La Presse Anarchiste

Six notes

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On connaît le thème de cette jour­née : la soli­da­ri­té avec Pepe Beun­za, et son dérou­le­ment : le matin, musique ; l’après‑midi, pas­sage de la fron­tière par sept Espa­gnols tan­dis que les autres « occupent » tout l’après‑midi le pont inter­national jusqu’à ce qu’ils soient refou­lés par la Guar­dia armada.

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On peut dis­cu­ter l’objectif de Pepe Beun­za, obte­nir un sta­tut pour les objec­teurs, et le trou­ver réfor­miste, alors que des luttes popu­laires d’enver­gure se pré­parent en Espagne. Mais il faut savoir qu’un tel « sta­tut » n’est pas un but en soi, mais une étape pour Pepe. Cela ouvri­rait une brèche et trans­gres­se­rait un tabou : l’in­touchabilité de l’armée. L’exis­tence d’un tel sta­tut aux USA et en RFA, dont on pou­vait craindre qu’il ne « récu­père » la contes­ta­tion de l’armée, a au contraire déga­gé des éner­gies et ouvert la voie à des mouve­ments plus impor­tants (événe­ments de 67 – 68 en RFA, mou­vement anti‑guerre aux USA). Dans cette optique‑là et en liai­son avec tous les autres mou­vements en Espagne, l’attitude de Pepe est révolutionnaire.

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Les par­ti­ci­pants à la jour­née venaient de nom­breux pays et c’était la pre­mière fois que se pro­dui­sait une telle « manifes­tation » inter­na­tio­nale. Cet élé­ment est très impor­tant. Alors que le capi­ta­lisme est interna­tional, que les forces de ré­pression de tout le globe ont entre elles d’étroits contacts, nous avons sou­vent du mal à coor­don­ner ou même simple­ment à connaître ce qui se passe très près de nous. Tan­dis que là « les fron­tières, on s’en fout », ça deve­nait vrai. Sur ce point, le choix du lieu était ex­cellent : une frontière.

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D’autre part, les gou­ver­ne­ments fran­çais, suisse, etc. sont, à court terme, satis­faits d’une action ayant pour thème l’Espagne car, à côté de Fran­co, ils peuvent pas­ser pour libé­raux. Mais cette arme est à double tran­chant, comme on l’a vu lors du pro­cès de Bur­gos. Les habi­tants de Bourg‑Madame, quand ils ont vu cer­tains CRS rema­tra­quer les mani­fes­tants refou­lés par la « guar­dia arma­da », ont pu consta­ter de visu la col­lu­sion entre flics des deux côtés. Quant aux objec­teurs, insou­mis, déser­teurs et sym­pa­thi­sants ayant pris conscience de leur force, ils ne seront pas repar­tis dans leurs pays avec une âme de mou­ton, mais déci­dés à lut­ter chez eux aussi.

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Les par­ti­ci­pants à la jour­née étaient très divers, mais ils ont adop­té une atti­tude com­mune d’où était exclue la vio­lence phy­sique. Cer­tains étaient « non vio­lents » par prin­cipe, mais pas tous. On peut regret­ter qu’il n’y ait pas eu davan­tage de dis­cus­sion là‑dessus, non pas sur les prin­cipes (dis­cus­sion sté­rile par excel­lence du genre « sexe des anges »), mais en fonc­tion de la situa­tion. En par­ti­cu­lier, il est clair qu’il y a eu un « cafouillage » vers 20 h et que la charge vio­lente de 21 h nous a trou­vés assez dému­nis. Ce point devrait être appro­fon­di entre nous.

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Enfin, il faut rete­nir le « style » de l’occupation du pont inter­na­tio­nal. Après un pre­mier temps de silence, d’ailleurs bien venu, car il « posait ques­tion » aux habi­tants de Bourg‑Madame, aux tou­ristes, et même aux flics, l’occupation a pris un tour de fête ; de vraie fête. On man­geait, on buvait, on chan­tait, on riait. Des pas­sants se sont joints à nous, d’autres nous ont por­té à bouf­fer. On « pre­nait notre pied » sous le nez des forces d’un ordre qui, lui, n’a rien de mar­rant (des deux cô­tés de la fron­tière). Il y avait une pro­fonde déri­sion dans le fait d’être res­té six heures à se mar­rer sur ce lieu ultra‑ta­bou, une fron­tière. Pro­fonde déri­sion aus­si dans la dis­pro­por­tion entre nos moyens : nos corps et nos gui­tares, et les mesures prises par les flics fran­çais et espa­gnols : dépla­ce­ment de nom­breux cars de CRS, gen­darmes mobiles, Guar­dia arma­da, détour­ne­ment de la cir­cu­la­tion et arrêt du tra­fic auto­mo­bile, conci­lia­bules inter­mi­nables entre auto­ri­tés, coups de télé­phone, mes­sages, ulti­ma­tums, débuts d’apoplexie. Même au prix d’un coup de matraque, ça valait le coup d’être là.

Un objec­teur

Le procès de Pepe

Le 23 avril, Pepe a été condam­né par un conseil de guerre à 1 an et 3 mois de pri­son pour « déso­béis­sance ». Le tri­bu­nal ne lui a pas lais­sé le temps de s’exprimer et l’a accu­sé de « com­plot inter­na­tio­nal » : il lui a été repro­ché son appar­te­nance à l’Internationale des résis­tants à la guerre.

L’inculpation des 7

Contre les autres incul­pés soli­daires de Pepe, il a été requis : 18 ans de pri­son pour Gon­za­lo Arias, consi­dé­ré comme lea­der. 6 ans de pri­son pour Lluis Fenol­lo­sa et San­tia­go del Rie­go. Cau­tion deman­dée pour Mara Gon­za­lez, Maria Reca­sens, José Gabriel et Miguel Gil.

Pro­cès en juillet, pro­ba­ble­ment. Dès main­te­nant, une action de sou­tien est pré­vue à Cara­ban­chel où ils sont empri­son­nés (l’avocat est Me Cier­co, Ibi­za, 23, Madrid).

Le jeûne de Valence

Dès le 23 au matin, un jeûne inter­na­tio­nal a com­men­cé dans une église de Valence. Limi­té au début à trois jours, il pour­ra se pro­lon­ger… Le but est l’obtention d’un sta­tut des objec­teurs et le sou­tien des autres emprisonnés.

L’action conti­nue…

— Paris, 19‑20 février, occu­pa­tion du hall de l’UNESCO par une dizaine de personnes.

— Bor­deaux, 20 février, mani­fes­ta­tion devant le consulat.

— Bruxelles, 20 février, mani­fes­ta­tion d’une ving­taine de per­sonnes, rue Neuve (tracts, pétition).

— Londres, 20 février, mani­fes­ta­tion devant l’ambassade espagnole.

— Paris, 28 mars, Notre‑Dame [Voir photo].

— New York, 23 avril, mani­fes­ta­tion à l’Office du tou­risme espa­gnol. Arres­ta­tion de Jim Peck (WRL). Pro­cès en cours.

— Paris, 23 avril, occu­pa­tion de l’Office du tou­risme espa­gnol par une dou­zaine de personnes.

— D’autres mani­fes­ta­tions en Bel­gique, Alle­magne, Angle­terre, etc.
L’action continue… 

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