Leningrad est le haut lieu de l’opposition d’extrême gauche en URSS. Après l’«opposition de gauche » justement, on a appris l’existence d’une nouvelle organisation radicale, anarchiste : le groupe des « communards révolutionnaires ». Dans les années soixante, le nom de communard était souvent pris par les groupes léninistes de gauche qui se constituaient, notamment dans le Komsomol. Leur mot d’ordre principal était le « retour à Lénine ». Un mouvement existe depuis quelques années à Leningrad, celui des « jeunes communards ». Ce sont des jeunes qui vivent en communauté, et qui sont marxistes, trotskystes et surtout anarchistes. C’est dans ce milieu favorable que sont apparus l’«opposition de gauche », et un groupe influencé par l’anarchisme, le groupe des « communards révolutionnaires ».
On sait relativement peu de choses sur les activités de ce groupe, car dès le début, pour déjouer la répression, il a été clandestin. Quelques unes de ses actions sont cependant connues, bien que certaines restent à confirmer. En mai 1978, il aurait participé à l’organisation d’une manifestation contre la guerre sur la perspective Nevsky. La même année, et en commun avec l’Opposition de Gauche, il aurait tenu un faux cours de Diamat (matérialisme dialectique, cours politique obligatoire et peu apprécié des étudiants) à l’université de Leningrad. Devant 300 personnes, plusieurs étudiants ont parlé de Bakounine et Trotsky entre autres. Les communards révolutionnaires ont aussi édité plusieurs tracts.
Le 7 octobre 1979, trois membres du groupe sont arrêtés à Leningrad pour avoir écrit des slogans sur les murs et avoir collé des tracts. Les slogans disaient « La démocratie, pas la démagogie » et « À bas la capitalisme d’État ». Les affiches demandaient « un ordre simplement anti-autoritaire » et s’opposaient au mal sous la forme de « la famille, la propriété privée et l’État ». Ces tracts étaient signés par le mouvement des communards révolutionnaires. Les trois personnes arrêtées, Vladimir Mikhailov, Aleksei Stassevitch et Alevtina Kotchneva, ont été accusées de « houliganisme » et elles ont été condamnées le 25 décembre respectivement à 3 ans de camp à régime sévère pour Mikhailov et Stassevitch et 1 an et 3 mois de camp à régime sévère pour Kotchneva. Le jugement a été confirmé en appel le 15 février 1980. Mikhailov et Stassevitch ont tous les deux refusé de se reconnaître coupables.
Mikhaîlov, né en 1952, travaillait comme mécanicien à l’installation de systèmes de réfrigération à Dnipropetrovsk. Stassevitch était musicien, poète et artiste peintre. Ils vivaient en communauté dans l’appartement de Youri Zaïdenchnir. Ils étaient membre d’une commune de jeunes depuis 1975 (commune qui participa aussi à l’organisation de la manifestation contre la guerre). Lors d’une perquisition chez eux après leur arrestation, les documents suivants furent confisqués : de vieilles éditions soviétiques de Kautsky et Bebel, des œuvres de Marcuse et Fromrn, des samizdats religieux et autres, y compris la « Chronique des évènements courants » et des tracts signés par le mouvement des Communards révolutionnaires.
Ce sont les seules arrestations parmi les communards révolutionnaires qui soient connues jusqu’à présent. Le groupe continue sa lutte dans la clandestinité. Il a mandaté un dissident de Leningrad prêt à émigrer (qui n’a pas les mêmes idées qu’eux mais qui a travaillé avec eux contre le régime soviétique) pour prendre des contacts à l’étranger en son nom, notamment avec des organisations anarchistes. En France, une annonce est parue à cet effet dans le quotidien Libération en août dernier. Si de nouvelles informations nous parviennent sur les activités de ce groupe, nous en ferons état dans notre prochain numéro.
Wiebieralski
ANNEXE : texte paru dans Libération :
Les gauchistes de Leningrad.
Une des particularités de Leningrad est qu’il existe depuis des années, en dépit des démantèlements successifs, au moins un groupe gauchiste. Le dernier en date (après l’écrasement du Groupe Anarco-communiste de Skobov-Tsourkov en 78) les Communards-révolutionnaires, connus aussi sous le nom d’anarco-hippies, étaient en entier dans la clandestinité et tentaient d’échapper aux recherches de la police. Trois de ces membres ont été condamnés le 25 – 12-79 : Vladimir Mikhaïlov et Alexei Stassévitch à trois ans et Alevtina Kotchévoï à un an. (le groupe cherche à établir des contacts avec les organisations anarchistes occidentales. Écrire à leur correspondant à l’étranger. Okoulov, c/o Lev Routkévitch, Rassunowskigasse 9 – 11-14, A1030 Wien, Autriche qui transmettra).
Libération du 04 – 08-80
La nouvelle adresse pour contacter A. Okoulov : A.Okulow, Possev-Verlag, Flurscheideweg 15. D‑6230 Frankfurt/m – 80, RFA
Sources :
- Labour Focus on Eastern Europe, février 1980
- L’Alternative n°4 – 5, mai 1980 ; n°2 janvier 1980
- Correspondance d’Iztok avec Lev Okoulov
- Informations indirectes recueillies auprès d’une personne qui est allée il y a quelques temps à Leningrad, ce qui explique le conditionnel pour certaines informations.