c'est à mon avis la seule qui a posé le vrai problème de savoir si l'anarchisme n'était qu'un simple courant d'idées ou un mouvement à buts concrets. J'ai très longtemps émis le souhait de pouvoir consulter l'intégralité de cette collection. C'est maintenant chose faite grace au travail formidable des amis d'Archives Autonomies. Merci à eux