La Presse Anarchiste

Lutte de classe et militarisation

Une logique implacable

Le sys­tème capi­ta­liste, dont le seul but est le pro­fit maxi­mal pour une mino­ri­té, base son prin­cipe sur la fuite en avant de la pro­duc­tion, de la consom­ma­tion. Qu’il soit pri­vé ou mono­po­liste (socié­tés par actions, Etat), le capi­ta­lisme n’a d’autre but que la repro­duc­tion accrue de ses capi­taux, et ce, par tous les moyens.

Pro­prié­taire, il contrôle à sa guise les moyens de pro­duc­tion, orga­nise, concentre, sui­vant son bon plai­sir, pour un pro­fit maxi­mal. Cette exi­gence, impé­ra­tive au sys­tème, a besoin d’espace, de nou­veaux centres d’exploitation : c’est le colo­nia­lisme ou, dans sa nou­velle forme, le néo‑colonialisme dont la France, pour sa part, se réserve un bon mor­ceau de gâteau. Cela va de l’Afrique occi­den­tale à Mada­gas­car ; les pays d’Amérique du Sud n’étant pas oubliés (cf. le récent voyage du Concorde au Bré­sil); sans omettre le monde arabe de la Libye jusqu’au Maroc, etc. L’élargissement du capi­ta­lisme mono­po­liste est donc basé, d’une part, sur l’exploitation accrue des tra­vailleurs du pays et, d’autre part, sur la sur­ex­ploi­ta­tion des zones sous‑développées, la classe domi­nante dans ces pays n’étant que les valets fan­toches des pays capi­ta­listes (pla­cés au pou­voir grâce à eux).

Des moyens efficaces

Les tra­vailleurs ne sont que les ins­tru­ments dont il faut tirer le maxi­mum de profit.

Les inté­rêts de la classe ouvrière sont donc oppo­sés à ceux de la classe domi­nante inca­pable de satis­faire les besoins réels de la socié­té. Il fau­dra donc pal­lier sans arrêt les dan­gers des affron­te­ments de classes et pour cela tous les moyens sont bons.

La divi­sion du tra­vail en caté­go­ries, par une hié­rar­chie for­ce­née du manœuvre au petit chef, par la dis­tinc­tion entre manuels et intel­lec­tuels, par le chan­tage et le licen­cie­ment, par la loi, les contrats, la par­ti­ci­pa­tion et aus­si la répres­sion sanglante.

Indi­rec­te­ment, par le matra­quage idéo­lo­gique, elle vise à faire de tous les tra­vailleurs des bour­geois dis­ci­pli­nés et consom­ma­teurs, selon le prin­cipe du pro­fit et de la compétition.

Il ne faut pas oublier les pays sous‑développés dans les­quels on inter­dit toute pos­si­bi­li­té d’organisation auto­nome des tra­vailleurs et où les capi­ta­listes peuvent tirer la matière pre­mière à des prix de plus en plus bas. Il est alors facile de dépla­cer au gré des besoins la main‑d’œuvre locale vers des zones indus­tria­li­sées, créant ain­si un poten­tiel de main‑d’œuvre bon mar­ché (Sim­ca fait venir des trains entiers d’émigrés maro­cains ou turcs pour son usine de Pois­sy tous les 6 mois …).

L’armée au service du capital

La défense natio­nale : une idéo­lo­gie au ser­vice du pouvoir

Tel est donc le sys­tème social dans lequel nous vivons, sans res­pon­sa­bi­li­tés, les inté­rêts de la classe domi­nante direc­te­ment oppo­sés aux inté­rêts des classes exploitées.

Pour que tout cela marche, il faut un peuple anes­thé­sié, igno­rant, docile et même coopérant…

Les ins­tru­ments du pou­voir sont immenses. Le pre­mier outil, l’école, véri­table moule idéo­lo­gique, forme des petits Fran­çais dociles et « bien pen­sants ». Le deuxième matra­quage a lieu sitôt sor­ti de l’école à 18 ans : « le ser­vice natio­nal actif ».

L’embrigadement de la jeu­nesse prend une dimen­sion nou­velle : « L’armée s’acharne à faire des jeunes et par là même de l’homme du peuple un rési­gné, un homme sans res­pon­sa­bi­li­té. Pour cela elle le déra­cine de son milieu pour l’isoler, le dépay­ser, aus­si bien dans sa façon de pen­ser que dans sa façon de vivre. La nou­veau­té de la tenue, du cadre, de l’instruction, du sys­tème hié­rar­chique, du règle­ment et du rythme de vie per­turbe l’individu et le main­tient en per­pé­tuelle posi­tion d’infériorité… Ain­si l’armée vise à faire de tous les jeunes des mou­tons, des ins­tru­ments dociles du pouvoir. »

Ces inté­rêts du pou­voir, oppo­sés à ceux de la classe labo­rieuse, néces­sitent une mys­tique natio­nale ; cela va du Mérite agri­cole à la Légion d’honneur, en pas­sant par la croix de guerre et tout le « côté clin­quant des grandes tenues, des défi­lés, des parades, de l’harmonie des mouvements»…

On ne peut s’empêcher de citer 14 — 18 ou 39 — 45 ou la guerre d’Indo­chine ou celle d’«Algérie française ».

« La guerre est faite par des gens qui se battent et ne se connaissent pas au pro­fit de gens qui se connaissent et ne se battent pas. »

Anes­thé­sier, exal­ter le peuple, tels sont donc les moyens de l’État qui, par le biais de l’idéologie natio­na­liste, mani­pu­la­tion émi­nem­ment poli­tique, aliène les tra­vailleurs et les met à sa botte.

Le ser­vice natio­nal actif entre tout à fait dans cette logique. Debré sou­ligne l’importance de l’instruction civique, sur le thème « tâches d’intérêt public », qui se tra­duit par le rôle de bri­seur de grève (éboueurs, trans­ports en com­mun, postes, musées) ou tout sim­ple­ment main‑d’œuvre à bon mar­ché pour la gen­dar­me­rie ou les uni­ver­si­tés (ins­crip­tion en 69).

Ce n’est pas un hasard si les jeunes sont appe­lés à 18 ans et si l’on amé­nage l’armée (plus « libé­rale », pos­si­bi­li­té de for­ma­tion pro­fes­sion­nelle, foyers, nour­ri­ture meilleure…), tout en gar­dant bien la même fina­li­té : récu­pé­rer la jeunesse.

Cette orien­ta­tion de plus en plus nette et de plus en plus avouée se retrouve dans le civil : les contrats dits de pro­grès, la par­ti­ci­pa­tion… Der­niè­re­ment une orien­ta­tion du CNPF en vue d’informer (à sens unique) les ouvriers sur les pro­blèmes écono­miques de l’entreprise a pour but avoué d’éviter ain­si « des reven­di­ca­tions “erro­nées” qui ne conduisent qu’à des conflits inutiles ». Cette orien­ta­tion est appuyée à grand ren­fort de cré­dits par le gouvernement.

Il en est de même de la for­ma­tion pro­fes­sion­nelle à l’armée (com­bien de jeunes s’engagent dans l’espoir d’y apprendre un métier!)…

« La méthode active per­met au chef de dis­pen­ser effi­ca­ce­ment la for­ma­tion aujourd’hui néces­saire à l’exercice de l’autorité… La réa­li­té du com­bat moderne réclame plus encore qu’autrefois une “force morale” à toute épreuve… Il faut faire prendre conscience aux jeunes qu’ils par­ti­cipent à une œuvre qui les dépasse (lire ici guerres impé­ria­listes d’Algérie, du Tchad… ou luttes anti­grèves).» L’effort de luci­di­té et de maî­trise de soi est par­ti­cu­liè­re­ment rigou­reux lorsqu’il s’agit de faire face à ses obli­ga­tions vis‑à‑vis de réa­li­tés objec­tives aus­si éle­vées que le bien com­mun, la com­mu­nau­té natio­nale, l’État, l’armée…

On ne peut s’empêcher de faire le rap­pro­che­ment avec ce que disait le 11 mai 1958 Chaban‑Delmas inau­gu­rant l’école des cadres pour la guerre révo­lu­tion­naire dite sub­ver­sive (Algé­rie): « Vous menez un com­bat dif­fi­cile, ingrat, contre un enne­mi qui se dérobe, mais votre com­bat est, j’en suis per­sua­dé, le der­nier com­bat de la France en tant que pays libre. Vous com­bat­tez aus­si pour la défense de l’Occident. » (On sait aujourd’hui que les cours de tor­ture étaient au pro­gramme de cette école!)

N’a‑t‑on pas fait venir en 1971 les bri­gades spé­ciales dans le but avoué d’entraîner le contin­gent à répri­mer les mani­fes­ta­tions. C’est‑à‑dire à se battre contre le peuple.

N’est‑ce pas aus­si le but avoué de la DOT (Défense opé­ra­tion­nelle du ter­ri­toire), créée depuis 1968 pour recon­qué­rir le pou­voir en cas de renversement.

C’est ce même rôle qu’a joué en mai 68 le contin­gent can­ton­né dans les casernes, igno­rant des évé­ne­ments, volant de pres­sion, chan­tage d’une éven­tuelle inter­ven­tion (voir de Gaulle‑Massu).

L’ordonnance de jan­vier 59 s’inscrit bien dans cette logique. Chaque adulte, homme et femme, est en état conti­nuel de mobi­li­sa­tion face à une éven­tuelle menace, tant exté­rieure qu’intérieure, mobi­li­sa­tion pou­vant inter­ve­nir même en temps de paix (n’importe quelle crise sociale peut mettre chaque citoyen dans cette posi­tion). C’était la menace que fai­sait Chaban‑Delmas le 14 octobre 1971 aux conduc­teurs de la RATP en grève.

La direc­tion même de la défense est entre les mains du pou­voir et échappe com­plè­te­ment à l’armée, c’est‑à‑dire que nous sommes à la mer­ci de la classe diri­geante. Les régions mili­taires étant elles-mêmes aux ordres des pré­fets de région, c’est ce que nous appe­lons la défense natio­nale de la classe dirigeante.

« Vous vou­lez qu’on se batte contre nous‑mêmes, contre nos proches, contre ceux qui sont dans la misère, quelle que soit leur race (parce que nos inté­rêts sont les mêmes).»

« Je refuse de me lais­ser asser­vir et de tour­ner mon fusil contre le peuple » (B. Péran, objec­teur politique).

Un levier éco­no­mique, social et poli­tique du capitalisme

La mili­ta­ri­sa­tion, aujourd’hui, ne peut pas être vue uni­que­ment sous l’aspect idéo­lo­gique. C’est dans le domaine politico‑économique que le capi­ta­lisme en tire les pro­fits directs.

Rela­tions avec l’extérieur : au niveau de l’approvisionnement :

La vente d’armes à l’Afrique du Sud est un exemple frap­pant. Cette assis­tance mili­taire pré­fé­ren­tielle est liée direc­te­ment à l’achat d’uranium à ce pays à des prix déri­soires (mine­rai d’importance capi­tale pour l’industrie fran­çaise). Il en est de même de la vente d’armes au Por­tu­gal pour sa guerre coloniale.

Au niveau des débouchés :

« Il n’est plus pos­sible d’envisager l’industrie d’armement en fai­sant abs­trac­tion des notions d’exportation et de com­pé­ti­ti­vi­té. » (Debré). Cela répond à deux impé­ra­tifs complémentaires :

— Répondre aux besoins des pays du tiers monde qui se croient ain­si indé­pen­dants tout en favo­ri­sant de fait le néo‑colonialisme ;

— Élar­gir et équi­li­brer une indus­trie rela­ti­ve­ment puis­sante et de pointe (250 000 travailleurs).

En 1970, Debré demande aux états‑majors qui pré­parent la 3e loi pro­gramme de choi­sir des maté­riels qui inté­ressent autant que pos­sible l’étranger. Mais c’est au niveau de la péné­tra­tion poli­tique éco­no­mique que l’armée prend son véri­table sens.

Au Tchad, le gou­ver­ne­ment fran­çais ren­force son admi­nis­tra­tion mili­taire et civile en place, pro­té­geant ses mines d’uranium du Niger occi­den­tal. La vente de 100 Mirage III à la Libye s’accompagne d’un accord inter­di­sant les voies d’accès et d’approvisionnement du Sud libyen aux zones rebelles du Tibes­ti (Tchad).

« La vente de 30 Mirage à l’Espagne s’inscrit dans le cadre de la coopé­ra­tion tech­nique et indus­trielle des deux pays » (jour­na­liste de Tou­louse). On com­prend le silence du gou­ver­ne­ment fran­çais sur les pro­cès de Bur­gos. Les armées elles‑mêmes deviennent de plus en plus dépen­dantes (les pilotes algé­riens sont for­més par l’armée française).

« Cette péné­tra­tion politico‑économique n’est pas le fait du hasard, d’un mar­ché libre… C’est une poli­tique déli­bé­rée du pou­voir, témoin ce titre du “Monde” du 5‑10‑71 : « La France pré­voit d’augmenter ses dépenses pour la pros­pec­tion des clients étran­gers dans le domaine du com­merce des armes. »

Les cré­dits publics à cette fin passent de 7 mil­lions en 1970 à 9,3 mil­lions de francs pour 1972. « Ces mesures, ain­si qu’un assou­plis­se­ment en avril‑mai der­niers sur les règles d’exportation des maté­riels de guerre ont été appré­ciées des indus­triels de l’armement », pré­cise l’article.

Influences inté­rieures : Inci­dences directes.

L’armée donne 35 mil­lions par an aux cher­cheurs de l’Éducation natio­nale. L’industrie d’armement exerce une influence directe sur 70 % de l’industrie aéro­spa­tiale, sur 55 % des dépenses du CEA (recherche ato­mique) (chiffre avoué), sur 6 % de l’électronique.

Poli­tique concer­tée du pou­voir et des indus­triels qui là encore ne font qu’un.

Avec plus de 20 mil­liards de chiffre d’affaires en 70 c’est l’une de nos pre­mières acti­vi­tés économiques.

Plus de 300 000 tra­vailleurs (et l’on est loin du chiffre si l’on tient compte des sous‑traitances) vivent mal­gré eux de l’activité mili­taire de notre pays. La Bre­tagne est la pre­mière à en souf­frir. Pour le Bre­ton, il y a l’exil ou l’armée (y com­pris les civils tra­vaillant pour l’industrie d’armement).

Double exploi­ta­tion des tra­vailleurs contraints à faire un tra­vail inutile et néfaste à l’humanité et dont, par ailleurs, les pro­fits énormes du mar­ché étran­ger ne rap­portent qu’à l’oligarchie dominante.

Avec 7 mil­liards de com­mandes en 70, la France est deve­nue le 3e expor­ta­teur du monde. Das­sault réa­lise 75 % de son chiffre d’affaires avec les acti­vi­tés d’armement : « Il fabri­que­ra 15 Mirage F1 par mois (« le Monde » du 4‑10‑71) grâce aux nom­breuses com­mandes de l’étranger. » La SNIAS, avec ses héli­co­ptères Alouette III, ses mis­siles (85 000 SS II déjà expor­tés), ses avions mili­taires, ses engins balis­tiques (force de dis­sua­sion), réa­lise 60 % de son chiffre d’affaires.

M. C…, président‑directeur géné­ral de Dubigeon‑Nantes, décla­rait le 3 – 9‑71 que la construc­tion des sous‑marins por­tu­gais avait été très ren­table (on sait que l’entreprise a des ennuis finan­ciers en ce moment, sans doute parce qu’elle ne fabrique pas de navires de guerre!).

Inci­dences indirectes :

En tant qu’industrie de pointe, le finan­ce­ment mas­sif de cette indus­trie pri­vi­lé­giée est à l’origine d’un accrois­se­ment auto­ma­tique pour ain­si dire gra­tuit et sans objec­tif par­ti­cu­lier de la pro­duc­ti­vi­té natio­nale, et ce, avec le consen­te­ment des orga­ni­sa­tions ouvrières elles‑mêmes (demande de mise en chan­tier du 4e sous‑marin nucléaire). 

L’activité mili­taire éponge ain­si la sur­pro­duc­tion géné­ra­trice de crise en tant que pro­duc­tion inutile.

La classe diri­geante a donc tout inté­rêt à ce que cette indus­trie prenne de l’essor. Elle ne per­met­tra jamais qu’elle dis­pa­raisse. Aus­si c’est à nous les tra­vailleurs de la détruire avant qu’elle ne nous détruise.

L’objection au ser­vice mili­taire ne peut être sépa­rée de l’opposition à la pro­duc­tion des ins­tru­ments de guerre qui ne servent que les patrons. Cette oppo­si­tion se mani­feste de plus en plus (cher­cheurs de l’ENS, ouvriers ita­liens d’une usine de construc­tion de maté­riel mili­taire : ils fabriquent aujourd’hui des wagons).

Les luttes aujourd’hui

« Tout s’oppose aux inté­rêts de la classe capi­ta­liste dans son ensemble : les inté­rêts par­ti­cu­liers à l’intérieur de cette classe ; la lutte des peuples colo­ni­sés pour se libé­rer du car­can ; le refus des « citoyens » des pays du capi­ta­lisme sur­dé­ve­lop­pé de par­ti­ci­per à cette stra­té­gie mor­bide. » (M. Auffray).

Nous ne pou­vons donc pas dis­so­cier notre lutte contre l’armée de la lutte des tra­vailleurs. C’est bien en termes de lutte de classes que nous posons notre acte, conscients de l’aspect mino­ri­taire qu’il repré­sente aujourd’hui mais indis­so­ciable de toutes les luttes contre l’armée.

Parce que le ser­vice mili­taire n’a rien à voir avec les inté­rêts des tra­vailleurs, ceux‑ci le refusent. Qui n’attend pas la quille en comp­tant les jours ou n’essaye pas par tous les moyens de se faire réfor­mer, ou tout sim­ple­ment tire au flanc parce qu’il n’a aucun inté­rêt à obéir à des ordres qui ne le concernent pas ?

Cet anti­mi­li­ta­risme pro­fond n’est pas le hasard d’une men­ta­li­té fran­çaise comme cer­tains veulent bien le dire, il est la résis­tance plus ou moins consciente à une oppres­sion savam­ment calculée.

Ceux qui réagissent vio­lem­ment sont en butte à la répres­sion. C’est le trou, ou la taule, le bataillon semi‑disciplinaire ou dis­ci­pli­naire, le bagne mili­taire type Aiton ou la CILA…

Cette répres­sion explique par­tiel­le­ment le peu de lutte à l’intérieur de l’armée (« On n’en a que pour 12 mois ») et cette rela­tive accepta­tion for­cée de la « cari­ca­ture frap­pante de ce qu’il y a de plus répres­sif et alié­nant dans la socié­té capitaliste ».

« Il y en a qui sont res­tés près de 3 à 4 ans enfer­més de pri­son en pri­son, de régi­ment semi‑disciplinaire en régi­ment dis­ci­pli­naire ou en casernes‑prisons. »

De plus en plus nom­breux à se radi­ca­li­ser, mais trop sou­vent seuls, leur lutte reste inef­fi­cace et sur­tout sans lien pos­sible avec l’extérieur. Leur nombre crois­sant (plus de 1000 déser­teurs actuel­le­ment) repré­sente une force non négli­geable ; nous devons être soli­daires de leur lutte pour faire connaître l’acte qu’ils posent (indi­vi­duel ou col­lec­tif) et pour faire sup­pri­mer toute répression.

Les objec­teurs de conscience, de plus en plus nom­breux aujourd’hui, repré­sentent eux aus­si un poten­tiel révo­lu­tion­naire non négli­geable, prin­ci­pa­le­ment lorsqu’ils se regroupent et luttent au‑delà des limites du sta­tut, vaste récu­pé­ra­tion du sys­tème. « Les jeunes gens qui, avant leur incor­po­ra­tion, se déclarent, en rai­son de leurs convic­tions reli­gieuses ou phi­lo­so­phiques, oppo­sés en toutes cir­cons­tances à l’usage per­son­nel des armes…» (article I du statut).

Le sta­tut, tel qu’il se pré­sente, s’adresse donc à ceux qui refusent de por­ter des armes d’une façon indi­vi­duelle, parce qu’ils ne veulent pas tuer, même si d’une façon ou d’une autre ils par­ti­cipent à l’élaboration de la mili­ta­ri­sa­tion. Il s’agit de cal­mer ou de conten­ter quelques inaptes que l’on sau­ra quand même rendre « utiles ». Il est bien sûr inter­dit de faire toute publi­ci­té sur cette échap­pa­toire, ce qui ris­que­rait de mul­ti­plier les réfractaires.

Nous devons remettre en cause la fina­li­té de l’armée. Notre acte est d’abord une lutte contre ce sys­tème qui tue.

Il est temps de démys­ti­fier le sta­tut. C’est pour­quoi nous exi­geons aujourd’hui un sta­tut poli­tique, nous réser­vant le droit de le deman­der à n’importe quel moment, à l’armée, ou non. Nous accep­tons comme com­pro­mis un ser­vice civil de notre choix en accord avec notre idéal.

Il doit être clair que l’obtention du sta­tut poli­tique n’est pas une fin en soi. Une armée de métier pour­rait être aus­si efficace.

Notre lutte se veut soli­daire de toutes les luttes contre l’armée en paral­lèle avec les luttes de tous les travailleurs.

Toute action de sou­tien à notre cause devra être non vio­lente. Cela non pas pour prô­ner telle ou telle méthode, mais consi­dé­rant qu’elle est la seule action aujourd’hui qui risque de ne pas se retour­ner contre la cause que nous défendons.

Armel Gai­gnard, déserteur

Domi­nique Val­ton, insoumis 

La Presse Anarchiste