La Presse Anarchiste

Bulletins intérieurs (fragments)

Depuis assez long­temps la réflexion col­lec­tive au sein du « groupe » est stop­pée bien que des évo­lu­tions indi­vi­duelles se soient opé­rées. Pour y remé­dier, les démarches suc­ces­sives ont été de mettre en cause l’absence ou l’inadéquation des méthodes de tra­vail, ce qui est res­té assez inefficace.

Sans vou­loir sous-esti­mer l’importance de l’absence de tra­vail indi­vi­duel et col­lec­tif, il nous semble que le fond théo­rique doit être aus­si mis en cause dans cette « crise ».

Si non-vio­lence et anar­chisme sont les deux pôles qui ont cor­res­pon­du à notre recherche et à notre évo­lu­tion pen­dant long­temps, le groupe est main­te­nant arri­vé à un blo­cage : cha­cun pour­sui­vant sa réflexion et sa recherche indé­pen­dam­ment de l’ensemble, et l’on peut se deman­der ce qui nous ras­semble encore et quels sont nos points d’accord.

« Anar­chistes non vio­lents, nous avions essayé de sor­tir la non-vio­lence de sa gangue reli­gieuse, de lui don­ner une dimen­sion radi­cale en l’associant à ce qui nous parais­sait être sa suite logique au niveau éco­no­mique et social, à savoir l’anarchisme. Nous pen­sons avoir avan­cé dans ce sens. On peut dire qu’il existe aujourd’hui un cou­rant anar­chiste non violent d’ailleurs indé­pen­dant de nous. Ce qui n’existait pas il y a encore quatre ans. Main­te­nant se pose à nous le pro­blème de l’anarchisme, non pas en tant qu’idéologie, ce qu’il est si peu, mais en tant que moyen de com­pré­hen­sion de la réa­li­té sociale, ce que d’aucuns appellent le mou­ve­ment réel du pro­lé­ta­riat et des organes auto­nomes qu’il se donne dans sa lutte contre le capi­tal. Organes dont les plus connus sont appe­lés conseils ouvriers. »

Si ce para­graphe de l’introduction du numé­ro 30 est une marque de l’évolution de quelques-uns d’entre-nous, c’est une mys­ti­fi­ca­tion de le pré­sen­ter comme un che­mi­ne­ment théo­rique logique du « groupe ». Loin d’avoir don­né à la non-vio­lence une dimen­sion radi­cale et bien que nous ayons effec­ti­ve­ment pro­gres­sé et appro­fon­di, nous n’avons pas suf­fi­sam­ment pu la déga­ger de sa gangue « paci­fiste », et taci­te­ment nous res­tons sur un sta­tu quo insa­tis­fai­sant. Quant à l’anarchisme, nous nous sommes sur­tout conten­tés d’un accord pour en accep­ter les prin­cipes et les thèmes géné­raux sans trop enga­ger le débat sur les dif­fé­rences exis­tant entre nous. Cette atti­tude appa­rais­sait néces­saire pour sau­ve­gar­der l’unité dans la plu­ra­li­té, mais se fai­sait au détri­ment de la cohérence.

Autant l’anarchisme que la non-vio­lence nous semblent deve­nus main­te­nant des a prio­ri éthiques et théo­riques alié­nants pour notre recherche et notre ana­lyse qui devraient être plus ouvertes et plus glo­bales si nous ne nous sen­tions pas obli­gés d’une façon ou d’une autre d’y faire constam­ment réfé­rence. Ceci sans qu’il soit ques­tion de faire table rase de notre acquis au sein d’ANV ni de celui des divers mou­ve­ments révolutionnaires.

La consé­quence la plus directe et la plus spec­ta­cu­laire de notre évo­lu­tion est la remise en cause du titre de la revue. (Nous n’en pro­po­sons pas d’autre, le choix d’un nou­veau label ne dépen­dant pas uni­que­ment de nous.)

L’essentiel cepen­dant est actuel­le­ment la cla­ri­fi­ca­tion de nos diverses évo­lu­tions (à tous) et démarches théo­riques, au-delà des dif­fé­rences de voca­bu­laire et des inhi­bi­tions respectives.

Nous sommes conscients de remettre en cause cer­taines options fon­da­men­tales d’ANV et donc bien enten­du son « image de marque ». Alors pour­quoi envi­sa­ger une conti­nua­tion sur d’autres bases plu­tôt que le sabor­dage ? De par les liens affi­ni­taires, affec­tifs et l’acquis com­mun qui nous unissent, le « groupe » pos­sède un poten­tiel de cohé­sion non négli­geable, de plus, cer­taines évo­lu­tions paral­lèles sinon simi­laires de plu­sieurs d’entre nous nous encou­ragent à pour­suivre ensemble.

Per­sua­dés que ce débat est plus fonc­tion de la volon­té et de l’intérêt que cha­cun porte au « groupe », que de moda­li­tés pra­tiques, nous ne pro­po­sons aucun plan précis.

Lone Sloane, Yearl de Mars

(août 1972)


Qu’il y ait un autre bilan pos­sible, c’est ce que les BI montrent, et voi­là. Que la revue conti­nue, je le crois bon. Que les éti­quettes gênent dans le titre ? moi pas, mais enfin, pour moi, on peut bien le chan­ger si le conte­nu tient le coup.

Qu’elles gênent si on s’y réfère tou­jours, oui, mais moins si leur sens géné­ral nous paraît accep­table à titre de réfé­rence, d’indication, etc.

Mais je suis plus mar­gi­nale que « du groupe », et je parle peut-être trop vite.

Cala­mi­ty Jane

(23 août1972)


Il y a deux pro­blèmes : d’abord celui du groupe (évo­lu­tion et texte de Sloane et Yearl), puis celui du fond, l’anarchisme et la non-vio­lence, que je me conten­te­rai d’entamer à la fin de ce texte.

Le groupe

Il est inté­res­sant de noter que Sloane et Yearl, tout en récu­sant le che­mi­ne­ment logique que d’après eux j’attribuais au groupe, l’obligent à s’y affron­ter par la néces­si­té his­to­rique. Je m’explique : il me sem­blait logique d’être ame­né après un essai de radi­ca­li­sa­tion de la non-vio­lence (ils me reprochent de ne pas y avoir réus­si) à poser le pro­blème dans sa tota­li­té. Pour eux, intro­dui­sant le fac­teur temps (évo­lu­tion, pen­dant long­temps), ils font d’une suite logique pour quelques-uns une néces­si­té pour tous. Ils ne croient pas qu’il soit pos­sible de pas­ser pour tous à un stade de réflexion glo­bale sans qu’il y ait eu rup­ture. Un pro­ces­sus logique leur parait inadéquat.

Comp­ter sur des réac­tions affec­tives pour enta­mer le débat est en soi une gageure, d’autant plus si l’on veut que de ce débat sorte une pos­si­bi­li­té de renouveau.

Peut-être est-ce la solu­tion pour sor­tir de l’impasse où nous sommes, soit ; pour­tant l’on peut s’interroger sur cette façon de faire. On pour­rait oppo­ser la voie logique, évo­lu­tion­niste, réfor­miste quoi ! à celle de nos réveilleurs, accé­lé­ra­trice, rup­trice, révo­lu­tion­naire pour tout dire. Mais c’est une voie ô com­bien auto­ri­taire, qui n’admet pas que d’autres ne soient point arri­vés là où ils en sont, et les urge de les rejoindre sous peine de…

D’autre part, ils avancent comme rai­son la cohé­sion du groupe sans réel­le­ment se deman­der sur quoi elle est fon­dée. C’est là que toute la naï­ve­té de leur ten­ta­tive appa­raît. En effet, ce qui nous a ras­sem­blés au départ est une pra­tique et une réflexion sur cette pra­tique. Une pra­tique où cha­cun avait pu voir l’autre à l’œuvre. C’est sur cette pra­tique, cet affron­te­ment direct à la répres­sion de la confiance mutuelle qui donc en décou­lait, c’est de tout cela que nais­sait la cohé­sion du groupe. Plus en fait que la cohé­sion, sa cohé­rence même. En effet, il y avait lien entre la pra­tique et la théo­rie ; cela per­met­tait d’éloigner les cau­seurs. Quel groupe peut se van­ter d’être pas­sé par le même type de crible que nous ?

C’est ce ciment que Sloane et Yearl remettent en ques­tion, qu’ils veulent ran­ger au rayon des acces­soires usés. Mais enfin, qu’est-ce qui le rem­pla­ce­ra ce ciment ? com­ment gar­der ensemble des gens en leur enle­vant tout liant ?

Vou­loir faire une ome­lette sans cas­ser d’œufs est illu­soire ; si le groupe prend une autre direc­tion, il lui fau­dra se sépa­rer de cer­tains de ses com­po­sants actuels, s’il ne le fait pas aus­si d’ailleurs. Accep­tons l’hypothèse qu’ANV change et devienne un groupe de liai­son-réflexion quel­conque. S’attachant aux pro­blèmes d’une façon glo­bale, il n’y aura plus liai­son entre théo­rie et pra­tique ; de fil en aiguille, nous devien­drons un groupe de purs théo­ri­ciens déta­chés de toute forme de lutte et recher­chant la pure­té révo­lu­tion­naire de l’écrit.

Nous devien­drons la proie d’intellectuels en mal de lea­de­risme, de petits étu­diants agi­tés, ou alors nous met­trons sur pied des exa­mens com­pli­qués et inquisiteurs.

En fait, c’est déjà ce qui se passe, au moins en tout petit, en deve­nir. Car la cohé­sion, notre cohé­sion tant van­tée n’est qu’un mythe, un réflexe, pour tout dire, elle est éventée.

La suite logique de la situa­tion du groupe est sa dis­so­lu­tion, à plus ou moins brève échéance, un ou deux ans. Alors la pos­si­bi­li­té qui nous est offerte par Sloane et Yearl doit être sai­sie comme telle, à savoir la der­nière chance, pour qu’une par­tie d’entre nous conti­nue à faire quelque chose de neuf.

Mais le titre ? Je n’en par­le­rai pas. Atta­cher d’une façon où d’une autre une impor­tance à une éti­quette, qu’est-ce d’autre que du féti­chisme ? Pour­tant, il serait faux de croire qu’alors les inhi­bi­tions tom­be­raient, qu’il n’y aurait plus de pro­blèmes. Tout est à faire, tout reste à faire.

Ce que signifie pour moi l’anarchisme

Il est cer­tain que sous ce vocable on peut abso­lu­ment tout mettre, et cer­tains ne s’en privent pas, mais on peut dire la même chose du mar­xisme ; cela, au fond, parce que le pro­blème est pris sous l’angle de l’adhésion à une idéo­lo­gie et qu’à par­tir de ce moment-là sec­ta­risme et dénon­cia­tions sont à l’ordre du jour. De même en posant le pro­blème sous l’angle de telle ou telle ten­dance du mou­ve­ment ouvrier. Si les anars ne sont pas très jojos, les mar­xistes sont la plu­part du temps par­fai­te­ment odieux.

Une fois ceci admis, il est clair que se mettre de cette façon en dehors du pro­blème n’est pas très réa­liste dans la mesure où on est tou­jours plus ou moins influen­cé par tel ou tel cou­rant. Pour ma part, il est évident que ma recherche indi­vi­duelle, ma com­pré­hen­sion du monde et de son évo­lu­tion me sont faci­li­tées par l’utilisation du mar­xisme. Il faut tout de suite s’empresser de défi­nir ce que j’entends par là. Le mar­xisme auquel je fais et ferai réfé­rence est celui qui est uti­li­sé par le cou­rant com­mu­niste de conseils et d’ultra-gauche en géné­ral. Il est de même évident que les seules publi­ca­tions inté­res­santes sont d’origine ultra-gauche. Pour­quoi alors que je fais l’apologie d’un cer­tain mar­xisme, l’étiquette anar­chiste me paraît-elle aus­si impor­tante ? Pour deux rai­sons essen­tielles, la pre­mière est la filia­tion à un mou­ve­ment qui me semble hau­te­ment sym­pa­thique (his­to­ri­que­ment), la deuxième par un réflexe indi­vi­dua­liste vis-à-vis d’une ana­lyse fon­da­men­ta­le­ment mas­siste où l’individu est broyé par les néces­si­tés his­to­riques ; il me semble impor­tant, envers et contre tous, de main­te­nir l’affirmation de l’individualité.

Ce que signifie pour moi la non-violence

Il faut recon­naître que dans dif­fé­rents endroits l’emploi de méthodes non vio­lentes a per­mis la prise de conscience glo­bale de l’exploitation à laquelle étaient sou­mises cer­taines popu­la­tions. L’action non vio­lente a joué le rôle de la révo­lu­tion bour­geoise de libé­ra­tion natio­nale. En ce sens, il est évident que cette prise de conscience ne pou­vait se faire que sur des bases eth­niques ou reli­gieuses (USA, Irlande, Inde). Sauf pour l’Inde, ces évo­lu­tions se sont faites d’une manière rapide et sans affron­te­ments armés et de ce fait, arri­vant au bout de leur déve­lop­pe­ment, elles étaient for­cées de dépé­rir pour lais­ser la place à la pro­blé­ma­tique du socia­lisme en tant que révolution.

Voi­là pour le rôle his­to­rique de la non-vio­lence en tant que mou­ve­ment de masse.

En tant qu’option indi­vi­duelle, il en est autre chose. Le pas­sage à tra­vers le mou­ve­ment non violent clas­sique est en soi une sen­si­bi­li­sa­tion aux pro­blèmes que pose l’usage de la vio­lence. Dépas­sant la morale du « tu ne tue­ras point », on arrive par une autre voie au pro­blème du mili­ta­risme révolutionnaire.

Je recon­nais sans aucun doute que la vio­lence spon­ta­née (début mai 68) peut avoir un rôle mobi­li­sa­teur. En détrui­sant le mur elle per­mit le dia­logue à une échelle encore jamais atteinte ; la sys­té­ma­ti­sa­tion de la vio­lence du début se retour­na contre ceux-là mêmes qui l’employaient et empê­cha le dia­logue de conti­nuer. La vio­lence spon­ta­née n’est récu­pé­rable que du fait de son suc­cès car elle devient alors sys­tème et est à la por­tée de tout appa­reil un tant soit peu radi­ca­li­sé qui, dès qu’il en aura pris la tête, le stop­pe­ra à son profit.

La répu­gnance qui existe dans nos milieux vis-à-vis de tout ser­vice d’ordre dans lequel on voit un embryon mili­taire est contre­ba­lan­cée par la croyance en une struc­ture vio­lente certes, mais en même temps émi­nem­ment révo­lu­tion­naire, donc inapte à la dévia­tion et aus­si insen­sible à la ten­ta­tion de l’exercice du pou­voir après avoir démon­tré que l’on avait pu vaincre pour la révolution.

Conclu­sion : Je pré­fère un cou­rant non violent révo­lu­tion­naire fort dans un ensemble qui ne s’en réclame pas plu­tôt qu’une revue seule et débile.

Capi­taine Haddock

(début sep­tembre 1972


Pre­mière réac­tion : c’est une réédi­tion de la crise de 69 [[Allu­sion à la crise anté­rieure au cours de laquelle il fut repro­ché au « groupe » sa super­fi­cia­li­té et où la revue tri­mes­trielle fut dénon­cée comme alié­nante. Cette cri­tique por­tait aus­si sur les notions d’«image de marque » et de « panache ANV ».]]; Yearl et Sloane pro­jettent sur et à tra­vers le groupe leurs propres pro­blèmes en exi­geant du groupe qu’il pri­vi­lé­gie leurs préoccupations…

L’humeur pas­sée, il y a une dimen­sion beau­coup moins égo­cen­trique et expri­mée d’une manière moins exi­geante et plus sym­pa­thique dans ce texte que dans la crise antérieure.

Il me semble cer­tain que le groupe pié­tine depuis plus de deux ans et qu’il ne doit sa sur­vie qu’aux rela­tions affi­ni­taires qui se sont créées entre les indi­vi­dus et à la main­te­nance de la revue grâce à la volon­té de quelques-uns.

L’anarchisme et la non-vio­lence ne me semblent pas des a prio­ri alié­nants dans ma propre réflexion, mais ils me paraissent très blo­quants lorsqu’ils deviennent comme c’est le cas une éti­quette et donc une image de marque dans mes rela­tions avec l’extérieur, tant du point de vue indi­vi­duel que de l’entité du groupe.

Chan­ger le titre de la revue, à quoi bon ? et pour­quoi pas ? Cela peut certes contri­buer à chan­ger notre image de marque, mais est-ce impor­tant si nous ne chan­geons pas nous-mêmes et si nous conti­nuons à piétiner ?

Mais soyons sérieux, ce n’est pas là l’essentiel. Je crois que l’on peut accep­ter de pié­ti­ner un cer­tain temps de façon à acqué­rir un deuxième souffle, mais pour ma part je com­mence à trou­ver ce temps un peu long. Je me suis abs­te­nu de le dénon­cer dans l’incapacité où je suis de pro­mou­voir un renouveau.

À ce niveau, Yearl et Sloane nous laissent un peu sur notre faim ; j’aurais aimé qu’ils nous pro­posent un texte de base ou d’autres don­nées fon­da­men­tales à dis­cu­ter plu­tôt qu’un nou­veau titre à la revue.

Je sous­cris sans res­tric­tions au désir de cla­ri­fi­ca­tion de nos dif­fé­rentes évo­lu­tions tel que l’expriment Yearl et Sloane, mais pour ce faire il faut une méthode d’approche et de tra­vail et là nous butons de nou­veau devant des obs­tacles bien connus et rien n’est proposé.

Pour être logique, à ce stade de ces quelques réflexions il me fau­drait pro­po­ser un moyen de faire avan­cer les choses, mais je me sens com­plè­te­ment sté­rile, les der­nières ren­contres de tra­vail n’ont fait que concré­ti­ser notre stag­na­tion, à quoi bon en pro­po­ser d’autres s’il n’y a pas un tra­vail préa­lable par écrit entre nous.

Peut-être que le texte de Yearl et Sloane sera le déto­na­teur qui nous sor­ti­ra de notre som­no­lence appa­rente. Je dis appa­rente car il me semble que sépa­ré­ment les indi­vi­dus évo­luent, mais que nous ne trou­vons pas le moyen de syn­thé­ti­ser tout cela et d’en déga­ger une cohé­rence pour le groupe.

Cor­to Maltese

(5 sep­tembre 1972 )


Qu’il y ait un blo­cage col­lec­tif du groupe n’est sûre­ment pas faux. Ne serait-il pas plus juste de dire que, dans ce cadre don­né actuel­le­ment, un cer­tain nombre de copains n’arrivent pas ou plus à s’exprimer ? et le phé­no­mène a tou­jours été res­sen­ti plus ou moins for­te­ment : il suf­fit de citer ceux qui ont lâché prise. Y a‑t-il autre chose ? Je ne vois pas dans le texte de Yearl et Sloane de remise en cause fon­da­men­tale. Je constate à l’évidence qu’il a tou­jours été et qu’il est de plus en plus dif­fi­cile de tra­vailler col­lec­ti­ve­ment ; je constate qu’au sein du groupe l’individu qui ne s’exprime plus, qui ne pro­duit plus ou trop peu se sent sur la touche, sa pré­sence est mise en cause même si l’affection des autres lui prouve le contraire.

Je ne vois pas ce qui pour­rait modi­fier tout ça rapi­de­ment et je ne me leurre pas sur un futur amé­lio­ré par un quel­conque renou­veau fon­da­men­tal ou un chan­ge­ment de titre. Le salut, je le vois dans la prise en charge indi­vi­duelle, la par­ti­ci­pa­tion effec­tive de cha­cun. Cepen­dant, si je ne modi­fie pas mon com­por­te­ment, si je n’adapte pas ma vision à ce qui bouge, je démontre mon immobilisme.

Per­son­nel­le­ment, je ne me sens blo­qué ni au niveau du groupe ni à mon niveau indi­vi­duel et suis prêt à écou­ter, à ten­ter de nou­velles expé­riences de tra­vail, d’organisation, à chan­ger de titre, etc., prêt à toute ouver­ture, d’autant mieux que je pense avoir été celui qui en a le plus pro­po­sé, mais que les ini­tia­tives viennent des autres parce que moi, je ne vois pas com­ment résoudre la crise, les méthodes déjà pro­po­sées n’ayant pas réus­si ; je n’y vois plus clair, je suis au bout de mon rou­leau et n’ai plus envie de chercher.

« Anar­chisme et Non-Vio­lence » peut conti­nuer comme avant, aus­si bien, aus­si mal, en se sépa­rant de ceux qui sont en porte-à-faux et par la col­la­bo­ra­tion de nou­veaux venus. Le départ de cer­tains copains a tou­jours été vécu comme un échec. Yearl et Sloane sont les pre­miers à poser le pro­blème d’une façon sym­pa, même s’ils sont mal­adroits et pas assez expli­cites. Pour­tant j’apprécie leur ini­tia­tive. Je l’appuie totalement.

Mais il faut qu’ils se mouillent un peu plus ! Leur ini­tia­tive implique une prise en charge, néces­site qu’ils assument leur rôle de « loco­mo­tives ». Mais il serait con qu’ils res­tent seuls en avant. Ça m’étonnerait qu’ils aient envie d’être iso­lés aux com­mandes ; je pense qu’ils sol­li­citent notre par­ti­ci­pa­tion à tous.

« Anar­chisme et Non-Vio­lence » comme titre ça m’allait. Les deux pôles de recherche res­tent valables pour moi ; ce sont en quelque sorte deux a prio­ri éthiques, oui ! ou plu­tôt deux hypo­thèses de tra­vail qui n’ont nul­le­ment été épui­sées en trente numé­ros. Je ne par­tage par le triom­pha­lisme de cer­tains : s’il y a une réus­site ANV, elle est due à quelques idées et à beau­coup de tra­vail. Je suis esto­ma­qué par la pré­ten­due sté­ri­li­té d’autres copains : je dis qu’il y a de la paresse, un manque d’imagination, un manque de temps… Mais je ne suis pas dans la peau des autres !

Je croyais que tout était pos­sible dans le cadre ANV. Il semble que non, on peut s’y sen­tir à l’étroit. Alors, en avant ! fai­sons sau­ter le cadre, il y en a deux qui ont peut-être trou­vé la voie pour avancer…

Dans le nou­veau… dans la nou­velle… struc­ture, sous le nou­veau titre, je sou­haite res­ter moi-même. Il s’agit moins pour moi de prendre une direc­tion nou­velle que de déblo­quer la situa­tion pour que les autres puissent conti­nuer. Il s’agit de modi­fier, de fond en comble peut-être, la « mai­son » pour que tous puissent y vivre, mais atten­tion, nous n’y habi­tons pas au même niveau, nous n’y avons pas la même prise de conscience. Ce que je reven­dique pour moi et pour cha­cun c’est d’y vivre à son rythme propre…

Mais où veulent en venir Yearl et Sloane ?

J’avance qu’ils tentent de sor­tir au clair quelque chose de confus au niveau du groupe et déjà impli­cite au stade actuel pour quelques-uns ; nous sommes à la recherche d’une méthode d’analyse des phé­no­mènes sociaux et cette méthode il semble bien qu’il faille l’appeler mar­xiste. Encore fau­dra-t-il bien se com­prendre, s’expliquer, appro­fon­dir, nuan­cer. Je ne pense pas qu’il y ait d’a prio­ri abso­lu contre ce pro­jet dans le groupe si on ne met pas de côté le cor­rec­tif néces­saire : le sens de la liber­té, la valeur en soi de la liberté.

Mais je m’avance… qu’en est-il réel­le­ment de tout ça ? Je pense à tous ceux qui ne diront rien, n’écriront rien… Bôf !

Ave­rell Dalton

(15 sep­tembre 1972 )


Les extraits de lettres me confirment :

1. qu’un cer­tain nombre de faits et de choses m’échappent parce que vous par­lez entre gens qui se connaissent, ont une expé­rience et une his­toire en commun ;

2. que nous sommes tous assez dif­fé­rents et que je ne pour­rais semble-t-il m’identifier à ceux qui s’expriment, ce qui est, sans doute, plu­tôt réjouissant.

Il me semble aus­si que pas grand-chose ne sor­ti­ra d’un débat polé­mique (style bien connu de beau­coup d’entre nous et que nous sou­hai­tons voir tom­ber à plat, au fond). La théo­rie sans pra­tique me semble pis que vaine, certes. La diver­si­té et la dis­tance font pro­ba­ble­ment que la pra­tique semble par­fois loin dans la revue, et ne donne pas le mini­mum de vie et de réflexion com­mune néces­saire. Il me semble que se voir en congé et quatre à cinq fois par an, ou se voir tous les jours, c’est géné­ra­le­ment… pas assez. Une revue de « recherches », non. Il faut d’abord qu’on vive.

La théo­rie de Had­dock sur la non-vio­lence me sur­prend. Elle ne me semble pas d’ailleurs très cohé­rente. Pour moi, ce que, bien ou mal, on nomme non-vio­lence, ou cherche ain­si, est dans la logique même de l’anarchisme et vice ver­sa. Que ça vienne de la bour­geoi­sie, comme tant d’autres choses par elle récu­pé­rées mais sen­ties par ou à tra­vers elle ou mal­gré mais à son pro­pos, ne veut rien dire quant à l’intérêt, la valeur de cette attitude.

Que la vio­lence mili­taire révo­lu­tion­naire soit ou vain­cue ou kid­nap­pée ou les deux et n’ait guère logi­que­ment d’autre issue, je le pense et crois le voir de temps en temps. À part, bien sûr, échap­pée, faille, illo­gisme tou­jours, heu­reu­se­ment ! possible.

L’anarchisme m’importe beau­coup, parce que je n’ai jamais trou­vé jusqu’ici, sous forme cohé­rente, ferme, chaude, un milieu de réflexion, l’action aus­si ouvert, pour qui « ni Dieu ni maître » et une fra­ter­ni­té incon­tes­table aillent si bien ensemble.

Autre­ment dit, le titre de la revue ne me titille pas. Il y a tou­jours des gens pour nous enfer­mer et nous dire ce que nous devrions être (mais nous savons que nous ne le sommes pas). Autre­ment dit, ANV c’est effec­ti­ve­ment deux pôles, mais non dans le sens de pôles contraires. J’aimerais que vous pré­ci­siez ce que vous appe­lez mar­xisme. Je pense qu’aucune ana­lyse de ce genre-là ne peut se situer logi­que­ment par rap­port à ces deux pôles qui sup­posent, à la base et au fond, la créa­tion comme dyna­mique. Créa­tion de rap­ports humains sur tous les plans, sans que le plan dit « maté­riel » par les maté­ria­listes et les idéa­listes soit si déter­mi­nant qu’on le dit. Créa­tion de mode d’amour, comme de production.

Cala­mi­ty Jane

(3 octobre 1972)


Il est donc évident que nous sommes quelques-uns à recon­naître un « malaise pro­fond du groupe » (je ne sais si cer­tains pensent le contraire). Il est tout aus­si évident que je ne pose pas notre texte comme la base infaillible et pro­vi­den­tielle pour résoudre la « crise », ni ne veut pro­phé­ti­ser de chute, de déchéance, de dis­so­lu­tion, etc. (ni même mon dés­in­té­rêt total) si nous ne sommes pas suivis.

Sloane et moi, nous sommes retrou­vés, de par notre évo­lu­tion, de plus en plus mar­gi­naux et cela même en dehors du mau­vais fonc­tion­ne­ment (auquel pas plus que d’autres nous ne sommes étran­gers), mais il est vrai avec de grosses contra­dic­tions dues à nos res­pon­sa­bi­li­tés dans le groupe et la revue. Cette mar­gi­na­li­té n’est pas tout à fait récente, et je pen­sais que l’évolution d’autres copains aidant nous arri­ve­rions à une cla­ri­fi­ca­tion néces­saire sans for­cé­ment mettre les pieds dans le plat aus­si bru­ta­le­ment. (J’avais déjà deman­dé briè­ve­ment et sans insis­ter la remise en cause du titre ANV au cam­ping de 1970.) Et peut-être aurions-nous atten­du encore sans une dis­cus­sion un peu âpre à Paris avec Had­dock et Averell.

Ce n’est pas une prise de posi­tion tout ou rien, sinon nous aurions pu par­tir en cla­quant la porte ou sans la cla­quer, et même sans texte. Notre ini­tia­tive est donc une ten­ta­tive pour sor­tir de la mar­gi­na­li­té camou­flée et ne plus nous trou­ver en porte-à-faux par rap­port à la base théo­rique sous-enten­due qu’impliquait ANV, qui s’est modi­fiée et/​ou que nous vou­lons modi­fier. Mais ceci dit, je ne tiens pas à rédi­ger une « plate-forme théo­rique » sans dis­cus­sion préa­lable (de tous) qu’on n’aurait plus qu’à accep­ter ou à rejeter.

En ce qui concerne le titre, par réac­tion immé­diate, je suis mal à l’aise dès que je me trouve pla­cé comme anar­chiste et/​ou non-violent ; et ce n’est pas pos­sible de se for­cer à faire comme si (bien que ça me soit arri­vé). En consé­quence, à terme, je n’accepte plus cette « cou­ver­ture », Mais il est bien évident que nous n’avons à trom­per per­sonne sur notre che­mi­ne­ment (ori­gine) et que si nous employons un autre titre il fau­dra y mettre une réfé­rence à ANV.

Non-violence

Notre démarche a été par trop de cher­cher des exemples, des illus­tra­tions d’actions non vio­lentes dans le pas­sé et le pré­sent d’en faire une ana­lyse (posi­tive) tout en y rele­vant cer­tains échecs (mais peu fina­le­ment) d’une part, et d’autre part d’avoir ten­dance à pro­po­ser ou à cher­cher des voies, des actions non vio­lentes à cer­taines reven­di­ca­tions et mou­ve­ments sociaux : qu’aurait-on fait en tant que non-violent…?

De cette façon, nous avons limi­té notre champ d’analyse au paci­fisme et à cer­tains mou­ve­ments de libé­ra­tion d’opprimés (eth­nique ou colo­niale) et nous avons buté contre les mou­ve­ments de reven­di­ca­tion éco­no­mique, par exemple, bien qu’y ayant trou­vé cer­taines formes non vio­lentes (cf. les grèves de la faim). Ceci était peut-être une néces­si­té dans la démarche du groupe pen­dant toute une période, qui me semble révo­lue (je ne veux aucu­ne­ment faire de reproche au pas­sé). Nous devrions faire l’analyse de façon plus glo­bale des divers mou­ve­ments de la réa­li­té qui nous entoure et de tous leurs com­po­sants (éco­no­miques, sociaux, cultu­rels, idéo­lo­giques…) sans nous lais­ser diri­ger par l’optique non vio­lente (point de salut hors de la non-violence).

Anarchisme

Si on peut trou­ver émi­nem­ment sym­pa­thique le mou­ve­ment anar­chiste (avec des nuances), il faut recon­naître que nous en avons peu par­lé dans le groupe et sur­tout fort peu fait l’analyse, puisque cette recon­nais­sance de filia­tion sem­blait aller de soi pour tous, bien que nous nous tenions à l’écart des divers groupes et de leurs diver­gences (sans par­ler de leurs querelles).

Quel est l’état actuel du mou­ve­ment anar­chiste ? Nous sen­tons-nous par­tie pre­nante de ce mou­ve­ment ? Pour ma part, sans en reje­ter les apports (notam­ment sur les rap­ports de l’individu et de l’organisation sociale), ce serait un rétré­cis­se­ment de notre « base théo­rique » d’analyse.

Si mes réfé­rences actuelles vont plus au com­mu­nisme de conseils et à l’ultra-gauche mar­xiste qu’aux théo­ri­ciens anars, je ne tiens pas à rem­pla­cer une éti­quette par une autre sou­le­vant les mêmes objec­tions. Nous devons pui­ser les élé­ments de notre réflexion et de notre action à toutes les sources nécessaires.

Pour la suite de ce débat, nous atten­dons une prise de posi­tion mini­male de cha­cun et pour­sui­vons la confron­ta­tion par écrit (et par dis­cus­sion en petits groupes selon les occa­sions). Il est évident qu’après un cer­tain mûris­se­ment, une assem­blée géné­rale de tous les copains s’imposera, à la suite de laquelle nous pour­rions envi­sa­ger de nous expli­quer devant nos lec­teurs (peut-être le numé­ro 1 d’une nou­velle revue?).

Pour notre tra­vail futur, je pense que nous avons déjà des élé­ments : « Ecoute cama­rade », et le texte sur la grève [[ANV, n° 32.]]. Il nous reste à recher­cher un pro­ces­sus cohé­rent de réflexion et de dis­cus­sion (par thèmes?) non seule­ment en vue d’une publi­ca­tion mais éga­le­ment en vue de notre éla­bo­ra­tion théo­rique et pra­tique en tant que groupe.

Yearl de Mars

(fin octobre 1972 )


Le pré­sent texte est consti­tué de deux volets : tout d’abord des élé­ments de réponse aux pre­mières réac­tions de copains, qui por­te­ront tout par­ti­cu­liè­re­ment sur la struc­ture du groupe et son conte­nu ; en second lieu, j’ai vou­lu avan­cer une cri­tique som­maire des options fon­da­men­tales du groupe et ten­ter de défi­nir ma posi­tion actuelle.

Le titre

Je veux éli­mi­ner ce point avant tous les autres parce que c’est celui qui a été le moins bien com­pris. Oui, pour Yearl et pour moi le titre est un car­can, mais nous n’avons pas pour autant le sen­ti­ment d’adopter une atti­tude féti­chiste. Qu’on le veuille ou non, le titre est un moyen de com­mu­ni­ca­tion tout comme la revue dans son ensemble (conte­nu, pré­sen­ta­tion); il est notre carte de visite col­lec­tive et, par moments, indi­vi­duelle. Ne me recon­nais­sant plus dans ce label, j’ai le choix entre deux atti­tudes : taire mon appar­te­nance ou me démar­quer conti­nuel­le­ment des posi­tions du groupe. Ni l’une ni l’autre de ces atti­tudes ne me convient.

Ceci dit, ne pre­nons pas la par­tie pour le tout ; la for­mu­la­tion de notre pétard était peut-être mal­adroite, mais nous ne pou­vions pas nous bor­ner à deman­der la sup­pres­sion de l’étiquette sans réexa­mi­ner au moins notre situa­tion à tous deux dans le groupe, et si nous n’avons pas choi­si de par­tir c’est aus­si, comme le dit fort jus­te­ment Ave­rell, parce que nous vou­lons ten­ter « de sor­tir au clair quelque chose de confus au niveau du groupe et déjà impli­cite au stade actuel pour quelques-uns…»

Ce que nous sommes…

Aus­si bien Had­dock que Cor­to ou Ave­rell sont d’accord avec nous sur le diag­nos­tic de « blo­cage col­lec­tif » et je ne vois pas com­ment on eût pu être en désac­cord sur ce point ; s’il en était besoin, les der­nière ren­contres confir­me­raient notre opi­nion. Là où nous diver­geons, c’est dans l’analyse de ce blo­cage. Nous (Yearl et moi) n’y voyons plus essen­tiel­le­ment un malaise ayant pour ori­gine l’absence ou l’inadéquation des méthodes de tra­vail, mais aus­si une limi­ta­tion due aux « hypo­thèses de tra­vail » ori­gi­nelles, l’anarchisme et la non-vio­lence. Je ne conteste pas que nous soyons par­mi les plus sen­sibles aux limi­ta­tions impo­sées par ce cadre, mais je constate aus­si une mise en som­meil de la réflexion dyna­mique sur la non-vio­lence par exemple. D’où cela pro­vient-il ? Est-ce uni­que­ment une ques­tion de paresse, de manque d’imagination ou de temps ? À la relec­ture de cer­tains numé­ros de la revue (les pre­miers en par­ti­cu­lier, et les der­niers), j’ai eu le sen­ti­ment très clair qu’un res­sort s’était bri­sé entre-temps ; une impres­sion d’effilochement s’impose au lec­teur atten­tif. Un sen­ti­ment d’échec dans la réflexion, ou même un cer­tain dés­in­té­rêt auraient-ils fait pas­ser la pré­oc­cu­pa­tion non vio­lente ou second plan ?

De cette obser­va­tion, et par­tant d’une évo­lu­tion qui est com­mune à quelques-uns d’entre nous, est issue la convic­tion de la néces­si­té de réac­ti­ver le groupe sous peine de le voir se réduire à l’état de sur­vie à plus ou moins long terme. La revue pour­rait conti­nuer ; les exemples de publi­ca­tions main­te­nues à bout de bras des années durant par quelques-uns sont mul­tiples autour de nous.

… Ce que nous voulons

Je ne veux pas par­ler de la « néces­si­té his­to­rique » de l’évolution que nous pro­po­sons, d’autres auraient pu choi­sir de réim­pul­ser la réflexion dans un sens plus non violent, plus anar­chiste ou plus acti­viste et y réus­sir. En ce qui me concerne, je suis influen­cé, tout comme Had­dock, par le cou­rant com­mu­niste de conseils et je désire sim­ple­ment sup­pri­mer les obs­tacles à notre réflexion après avoir pro­vo­qué un pro­ces­sus de cla­ri­fi­ca­tion de nos options respectives.

Mais qu’est-ce alors, sinon une révi­sion fon­da­men­tale, que la sup­pres­sion de la spé­ci­fi­ci­té du groupe et de la revue — car c’est bien cela que signi­fie l’ouverture —, même sans nier la pos­si­bi­li­té pour cha­cun de pour­suivre sa recherche anté­rieure ? Car il est bien évi­dem­ment exclu que nous nous sen­tions à l’aise dans le groupe au prix de l’étouffement d’autres copains. S’il est vrai que je ne me recon­nais plus ni dans l’étiquette anar­chiste ni dans l’étiquette non vio­lente, je ne veux pas pour autant leur sub­sti­tuer une idéo­lo­gie de rechange.

Sur les problèmes posés par la transformation

Il est cer­tain, en admet­tant la réus­site (?) du pro­ces­sus de cla­ri­fi­ca­tion, que tous les pro­blèmes ne seront pas réso­lus comme par enchan­te­ment : sur ce point, je rejoins tout à fait Ave­rell. Il est non moins cer­tain que ni Yearl ni moi n’avons l’intention ou l’envie de nous retrou­ver « seul aux commandes ».

En se fon­dant sur le dyna­misme actuel du groupe, il y a tout lieu d’être pes­si­miste et de voir dans notre entre­prise les der­niers sur­sauts d’un corps à l’agonie plu­tôt que les symp­tômes d’une renais­sance. On peut tou­jours espé­rer l’afflux de sang nou­veau, mais ça… Nous nous retrou­vons donc confron­tés au pro­blème de la par­ti­ci­pa­tion de cha­cun à l’élaboration théo­ri­co-pra­tique du groupe [[Voir les pro­blèmes déjà posés dans le n° 24, pp. 12 et 13.]].

Sur la théorie et la pratique du groupe

Il semble qu’il y ait eu une incom­pré­hen­sion au sujet de la cohé­sion du groupe, à la suite de notre pre­mier texte. Nous ne sommes pas aus­si naïfs que Had­dock veut bien le croire ; nous par­lions de « poten­tiel de cohé­sion » et non de cohé­sion effec­tive. Had­dock dit à juste titre que « ce qui nous a ras­sem­blé au départ est une pra­tique et une réflexion sur cette pra­tique », nous sommes bien d’accord là-des­sus, mais il dit aus­si plus loin que « notre cohé­sion tant van­tée n’est qu’un mythe, un réflexe, pour tout dire, elle est éven­tée », et c’est ce que j’incline à croire. Notre poten­tiel de cohé­sion repose sur un pas­sé com­mun, nous sommes issus d’engagements simi­laires, mais nous ne sau­rions nous accep­ter en tant que groupe de pen­seurs ou d’activistes à la retraite que je sache. Ce qui nous main­tient ensemble depuis un cer­tain temps — la revue mise à part — c’est très cer­tai­ne­ment notre pas­sé com­mun et les « rela­tions affi­ni­taires qui se sont créées entre les indi­vi­dus ». Quant au « crible », il est valable pour les « vieux », qu’en est-il pour les copains arri­vés plus récemment ?

Pour­tant il nous fau­dra bien sub­sti­tuer quelque chose à ce qui nous liait ori­gi­nel­le­ment. Assu­mer plei­ne­ment notre rôle de groupe-car­re­four de réflexion — ce que nous sommes déjà — ne serait-il pas pré­fé­rable ? et sur­tout ne nous fai­sons pas par avance une mon­tagne des requins de la théo­rie qui vien­dront nous man­ger tout crus !

Et l’action qu’elle est-elle ? Pas les p’tites manifs, nous n’en sommes plus là. Pour ma part, je ne connais per­sonne dans le groupe qui vive au milieu de ses bou­quins sans être impli­qué dans une lutte quel­conque dans sa boîte, sa ville, un groupe d’action, ou qui ne soit enga­gé dans une expé­rience de col­lec­ti­vi­té de vie. Le pro­jet de la réa­li­sa­tion de la vie quo­ti­dienne, c’est aus­si la lutte, l’analyse et la cri­tique de tous les aspects de l’aliénation.

Mais je ne nie pas pour autant l’importance de la dua­li­té théo­rie-pra­tique, ce peut être une ques­tion à débattre ultérieurement.

La non-violence

La plu­part des copains qui ont créé le groupe en 1965 étaient issus de la tra­di­tion anar­chiste et tous ceux qui sont arri­vés dans les pre­mières années avaient ou avaient eu une pra­tique non vio­lente effec­tive. Le but que s’étaient alors assi­gné le groupe et la revue était de « s’efforcer par la pra­tique d’une méthode ori­gi­nale, la non-vio­lence, de tendre vers un but, l’anarchisme, sans pour autant s’empêtrer dans les contra­dic­tions habi­tuelles » (« Points de repère », ANV 8). Très vite, toute l’attention s’est natu­rel­le­ment por­tée sur la non-vio­lence qui était le thème le plus « neuf » pour nous ; le but impli­cite dans un pre­mier temps fut de déga­ger la non-vio­lence de sa gangue reli­gieuse et, plus avant dans la réflexion, de dépas­ser le cadre stric­te­ment pacifiste.

Je constate à l’évidence que nous sommes tou­jours empê­trés dans le paci­fisme et l’objection de conscience et que les diverses ten­ta­tives d’appréhender la réa­li­té plus glo­ba­le­ment se font d’une façon sépa­rée, c’est-à-dire sans que l’acquis de la réflexion sur la non-vio­lence y joue un grand rôle. Je résu­me­rais cette atti­tude par la for­mule « d’une part, d’autre part », qui n’établit aucun lien pro­fond entre nos deux champs de réflexion.

Cepen­dant, nous ne pou­vons sup­por­ter une telle cou­pure dans notre pen­sée ; notre aspi­ra­tion à une réflexion uni­taire nous amène donc à pla­quer des méthodes for­mel­le­ment non vio­lentes sur des situa­tions réelles ou à déce­ler des actions for­mel­le­ment non vio­lentes dans cer­tains mou­ve­ments sociaux. La pre­mière ten­dance se résume à dire : « Qu’aurait-on pu faire si…?» sans se sou­cier des carac­té­ris­tiques propres à la lutte (niveau de conscience, rap­port de forces, etc.); la seconde est illus­trée par la volon­té de voir dans les « trucs » non vio­lents uti­li­sés (grèves de la faim, sit-in) un signe d’évolution vers la non-vio­lence et ce, dans quelque contexte qu’ils se trouvent.

Je ne nie pas que cette dis­so­cia­tion soit due prin­ci­pa­le­ment aux maté­riaux qui sont à notre dis­po­si­tion, les uns trai­tant stric­te­ment de la non-vio­lence, les autres de la « révo­lu­tion » et des phé­no­mènes sociaux ; il est tou­jours dif­fi­cile d’innover et la syn­thèse de nos deux options s’est avé­rée par­ti­cu­liè­re­ment dif­fi­cile dans un mou­ve­ment révo­lu­tion­naire où la tra­di­tion est encore lourde de conséquences.

Violence – non-violence

Au stade actuel de ma recherche, l’opposition vio­lence — non-vio­lence me semble plus que jamais à rejeter.

L’option non vio­lente m’apparaît comme un choix moral qui découle, même de façon fort éloi­gnée, d’un refus de la vio­lence quel que puisse être son rôle his­to­rique ; de là peut pro­ve­nir ce pen­chant à abso­lu­ti­ser l’attitude non vio­lente. Le pro­blème de la fin et des moyens ne vient s’ajouter à cet aprio­risme qu’à titre d’argument ration­nel en négli­geant le pro­ces­sus des­truc­tion-créa­tion inhé­rent à la vio­lence. Sur ce point, il fau­drait relire l’article de Furth (ANV 25) qui met en relief l’aspect cathar­tique de la vio­lence, encore que sa concep­tion soit un peu « lit­té­raire ». L’introduction du n° 29 ne posait-elle pas la ques­tion de savoir s’il n’existerait pas une radi­ca­li­sa­tion inhé­rente à la vio­lence qui serait sans équi­valent dans l’action non vio­lente ? Mais là encore il ne s’agit pas de faire l’apologie de la vio­lence puri­fi­ca­trice et Marie Mar­tin remar­quait dans sa réponse à Furth (ANV 26) que « ce sont ses uti­li­sa­teurs (de la vio­lence) qui la font ces­ser ou l’orientent vers des fins précises ».

C’est pour­quoi j’opposerais à un strict volon­ta­risme non violent une atti­tude plus souple qui consiste à adap­ter les moyens au but pro­po­sé et en fonc­tion de l’analyse de la situa­tion (oppor­tu­ni­té, rap­port de forces). Aucune méthode n’est à reje­ter par avance et l’on peut envi­sa­ger de pas­ser suc­ces­si­ve­ment à des tac­tiques « vio­lentes » et « non vio­lentes » dans le cours d’une même lutte.

Seule une uti­li­sa­tion souple de toutes les méthodes d’action per­met­tra au mou­ve­ment ouvrier révo­lu­tion­naire de pro­gres­ser et c’est bien cette conscience confuse des masses qui nous a per­mis d’assister à une recru­des­cence des grèves de la faim dans les luttes ouvrières par exemple.

Sur la militarisation

Il fau­drait démy­thi­fier l’idée d’une non-vio­lence « irré­cu­pé­rable ». À mon sens, il n’est pas de moyen liber­taire en soi et la non-vio­lence comme toute autre arme peut être détour­née de son but par ses uti­li­sa­teurs ou par la rou­tine qui s’instaure dans les rangs de ses par­ti­sans. De plus il faut être conscient que quels que soient nos buts et nos méthodes, tout peut être récu­pé­ré par le sys­tème ou par les appa­reils qui ont pour pro­jet de le per­pé­tuer même sous une autre forme.

L’organisation mili­taire de la vio­lence est un exemple fré­quent dans tout mou­ve­ment qui dépasse l’affrontement de rue spo­ra­dique ; on l’a vue en Espagne et en Rus­sie où l’on a fait lar­ge­ment appel aux spé­cia­listes de l’art mili­taire qui appli­quaient les vieilles for­mules héri­tées du pas­sé. Mais une non-vio­lence de masse, peut, elle aus­si, impli­quer une cer­taine mili­ta­ri­sa­tion. Même en fai­sant abs­trac­tion de la fas­ci­na­tion qu’exerce sur cer­tains l’efficacité mili­taire, on peut dire que tout mou­ve­ment d’une cer­taine ampleur amène la réap­pa­ri­tion de phé­no­mènes comme le sui­visme et, par­tant, l’autorité, la hié­rar­chie, l’absence de res­pon­sa­bi­li­té indi­vi­duelle. Si des struc­tures don­nées sécrètent inévi­ta­ble­ment cer­tains com­por­te­ments indi­vi­duels et col­lec­tifs, nous ne devons pas pour autant négli­ger le rôle de l’esprit qui anime les « cata­ly­seurs » et les par­ti­ci­pants des mou­ve­ments de masse. C’est lui qui, en défi­ni­tive, entraî­ne­ra le mou­ve­ment sur le ter­rain liber­taire ou autoritaire.

Dire que la non-vio­lence per­met d’éviter les consé­quences auto­ri­taires de la vio­lence est un leurre. On ne peut dis­so­cier l’arme du bras qui la dirige. Il nous fau­dra donc tou­jours resi­tuer la méthode employée dans le contexte du moment en tenant compte de l’esprit et du but de ses uti­li­sa­teurs, sans pour autant négli­ger les consé­quences inévi­tables de l’action en elle-même.

L’anarchisme

J’éprouve bien des dif­fi­cul­tés à par­ler de l’anarchisme d’ANV en tant que col­lec­tif. Si pour la non-vio­lence une concep­tion géné­rale peut être faci­le­ment cer­née, il n’en est pas de même pour l’anarchisme. Certes, on peut bien dénom­brer une quin­zaine d’articles sur ce thème en trente numé­ros (plus les dos­siers « Leval » et « Noir et Rouge »); mais on n’a pas l’impression de syn­thèse pro­gres­sive au cours des années. C’est un anar­chisme impli­cite qui trans­pa­raît dans les textes et il ne me semble pas qu’il y ait eu confron­ta­tion réelle entre les divers anar­chismes indi­vi­duels. Je veux reve­nir briè­ve­ment sur cette atti­tude qui se rame­nait en fait à accep­ter les don­nées fon­da­men­tales de l’anarchisme sans pous­ser trop loin l’étude de nos diver­gences. Plu­sieurs rai­sons me viennent à l’esprit, je les livre en bloc :

1. La dif­fi­cul­té de tra­vailler sur l’anarchisme pour toutes les rai­sons que l’on peut ima­gi­ner y com­pris la paresse. Il suf­fit de citer la ten­ta­tive avor­tée d’étude sur le mou­ve­ment anar­chiste (1968) dont sont issus les dos­siers « Leval » et « Noir et Rouge » pré­cé­dem­ment cités.

2. L’arrivée de copains venant des milieux paci­fistes et de l’objection qui « se sen­taient » anars, mais qui n’y connais­saient pas grand-chose. Ceux-ci ont conti­nué leur recherche non vio­lente en tou­chant un peu à l’anarchisme (c’est mon cas). Leur culture anar s’est faite plus à par­tir de dis­cus­sions indi­vi­duelles que par la recherche du groupe à cette époque. Il ne faut pour­tant pas pas­ser sous silence l’apport du numé­ro 6 dans ce domaine.

3. La prio­ri­té accor­dée à la non-vio­lence a fait pas­ser au second plan la recherche pro­pre­ment anar. Les « fon­da­teurs » avaient tous plus ou moins un pas­sé anar et res­sen­taient le besoin d’approfondir la non-violence.

4. Il est pos­sible que, face au spec­tacle de la « famille anar » déchi­rée en mul­tiples ten­dances et de ce fait condam­née à la sté­ri­li­té et à l’immobilisme, taire nos diver­gences ait pu être res­sen­ti incons­ciem­ment comme une manière de sau­ve­gar­der l’unité et par consé­quent de pou­voir avancer.

Tou­jours est-il que si un effort a été fait dès le début pour resi­tuer la non-vio­lence dans le cadre anar­chiste, pour l’imposer comme force sous-jacente à ce cou­rant de pen­sée (ce qui cor­res­pond à une phase d’affirmation de soi), jamais on n’assiste à une syn­thèse dyna­mique. Je parle bien enten­du du col­lec­tif et cela ne sau­rait signi­fier que les indi­vi­dus n’ont pas appro­fon­di leur recherche en ce domaine.

Le mouvement anar et la théorie

L’anarchisme en tant que mou­ve­ment his­to­rique est mori­bond. Ses repré­sen­tants offi­ciels semblent voués à la répé­ti­tion de cli­chés idéo­lo­giques, quant aux variantes plus jeunes du com­mu­nisme liber­taire (ORA, OCL), elles s’enlisent dans un néo-léni­nisme qui ne veut pas dire son nom. Mais le pro­blème du cen­tra­lisme n’est pas le fait exclu­sif de ces groupes. En der­nier res­sort, c’est le type d’intervention adop­té par l’organisation qui déter­mi­ne­ra sa struc­ture ; il est pro­bable que c’est une des rai­sons pour les­quelles on assiste à une conver­gence de l’ORÀ et de cer­tains groupes léni­nistes dans leurs modes d’intervention et, par voie de consé­quence, dans leurs sché­mas orga­ni­sa­tion­nels. L’entreprise des cama­rades de la TAC (par­ti­ci­pa­tion aux Centres d’initiative com­mu­niste), quoique digne d’intérêt, paraît limi­tée dans la mesure où les CIC sont vic­times jusqu’à pré­sent de la pré­do­mi­nance dans leurs rangs des dis­si­dents du PCF. Leur pra­tique s’affirme comme une « réponse » coup pour coup à celle du Par­ti (les comi­tés de lutte pour le socia­lisme des CIC fai­sant pen­dant aux comi­tés d’union popu­laire du PCF, par exemple) et on peut craindre qu’ils ne cherchent à « prendre leur place » à ses côtés. Pour­tant leur démarche dif­fère pro­fon­dé­ment de celle d’autres groupes en par­ti­cu­lier dans leur éva­lua­tion du rôle des anar­chistes dans le « mou­ve­ment révo­lu­tion­naire », la TAC se recon­nais­sant comme par­tie inté­grante de ce mou­ve­ment. Les dégoû­tés de la FA, pour leur part, ont toutes les chances de retom­ber dans les ornières de cette der­nière mal­gré tous les orga­ni­grammes ten­dant à évi­ter la bureau­cra­ti­sa­tion et le leaderisme.

On peut dire sans trop se trom­per que l’une des causes majeures de ce dépé­ris­se­ment est l’incapacité de l’anarchisme à éla­bo­rer une ana­lyse éco­no­mique cohé­rente qui a ame­né cer­tains à uti­li­ser des élé­ments d’analyse mar­xiste. En se can­ton­nant à une rhé­to­rique brillante, à une cri­tique pro­fon­dé­ment « sen­tie », qui part des tripes, il a revê­tu l’apparence d’une théo­rie sédui­sante certes, mais qui demeure figée dans la pen­sée des grands ancêtres, sans grande prise sur la réa­li­té moderne.

Ce qui n’est pas mort en revanche c’est l’intuition anar­chiste. Alain Guillerm, dans son intro­duc­tion aux « Pro­grammes socia­listes » (Spar­ta­cus 42B), consta­tait « la conver­gence pra­tique du mar­xisme et du bakou­ni­nisme… (avec la résur­gence de l’autogestion, des conseils ouvriers)». Cer­tains aspects de la pen­sée anar­chiste enri­chissent sans aucun doute l’analyse mar­xiste — qu’il n’est pas ques­tion de prendre en bloc, elle non plus — et lui apportent une dimen­sion humaine. L’intérêt de l’anarchisme réside dans son insis­tance sur la valeur de la liber­té et sur la réa­li­sa­tion indi­vi­duelle. Mais n’est-ce pas le propre du cou­rant situa­tion­niste d’avoir su allier ces points pri­mor­diaux à une ana­lyse socio-éco­no­mique de type mar­xiste consi­dé­ra­ble­ment actua­li­sée ? Chez eux aucun aspect du mou­ve­ment anar­chiste his­to­rique n’est reje­té à prio­ri, pas même le déses­poir indi­vi­dua­liste (cf. Vanei­gem), mais il est pas­sé au crible de leur cri­tique, au même titre que le mar­xisme his­to­rique (cf. « la Socié­té du spec­tacle », thèses 91 à 94 en par­ti­cu­lier). C’est là une démarche exempte de sec­ta­risme (dans la recherche!) qui part d’une volon­té de voir clair autour de soi et de trou­ver les moyens de lutte adé­quats. Le but que nous devons nous assi­gner tient à ce pro­jet et pour ce faire nous devons prendre nos armes là où elles se trouvent.

En ce qui me concerne, ma recherche est plus influen­cée par le com­mu­nisme de conseils que par l’anarchisme, mais je ne lui nie pas tout inté­rêt, loin de là. Avant tout, je suis prêt à pui­ser les élé­ments de ma réflexion sous quelque éti­quette qu’ils se pré­sentent. Compte tenu de mon évo­lu­tion, le label anar­chiste me semble res­tric­tif et son adop­tion ne pour­rait pro­ve­nir que d’un besoin sus­pect de me clas­ser dans une « grande famille » idéologique.

Lone Sloane

(25 sep­tembre 1972 )


Il est indis­pen­sable d’opérer une cla­ri­fi­ca­tion. Cela nous per­met­tra peut-être de nous faire prendre conscience de notre inuti­li­té en tant qu’entité révo­lu­tion­naire (ANV, pas les indi­vi­dus), et nous per­met­tra de nous insé­rer — je le sou­haite — dans la réa­li­té quo­ti­dienne, bien que ce soit chiant.

Mais est-il besoin pour cela de pro­je­ter ses fan­tasmes sur le groupe ? Faut-il néces­sai­re­ment pla­quer ses propres contra­dic­tions au niveau d’un col­lec­tif d’édition comme ANV ? Je ne sais pas.

La démarche en cours actuel­le­ment me laisse mal à l’aise — c’était peut-être le but de Yearl et Sloane — parce que les inter­ro­ga­tions qui sont lan­cées risquent de décou­ra­ger toute nou­velle ten­ta­tive de dia­logue en se disant : cela ne vaut plus la peine, c’est fichu… Cela se situe pour moi au niveau d’un strict néga­ti­visme qui nous lais­se­ra tous sur notre faim.

Pour­tant, puisque crise il y a, per­çons l’abcès. Pour moi, ANV devrait conti­nuer. Le titre éclaire suf­fi­sam­ment la démarche théo­rique du groupe et laisse la porte ouverte à toutes les inter­pré­ta­tions. Mais le titre importe peu, le plus impor­tant se situe au niveau de la pra­tique sociale. Non pas qu’il y ait rup­ture entre la revue et l’engagement poli­tique. Le rôle d’ANV est très impor­tant. ANV se trouve être un pôle de réflexion et de com­mu­ni­ca­tion d’expériences pour un anar­chisme non dog­ma­tique, le seul qui reste après la dis­pa­ri­tion de « Noir et Rouge » (je connais insuf­fi­sam­ment le rôle de « Recherches liber­taires », cette publi­ca­tion ne par­ve­nant que très irré­gu­liè­re­ment à la bibliothèque).

Pour cette rai­son, je crois en l’indispensable néces­si­té de conti­nuer la revue, ne fût-ce que pour répondre aux inter­ro­ga­tions d’une nou­velle génération.

Du didac­tisme ?

Non, mais sim­ple­ment mettre à la por­tée de cha­cun notre expé­rience, nos réflexions, nos pro­po­si­tions de recherches nou­velles. « Pour l’anarchisme » fut une réus­site par­faite en ce domaine, et les der­niers numé­ros illus­trent par­fai­te­ment cette tendance.

ANV, des théoriciens en chambre ?

Ce n’est pas une fausse ques­tion. Effec­ti­ve­ment, c’est un risque. Pour­tant, les der­niers numé­ros ont répon­du à un cer­tain besoin, à une attente chez un public assez jeune.

Mais ne fau­drait-il pas plu­tôt dif­fé­ren­cier une bonne fois la forme et le fond. C’est dif­fi­cile, je sais. Il est logique, en effet, de remettre les idées en ques­tion, ou de s’interroger sur la néces­si­té de l’action col­lec­tive comme Yearl et Sloane. Mais la revue reste un outil indis­pen­sable pour la dif­fu­sion de ces idées-là, d’idées, de réflexions, de théo­ri­sa­tions en évo­lu­tion constante. Bien sûr, si on avait accès à d’autres média, TV, ciné­ma, presse quo­ti­dienne, ce serait dif­fé­rent. On pour­rait mettre l’outil ANV en ques­tion. Mais tel n’est pas notre chance. ANV-revue doit donc être pour­sui­vie, avec l’infrastructure tech­nique que cela implique : groupe, finan­ce­ment, soli­do…, non par mythe de la revue anar à tout prix, mais uni­que­ment parce que ce tra­vail cor­res­pond à la seule démarche pos­sible actuellement.

Mais com­pre­nez-moi bien, il ne s’agit nul­le­ment d’un repli, d’une cou­pure de la réa­li­té sociale pour réa­li­ser la revue. Et si je puis affir­mer ain­si ma mar­gi­na­li­té par rap­port aux pro­blèmes tech­niques de la revue, c’est dû à notre manque d’implication dans ces pro­blèmes tech­niques, notre seule res­pon­sa­bi­li­té ici se situant au niveau de la réa­li­sa­tion de la cou­ver­ture. Et c’est là que réside la par­ti­cu­la­ri­té d’ANV : la décen­tra­li­sa­tion des res­pon­sa­bi­li­tés. Mais peut-être que la coor­di­na­tion par le BI a été insuf­fi­sante ces der­niers temps.

Red Neck

(début octobre 1972 )

Réponse à Red Neck

Je remarque tout d’abord que Red Neck déclare qu’il n’est pas concer­né par notre ini­tia­tive. Je sup­pose donc qu’il reçoit avec la plus par­faite indif­fé­rence les papiers de copains qui tentent de faire le point sur leur évo­lu­tion et leur situa­tion dans le groupe et qui en tirent des conclu­sions pra­tiques. Or il n’en est rien ; Red Neck réagit, et vive­ment. Il accu­mule un cer­tain nombre d’assertions concer­nant notre ten­ta­tive : nous fan­tas­mons, nous pro­je­tons nos propres contra­dic­tions sur le groupe, notre entre­prise est néga­ti­viste. Tout cela fait beau­coup même pour les carac­té­riels qu’il croit voir en nous. Ceci n’est qu’un détail.

Je ne vois pas en quoi le pro­ces­sus en cours risque de « décou­ra­ger toute nou­velle ten­ta­tive de dia­logue », et de quelle nou­velle ten­ta­tive de dia­logue s’agit-il ? Notre texte mis à part, je ne vois aucune autre vel­léi­té concrète de réim­pul­ser ce dia­logue. Alors ? Qu’on ne nous jette pas à la gueule que nous vou­drions que tout le groupe épouse notre démarche, c’est faux. Devrions-nous nous taire et subir une orien­ta­tion qui n’est plus la nôtre de crainte d’être des élé­ments dis­sol­vants ? ou par­tir sans piper mot comme d’autres l’ont fait ?

Il n’a jamais été ques­tion de faire ou de ne pas faire ANV ; nous sou­met­tons notre évo­lu­tion au groupe et nous deman­dons un débat de cla­ri­fi­ca­tion, le chan­ge­ment de titre n’intervient que comme consé­quence de notre démarche.

Il n’est pas non plus ques­tion de sabor­der la revue et nous ne nous inter­ro­geons nul­le­ment sur la « néces­si­té de l’action col­lec­tive », ça pour­ra venir, mais ça n’est pas le cas. Je crains que Red Neck n’ait fait subir à notre texte une gros­sière distorsion.

Pas­sons aux choses sérieuses. ANV col­lec­tif d’édition ? Allons donc ! nous n’avons jamais été uni­que­ment cela et je sou­haite que nous ne soyons jamais exclu­si­ve­ment cela. Nous sommes un car­re­four de réflexions, et d’actions, quel­que­fois. L’édition n’est pas à reje­ter, loin de là, mais nous n’en avons jamais fait le centre de nos pré­oc­cu­pa­tions. Il est pos­sible que le rôle d’ANV soit per­çu comme tel de B…, c’est regret­table à mon avis.

Il semble pour­tant que ce rôle d’édition tienne une place consi­dé­rable dans l’esprit de Red Neck. J’ai l’impression qu’il pri­vi­lé­gie la notion « pour l’extérieur », ce qui n’est pas mon cas. Que « Pour l’anarchisme » ait été bien accueilli. C’est un bon texte de vul­ga­ri­sa­tion, pas grand-chose à voir avec l’«anarchisme » du groupe. C’est un bon texte de vul­ga­ri­sa­tion, mais on y trouve tous les anar­chismes et aucun en particulier.

À la réflexion, je me demande si Red Neck n’opérerait pas une dis­so­cia­tion entre la revue — qui serait en butte à nos attaques — et le groupe de tra­vail sur lequel nous ne por­te­rions que peu de cri­tiques. Si cette inter­pré­ta­tion est exacte, je veux le détrompe tout de suite ; en ce qui me concerne, la revue et le groupe forment un tout, l’une étant l’expression de l’autre. La revue ne sera donc jamais que le reflet du conte­nu et du tra­vail du groupe. En consé­quence, notre cri­tique porte sur les posi­tions et la situa­tion du groupe.

Lone Sloane

(22 octobre 1972)


Nou­veau venu à ANV, en rece­vant le texte de Yearl et Sloane je me suis sen­ti enga­gé et en même temps blo­qué. Répondre, mais quoi ?

Un texte cou­pé de son contexte n’a pas de sens. Dans le cas pré­sent, le contexte, c’est un groupe d’individus avec un pas­sé et, sur des points pré­cis, une expé­rience com­mune. Il y a ce que signi­fie le texte par lui-même et ce qu’il signi­fie pour le groupe. J’avoue qu’avant les réponses à Yearl et Sloane il m’était dif­fi­cile d’émettre une opi­nion. À pré­sent, cela m’est plus aisé.

À presque toutes les réunions d’ANV aux­quelles j’ai assis­té, j’ai res­sen­ti une sorte de contra­dic­tion entre le dyna­misme des indi­vi­dus et une sorte d’apathie, de vide, de malaise au niveau du groupe. Cela se tra­duit pour cer­tains par un refus de par­ler, pour d’autres cela consiste à évi­ter les pro­blèmes. Il y a aus­si ceux qui sont pré­sents (dis­po­nibles), mais qui s’abstiennent parce qu’ils n’ont pas de solu­tion à proposer.

Aus­si le texte de Yearl et Sloane a au moins le mérite d’ouvrir le débat. Main­te­nant, la crise d’ANV est-elle réel­le­ment d’ordre idéo­lo­gique ? S’il y a néces­si­té de cri­tères de réflexion com­muns, est-ce que ce que pro­posent Yearl et Sloane cor­res­pond à la fina­li­té d’ANV ? En fait qu’est ANV ? Quelle est sa nature propre et quelle est sa fonction ?

Je ne suis pas à même de répondre, mais je pense qu’ANV est riche tant par la diver­si­té des indi­vi­dus qui le com­posent que par la diver­si­té des expé­riences vécues. ANV souffre peut-être d’une contra­dic­tion entre des concep­tions mar­gi­nales (refus de consi­dé­rer les forces de la socié­té qui nous déter­minent) et un désir de théo­ri­sa­tion. La réflexion col­lec­tive en souffre cer­tai­ne­ment, mais cette oppo­si­tion existe tant à l’intérieur du groupe qu’à l’extérieur. Ten­ter de la dépas­ser, c’est peut-être ce qu’ANV a encore à appor­ter au cou­rant non violent.

En ce qui me concerne, j’éprouve la néces­si­té de bases théo­riques qui m’aident à trou­ver un com­por­te­ment cohé­rent. Ce que j’apprécie à ANV, c’est que jusqu’à pré­sent j’y ai trou­vé des élé­ments de réflexion sans contre­par­tie (c’est-à-dire sans obli­ga­tion d’adhésion à une idéologie).

Jesse James

(11 novembre 1972)


Je n’éprouve pour ma part aucun malaise, aucune pous­sée érup­tive, et aucune fièvre per­verse ne trouble ma séré­ni­té anar­cho-non vio­lente, vu que cette dua­li­té m’indiffère à un tel point que cela m’est labo­rieux de prendre la plume.

Je n’ai guère envie de m’insérer dans les dia­tribes en cours. J’ai d’autres chattes à caresser…

Je suis en com­mu­nion (quelle chance) avec l’initiative de Sloane et Yearl, je ne me sens pas pour autant concer­né par les inter­ro­ga­tions œdi­piennes sur le groupe ANV. Je sais que pour cer­tains la revue et son titre ont une impor­tance his­to­rique. Etant un ANViste de la der­nière heure, j’ai une vision tout autre.

Le débat à pro­pos du titre me paraît vain. L’image de marque qu’il repré­sente est illu­soire. C’est le conte­nu objec­tif qui imprime son sceau au titre.

Pour ma part, je ne par­ti­ci­pe­rai pas à des débats et palabres sans fin sur la néces­si­té d’une évo­lu­tion col­lec­tive du groupe. Si un rap­port de forces ne se fait pas, eh bien tant pis ! Sans fleurs ni couronnes.

Mais je consi­dère comme urgente une réflexion et une for­mu­la­tion en osmose avec une pra­tique qui me conduit à une étude appro­fon­die du mar­xisme comme méthode et non comme ins­ti­tu­tion. Une autre pré­oc­cu­pa­tion majeure m’apparaît essen­tielle : une meilleure connais­sance du capi­ta­lisme autre­ment que par des ana­lyses pré­con­çues, par­tielles, à la fois bâtardes du point de vue mar­xiste et illu­soires du point de vue anar.

Réflexion que Sloane et Yearl amorcent de façon inté­res­sante et ouverte. Je suis donc encore une fois en accord avec ce qui a été écrit… et pour ne pas paraître panurge, je dirai qu’à part quelques vir­gules et points (de détails), je suis la même démarche.

Abso­lu­ment d’accord itou sur les pro­po­si­tions pour les méthodes de tra­vail : exclu­sion des spec­ta­teurs et sympathisants-boulets.

En fin de compte les anars non vio­lents que nous disions être sont bien pas­sés par pré­ju­gé anti­marxiste à côté d’une for­mu­la­tion théo­rique embryon­naire certes, mais tota­le­ment nou­velle. « L’Anti-Dühring » (Engels) est une mine et bien des maigres réflexions sur la non-vio­lence n’atteignent la clar­té d’analyse de ce texte.

Nous avons tou­jours buté sur un pro­blème lin­guis­tique : la non-vio­lence est une vio­lence disions-nous. Pour­quoi ne pas intro­duire un néo­lo­gisme dans notre dis­cours ; je veux par­ler de la dif­fé­ren­cia­tion entre vio­lence et vio­lance. Peut-être cela sem­ble­ra-t-il trop intel­lec­tuel à cer­tains… pour­tant c’est une idée à appro­fon­dir. Il y a une double néces­si­té actuellement :

— Sor­tir des théo­ries figées et axio­ma­ti­sées du mar­xisme comme véri­té et de l’anarchisme comme parent pauvre et persécuté ;

— Réac­ti­ver des recherches théo­riques en liai­son avec des expé­riences des luttes, des actions mul­ti­formes et autonomes.

Pano­ra­mix

(11 novembre 1972 )


Contribution au débat

Je n’ai pas répon­du plus tôt pour des rai­sons per­son­nelles et par manque d’une cer­taine infor­ma­tion. Avoir vu quelques copains ces der­niers temps m’a éclair­ci les idées, ain­si que le débat que nous avons eu ici sur le ROC, que nous avons liqui­dé en tant que regrou­pe­ment informe et insi­pide de tous les objec­teurs, pour don­ner la prio­ri­té à des actions plus spé­ci­fiques, plus radi­cales, plus homo­gènes peut-être.

Le débat au sein d’ANV ne tombe pas en creux ; à bien y réflé­chir, je crois qu’il est posé dans les justes termes par Yearl et Sloane, sur­tout après leurs prises de posi­tion dans la deuxième livrai­son. Je vou­drais ici répondre sur le fond.

Le groupe, la revue

Il y a long­temps que nous res­sen­tons le malaise entre la néces­si­té de faire une revue, c’est-à-dire de tra­vailler, et l’envie de nous retrou­ver ensemble. Plu­sieurs rai­sons à ce malaise : l’hypothèque de l’anarchisme non violent (ou vice ver­sa) et le degré d’engagement variable des uns et des autres avec des anars ou des objec­teurs ; la vie de cha­cun et son évo­lu­tion théo­rique, qui sont dif­fi­ciles à com­mu­ni­quer quand on se voit deux ou trois fois par an ; la dif­fi­cul­té aus­si de défi­nir le groupe : qui c’est, ANV ?

Je vois effec­ti­ve­ment un blo­cage impor­tant dans le titre (mais qui sou­lève sans aucun doute des ques­tions de fond). C’est-à-dire : il me semble plus res­tric­tif qu’incitant à la réflexion. Certes les ama­teurs ne manquent pas ; mais je n’arrive pas à cou­vrir toute ma réflexion, toutes mes acti­vi­tés sous le cha­peau ANV. Quand j’étudie d’autres sujets, je suis sou­vent miti­gée entre le désir de com­mu­ni­quer ce que je pense et celui d’en exclure ANV.

Si nous arri­vons à mener une dis­cus­sion de fond, je sou­hai­te­rais pour la suite que la revue conti­nue sous un titre neutre. Pas seule­ment parce que la place de « Noir et Rouge » ou de « Recherches liber­taires » est à prendre, mais aus­si parce que nous avons des choses à dire et à éclair­cir, et que nous pour­rions ame­ner d’autres copains avec nous.

L’anarchisme, la non-violence

Mal­gré notre désir d’intégrer ces deux termes, nous sommes bien obli­gés d’en dis­cu­ter tour à tour : échec de notre ten­ta­tive ou manque de déno­mi­na­tion, ou encore incompatibilité ?

C’est le terme non-vio­lence qui me chi­cane le plus, à cause sur­tout de l’entreprise de mono­po­li­sa­tion que mènent les « Com­bat non violent », MIR et consorts. Je ne vois pas com­ment s’en dépê­trer ; je pré­fère aban­donner le qua­li­fi­ca­tif ou le mettre en veilleuse pour le res­sor­tir à un moment plus stra­té­gique. Parce que je crois qu’il faut tout faire contre l’embrigadement et l’enthousiasme pour la vio­lence qui renaissent dans les milieux de gauche ; mais ce ne sera pas en par­lant comme Mul­ler ou Cruse que nous les désar­me­rons. Toute la ques­tion des moyens révo­lu­tion­naires sans vio­lence phy­sique, sans armes, me paraît trop impor­tante pour qu’un terme mal­heu­reux empêche le dia­logue. De même pour tous les pro­blèmes psy­cho­lo­giques (pas seule­ment l’agressivité à la Lorenz ou à la Mit­scher­lich, mais aus­si la cri­tique de la famille, la libé­ra­tion des femmes…).

Pour ce qui concerne l’anarchisme, je suis un peu dans la situa­tion inverse. Je me sens étroi­te­ment concer­née par toutes les ten­dances anti­au­to­ri­taires, qui ont géné­ra­le­ment de la sym­pa­thie (au moins) pour l’anarchisme, avant d’être récu­pé­rées par des cen­tra­listes. Mais là, autant je me sens peu repré­sen­tée par toutes les orga­ni­sa­tions anars, autant je pense que le terme a son impor­tance. Je prêche pour ma paroisse ? mais si on aban­donne ce qui peut deve­nir une théo­rie cohé­rente (avec les limites que relève Sloane), on n’a plus d’alternative à pro­po­ser au mou­ve­ment anti­au­to­ri­taire que celle, aber­rante, entre les orga­ni­sa­tions anars offi­cielles et le gau­chisme autoritaire.

Certes les anars ne sont pas les seuls. À pro­pos des com­mu­nistes de conseils (terme si j’ai bien com­pris assez vague pour Yearl et Sloane au moins, puisqu’il recou­vri­rait le gau­chisme allant de l’IS à ICO ou d’ICO à l’IS), je crois per­son­nel­le­ment qu’on leur fait une auréole éblouis­sante ; s’ils ont eu his­to­ri­que­ment des moments de génie, ce n’est ni plus ni moins que les anars ; ils s’inscrivent plus pro­fon­dé­ment dans l’histoire encore faut-il voir si leur théo­rie ori­gi­nelle cor­res­pond à la situa­tion pré­sente. Le refus d’ICO ou de Soli­da­ri­ty d’une for­mu­la­tion idéo­lo­gique pré­cise (d’ailleurs, Soli­da­ri­ty se remet en ques­tion dans « As We Don’t See It ») est significatif.

La séduc­tion du com­mu­nisme de conseils a son paral­lèle dans une cer­taine myo­pie par rap­port au mou­ve­ment anar ; l’anarchisme, ce n’est pas : FÀ + ORÀ + OCL + TAC, il y a d’autres pays où la pen­sée n’est pas morte, et il y a pas mal de gens qui ne se recon­naissent pas dans les orga­ni­sa­tions. À ce pro­pos, le sémi­naire qu’a réuni le CIRÀ sur la « Com­po­si­tion sociale du mou­ve­ment anar­chiste » a per­mis une dis­cus­sion riche et sti­mu­lante, peut-être jus­te­ment parce que per­sonne ne venait décrire son organisation..

L’immédiat à venir

Je vou­drais aus­si que la dis­cus­sion s’élargisse à quelques per­sonnes qui ne sont pas dans la liste du BI. Et aus­si qu’on sache mieux qui se consi­dère dans le groupe, qui est par­tie pre­nante à la dis­cus­sion ; il y a dans la liste des per­sonnes que je connais à peine ou que je n’ai pas vues depuis long­temps, et ça m’est dif­fi­cile de m’adresser à elles. Faut-il défi­nir des cri­tères d’appartenance ? Une hié­rar­chie, peut-être, et un minis­tère de la censure…

Je vou­drais enfin que l’on élar­gisse la dis­cus­sion sur la non-vio­lence et sur l’anarchisme, dis­cus­sion de fond à laquelle Yearl et Sloane ont appor­té un tas d’éléments. Qu’ils ne s’étonnent pas de ne pas rece­voir de réponses immédiates.

On pour­rait aus­si, évi­dem­ment, par­ler de ce dont on a envie, et ça per­met­trait peut-être à ceux qui mettent en doute leurs connais­sances théo­ri­co-pra­tiques sur l’anarchisme et la non-vio­lence d’écrire sur les enfants, les com­mu­nau­tés, les châ­taignes, l’hiver qui vient, les dési­rs, la mort… sans se for­cer à faire un bel œuf.

Bian­ca Castafiore

(13 novembre 1972 )


Je dois com­men­cer par un mea culpa. J’avais sous-esti­mé pro­fon­dé­ment le blo­cage auquel étaient sou­mis Yearl et Sloane. C’est en pre­nant connais­sance de leurs deuxièmes textes que j’ai pu en mesu­rer l’importance. Il faut de même avouer que si j’admets ce fait je ne le com­prends pas.

Ces deux textes m’ont paru inté­res­sants, sans pour autant m’apparaître nou­veaux, la pro­blé­ma­tique qu’ils exposent étant mienne depuis long­temps. Je n’ai qu’un seul regret : le fait que le débat « cohé­rence théo­rie-pra­tique » ne soit pas abor­dé par Yearl et ne le soit que faus­se­ment par Sloane. Il semble que je me sois mal expri­mé dans mon pre­mier texte, pour­tant, à ce sujet au moins, je ne vois rien à y redire (p. 4, texte du début septembre).

Mon pro­blème est le sui­vant : après avoir ache­vé un pas­sé qui ago­ni­sait, après avoir tué un pas­sé mort, qu’est-ce qui nous ras­semble ? n’est-ce pas ce même passé ?

Est-ce là un pro­blème à débattre ulté­rieu­re­ment comme le dit Sloane ? Je n’en crois rien ; il me paraît, à moi tout du moins, fon­da­men­tal. C’est ce que semble avoir com­pris Bian­ca qui intro­duit dans sa réponse une part de son quo­ti­dien, de son vécu. D’ailleurs Cala­mi­ty semble être aus­si de cet avis.

Je pense qu’il n’y a de théo­ri­sa­tion pos­sible qu’à par­tir du quo­ti­dien et en le dépas­sant ; il faut encore qu’il y ait ren­contre sur ce terrain.

Capi­taine Haddock

(fin novembre 1972 )


Contri­bu­tion tar­dive au débat fon­da­men­tal sur le deve­nir de l’entité « anar­chisme et non-vio­lence » consi­dé­rée sous le double aspect de l’édition de la revue et de l’activité du groupe…

De quoi souf­frons-nous ? De l’éloignement géo­gra­phique cer­tai­ne­ment, sans doute de ce « manque de formes » dont parle Furth [[Voir n° 31 « la Ques­tion anar­chiste ».]] et peut-être aus­si de ce que la plu­part d’entre nous ne sont pas des « intel­lec­tuels » en ce sens que nous répu­gnons à prendre un sty­lo et à nous expri­mer. C’est sans doute une tare somme toute assez répan­due dans le milieu ouvrier !

Y a‑t-il une crise ? Peut-être, mais alors elle n’est pas nou­velle et si on parle du groupe avant de par­ler de dépé­ris­se­ment il fau­drait savoir s’il a jamais exis­té ! Je me sou­viens de ren­contres à Lyon où l’on niait for­mer un groupe et où toutes pré­ten­tions se bor­naient à sor­tir la revue, ce qu’on appe­lait groupe n’étant que l’ensemble de ceux qui ali­men­taient par leur réflexion, leur tra­vail, leur sou­tien, le dit œuf comme dit Bian­ca. Puis cer­tains ont vou­lu dis­so­cier les deux et affir­mer une exis­tence du groupe en dehors de la revue. Qu’en est-il sor­ti réel­le­ment, qua­si­ment rien sinon la caisse soli­do dont on peut se deman­der la signi­fi­ca­tion aujourd’hui.

Le pro­blème est donc de savoir si on veut créer un groupe et de se don­ner les moyens de le faire fonc­tion­ner sur des bases mini­males d’organisation et un pro­gramme mini­mal d’action et des ren­contres pério­diques. (Il semble d’ailleurs que l’espacement des ren­contres soit pour beau­coup dans le « malaise » dû à un cer­tain déca­lage entre nous et j’ai eu tort de ne pas assis­ter à la der­nière même et sur­tout si elle a été ratée.)

On peut res­sen­tir une double frus­tra­tion devant le manque d’«activisme » du groupe et son manque de cohé­sion théo­rique. Nous décou­vrons la réa­li­té dans les luttes aux­quelles nous sommes inté­grés loca­le­ment. Et le pro­blème de Yearl et de Sloane c’est que là ils se sentent gênés plu­tôt qu’aidés par ANV. Je com­prends cette gêne jusqu’à un cer­tain point. En effet, il se trouve qu’ici nous sommes au stade de l’embryon (voire du sper­ma­to­zoïde) de l’«action de masse » avec et par­mi les tra­vailleurs des boîtes. Cela a com­men­cé par quelques contacts et réunions avec des mili­tants de divers groupes mar­xistes puis avec des syn­di­ca­listes CFDT et CGT de la plus grosse boîte du coin. À ce stade des pre­miers contacts, il est évident que je ne sors pas l’étendard ANV ; ça me sem­ble­rait con et inutile parce que ce n’est pas un organe de lutte de classe et que ça n’apporterait rien dans l’immédiat. C’est au tra­vers d’actions, si elles ont lieu, et par la suite, que dif­fé­rentes concep­tions pour­ront s’affronter. ANV ne me sert qu’au deuxième degré.

Autre­ment dit, je situe mon évo­lu­tion par confron­ta­tion avec mon acquis ANV, mes lec­tures et les groupes locaux où je me retrouve avec des gars qui partent d’autres don­nées, avec d’autres méthodes d’investigation et arrivent à cer­taines conclu­sions qui nous rap­prochent (auto­ges­tion des luttes, réac­tion liber­taire face au cen­tra­lisme auto­ri­taire des par­tis de gauche et des cen­trales syndicales).

Main­te­nant, il est cer­tain que je ne res­sens vrai­ment le besoin d’un appui théo­rique que dans la mesure où je suis concer­né ou impli­qué direc­te­ment dans une lutte concrète moi-même, alors seule­ment je puis m’intéresser à la lutte qu’ont menée d’autres. Par exemple, je n’ai rien fait dans la com­mis­sion lutte de classe parce que je m’y étais inté­res­sé « intel­lec­tuel­le­ment » et que je n’y étais pas mouillé suffisamment.

Main­te­nant, y a‑t-il des a prio­ri alié­nants à ANV ? Il ne s’agirait alors que d’a prio­ri his­to­riques car depuis qu’on a sup­pri­mé les don­nées fon­da­men­tales, je mets au défi qui que ce soit de défi­nir un « cre­do » ANV. D’ailleurs, depuis tou­jours toute idée contra­dic­toire a trou­vé sa place dans la revue et il a tou­jours été libre à cha­cun, par­tie pre­nante dans le « groupe » ou lec­teur, de déve­lop­per une thèse mon­trant les limites de l’anarchisme et de la non-vio­lence et en quoi d’autres sys­tèmes de réfé­rences pou­vaient être plus adé­quats. Si l’anarchisme et la non-vio­lence sont dépas­sés, on fini­ra bien par le consta­ter à la suite de telles démons­tra­tions et la révi­sion pour­ra être envi­sa­gée sérieu­se­ment (elle cou­le­ra alors de source).

Au contraire, alors que Sloane et Yearl évo­luent et trouvent, dans leur réflexion et dans leur action mili­tante, que l’anarchisme, que la non-vio­lence ne « collent » plus (et ceci depuis juillet 71), ils n’en parlent pas, ne s’expriment pas dans la revue et nous invitent bru­ta­le­ment à chan­ger de cap et à brû­ler les vieilles idoles… C’est leur che­mi­ne­ment vis-à-vis de la revue que je n’arrive pas à saisir.

La non-vio­lence, pour moi, n’est pas seule­ment une solu­tion éthique encore qu’elle le soit, c’est sur­tout la seule solu­tion ration­nelle ; il s’agit d’un rai­son­ne­ment par l’absurde : par la vio­lence on entre dans un cycle dont on ne se dépêtre pas, donc il n’y a qu’une solu­tion non vio­lente qui nous per­met­tra d’atteindre le but pour­sui­vi, la socié­té liber­taire. Le moyen est uto­pique, mais la fin l’est aus­si et il est bien enten­du qu’en atten­dant ce grand soir pai­sible il n’est pas ques­tion de contre­car­rer (le pour­rions-nous!) les luttes qui se déve­loppent et qu’il vaut mieux une révo­lu­tion vio­lente que pas de révo­lu­tion du tout (cf. cita­tions de Gand­hi, décla­ra­tion de l’Internationale des résis­tants à la guerre sur les mou­ve­ments de libération).

Pour moi, le rôle d’ANV est de par­ti­ci­per au cou­rant qui tente d’amener le mou­ve­ment révo­lu­tion­naire à la conscience qu’il existe d’autres formes d’action, d’autres moyens de défense que le coup de poing ou le coup de fusil. Trou­ver des modèles d’actions, peut-être pas, mais faire connaître celles qui se sont menées et qui peuvent avoir un carac­tère exem­plaire. Je ne vou­drais pas lais­ser pas­ser l’argument du pro­ces­sus des­truc­tion-créa­tion inhé­rent à la vio­lence. Il fau­drait cla­ri­fier davan­tage, car, pour moi la vio­lence s’exerce sur des indi­vi­dus pour les détruire ou les sou­mettre à d’autres indi­vi­dus ou à un sys­tème qui les trans­cende et ce type de rap­port me semble l’expression même d’une struc­ture per­ma­nente de l’Antiquité au sta­li­nisme en pas­sant par le féo­da­lisme et le capi­ta­lisme. En bref, la ter­mi­no­lo­gie (mar­xiste et anar­chiste) de la vio­lence libé­ra­trice me paraît pro­cé­der d’un mythe dan­ge­reux et je suis convain­cu que cer­taines méthodes sont à reje­ter parce que por­tant en elles le germe même de ce contre quoi nous vou­lons lut­ter. C’est un acquis de la non-vio­lence et pour moi il reste valable. Donc, je suis d’accord pour ne pas res­ter enfer­mé dans les pro­blèmes de grèves de la faim et j’accepte de par­ti­ci­per à des luttes a‑violentes mais je ne suis pas encore mûr pour le peuple en armes !

En ce qui concerne la récu­pé­ra­tion, c’est peut-être un argu­ment bateau, mais je ne vois pas encore qu’on puisse oppri­mer ou exploi­ter quelqu’un par la non-vio­lence ; au contraire, la vio­lence, elle, est par­fai­te­ment récu­pé­rée par avance puisque le sys­tème en place est basé sur elle. Si, dans l’action non vio­lente, se dégagent des lea­ders, des auto­ri­tés, ça me semble hâtif et peu convain­cant de par­ler de « mili­ta­ri­sa­tion » (Lan­za ≠ Debré).

L’anarchisme est-il un rétré­cis­se­ment ? Tout dépend de ce que l’on entend par anar­chisme et je sous­cris assez à ce que dit Blan­ca à ce sujet (« une cer­taine myo­pie…»). Qu’il faille pui­ser à toutes les sources, ça a tou­jours été évident, nous ne sommes pas mono­po­listes, nous ne sommes pas à la Fédé­ra­tion anar­chiste et pour étu­dier Marx il n’est point besoin de camou­fler la cou­ver­ture avec du Bakou­nine ! Mais encore une fois, qu’on en parle concrè­te­ment et qu’on trie là-dedans ce qui peut ser­vir à éla­bo­rer une théo­rie et une pra­tique de lutte liber­taires toutes neuves. Je pense qu’effectivement il y a un tra­vail de syn­thèse à faire ne serait-ce que parce que le mou­ve­ment révo­lu­tion­naire est mar­xiste à 90 % (si ce n’est plus) et que si révo­lu­tion il y a, il serait un peu pré­ten­tieux de croire que les anars y seront pour grand-chose !

Cepen­dant, je crois que la démarche éco­lo­gique pour­rait nous aider à retrou­ver le « second souffle », son côté empi­rique et a‑progressiste en font une nou­velle méthode de pen­sée liber­taire en soi et, après tout, la révolte éco­lo­gique est assez proche parente de la révolte indi­vi­dua­liste anarchiste.

Rahan

(fin novembre 1972)


En ce qui concerne le texte de Sloane et Yearl, à le relire, il se révèle bai­sant… c’est une impasse, et il se situe dans un conflit œdi­pien par rap­port au groupe. Il n’apporte rien sur le plan théo­rique et encore moins sur la pra­tique du groupe. Je ne pense pas qu’ANV (ou autre appel­la­tion contrô­lée) doit deve­nir un autre grou­pus­cule d’ultra-gauche pari­sien.

L’originalité fon­da­men­tale et théo­rique d’ANV est sa réflexion sur la vio­lence et sa ten­ta­tive d’une éla­bo­ra­tion d’une cer­taine pra­tique non vio­lente. Si on relit les pre­miers numé­ros, la vio­lence est une des pré­oc­cu­pa­tions majeures du groupe.

Si l’on doit évo­luer, nous devons gar­der notre ori­gi­na­li­té pre­mière et, en fin de compte, il y a encore un tra­vail énorme à faire sur le sujet. Nous avons été empri­son­nés dans les limites d’un anar­chisme déca­dent et d’une non-vio­lence louche. Ce n’est pas pour autant que notre démarche soit fausse et inactuelle.

Pour ma part, je suis en train de me lan­cer dans un bou­lot sur la vio­lence qui n’a pas de limites bien pré­cises. Et le mar­xisme comme méthode nous ouvre une voie métho­do­lo­gique, mais non un havre idéo­lo­gique — fût-il du com­mu­nisme de conseils (l’idéologie conseilliste n’est pas un mythe mais une réalité).

Je m’aperçois que nous avons une vision étri­quée de la vio­lence… et que notre tra­vail théo­rique n’a pas su débor­der ses limites idéo­lo­giques. Je pro­pose une réac­ti­va­tion et une réac­tua­li­sa­tion de la réflexion sur la vio­lence. Réflexion à la fois livresque : « la Vio­lence et le Sacré » de R. Girard, chez Gras­set, livre fon­da­men­tal et lisible — une mine — qui prouve notre insuf­fi­sance et notre étouf­fe­ment. « Réflexions sur la vio­lence » de Georges Sorel, « l’Anti-Dühring » d’Engels, « l’Anti-Œdipe » de Deleuze et Guat­ta­ri, qui reprend cer­tains thèmes chers à ANV et aux anti­mi­li­ta­ristes ; un bou­quin sur le sport, la mort et la vio­lence ; un autre de Han­nah Arendt… sans oublier Mao…, la psy­cha­na­lyse et bien d’autres. Réflexion aus­si pra­tique et quotidienne :

— ana­lyse et cri­tique de l’action poli­tique autoritaire ;

— recherche d’un voca­bu­laire nouveau.

Ce qui m’a atti­ré et rete­nu dans ANV, c’est avant tout son appa­rente « libé­ra­tion ». Le conflit actuel me sur­prend par sa pro­fon­deur. Aus­si j’espère que l’on pour­ra de nou­veau reprendre un tra­vail qui me pas­sionne —- en rela­tion directe avec la pra­tique des ANVistes épar­pillés un peu partout.

Pano­ra­mix

(11 décembre 1972 )


Paris, le 30 décembre 1972

Une réunion

Le but que nous nous étions fixé était de dis­cu­ter des réponses aux textes de Yearl et Sloane d’une part, et d’avancer d’autre part quelques élé­ments posi­tifs quant à la mise à jour du groupe. Nous avons choi­si de ne pas trai­ter les pro­blèmes de fond, mais uni­que­ment ceux d’ordre structurel.

Processus de décision dans le groupe

Ce pro­blème se pose de façon aiguë à tout moment. En ce qui concerne la revue, il est pro­po­sé qu’un comi­té de res­pon­sa­bi­li­té soit ins­ti­tué. Ce comi­té regrou­pant une dizaine de cama­rades pren­drait en charge la publi­ca­tion sous tous ses aspects (sou­tien finan­cier, dif­fu­sion, pré­pa­ra­tion…). La liste des par­ti­ci­pants à ce comi­té serait éta­blie lors d’une pro­chaine rencontre.

De plus, chaque numé­ro de la revue serait pris en charge par un comi­té de rédac­tion com­po­sé d’au moins trois membres du comi­té de res­pon­sa­bi­li­té (et d’autres…). Il pour­rait ain­si exis­ter plu­sieurs comi­tés de rédac­tion tra­vaillant simul­ta­né­ment sur des numé­ros dif­fé­rents. Ce comi­té se char­ge­rait de la réa­li­sa­tion du numé­ro depuis sa concep­tion jusqu’à sa mise en forme ; il assu­me­rait seul la res­pon­sa­bi­li­té du conte­nu (il n’est pas ques­tion ici du plan juri­dique, bien entendu).
Il importe qu’aucune ini­tia­tive ne soit blo­quée par un ou deux copains ; mais que les ini­tia­teurs en prennent nom­mé­ment la responsabilité.

Appartenance au collectif (groupe)

Ce pro­blème s’avère être un des plus épi­neux. On peut déter­mi­ner plu­sieurs degrés d’appartenance qui n’ont pas néces­sai­re­ment de rela­tion hiérarchique.

a) Comi­té de res­pon­sa­bi­li­té : L’entrée d’un nou­veau copain se ferait par coop­ta­tion, la condi­tion essen­tielle étant une par­ti­ci­pa­tion anté­rieure mini­male à la vie du collectif.

b) Com­mis­sions de tra­vail : Elles peuvent se créer à par­tir de tout pôle d’intérêt et débou­cher sur un tra­vail écrit ou non. Pour publi­ca­tion, se réfé­rer à la marche indi­quée plus haut. N’importe qui peut y par­ti­ci­per sur la base d’une acti­vi­té effec­tive au sein de la com­mis­sion. La créa­tion d’une com­mis­sion serait pro­po­sée par voie de BI, chaque inté­res­sé pre­nant contact avec l’initiateur dont le rôle est très impor­tant et s’identifie avec celui d’animateur, de meneur de jeu. Il faut envi­sa­ger que des cama­rades défi­nis jusqu’à pré­sent comme « exté­rieurs » aient une par­ti­ci­pa­tion ponc­tuelle dans le cadre d’une ou des com­mis­sions de travail.

Les com­mis­sions sont consi­dé­rées comme des enti­tés auto­nomes, toute déci­sion quant à leur fonc­tion­ne­ment ne relève que des par­ti­ci­pants (réunions, etc.).

c) Col­lec­tif élar­gi : C’est ici que la notion d’appartenance est la plus floue. Celui-ci com­pren­drait, en plus des membres des comi­tés et com­mis­sions, des « sym­pa­thi­sants ». Il semble sou­hai­table que ce col­lec­tif soit le plus large pos­sible, donc que la liste du BI soit le plus large pos­sible. Le col­lec­tif de base appa­raît plu­tôt comme un stade tran­si­toire vers un enga­ge­ment plus pro­fond (com­mis­sion de tra­vail), cet enga­ge­ment incom­bant à l’individu qui cherche à s’intégrer.

Les contacts se feraient à tra­vers les ren­contres et les campings.

Les défi­ni­tions de ce col­lec­tif et de la notion d’appartenance appa­raissent insuf­fi­santes et néces­si­te­ront une dis­cus­sion approfondie.

Rencontres – campings

Néces­saires pour ryth­mer la vie du col­lec­tif et utiles pour débattre des pro­blèmes géné­raux (soli­do, etc.). Il a donc été sug­gé­ré une ren­contre annuelle et un cam­ping d’été. D’une fois sur l’autre, quelques indi­vi­dus pren­draient en charge l’organisation du regrou­pe­ment suivant.


Puisque débat théo­ri­co-pra­tique il y a, et comme je tra­vaille sur les textes d’un sémi­naire sur l’anarchisme, je vou­drais vous faire part de quelques réflexions à ce sujet. Je vou­lais aus­si écrire un autre cha­pitre, sur l’organisation et l’avant-garde et les masses et le public et nous et les autres, etc., mais ce serait un trai­té et pas un bul­le­tin inté­rieur. Si j’arrive à le mettre en forme pour les copines du MLF ici, j’en refe­rai une ver­sion pour ANV

Le mouvement anarchiste actuel

Les contri­bu­tions au sémi­naire, bien que lacu­naires, ont fait res­sor­tir quelques lignes de force (de fai­blesse?) que l’on retrouve d’un pays à l’autre. Le mou­ve­ment anar­chiste garde ce nom sur­tout dans les pays où il a exis­té une tra­di­tion ; même là, la tra­di­tion pèse par­fois d’un poids trop lourd et trop sclé­ro­sé pour que l’on puisse encore voir ce qu’il y a de bon à prendre dans l’anarchisme. Dans les pays sans tra­di­tion anar récente (ce qui n’exclut pas un mou­ve­ment bien plus ancien : Etats-Unis, Alle­magne, Pays-Bas, Scan­di­na­vie), on peut regrou­per sous l’étiquette « anar­chiste » beau­coup de mou­ve­ments anti­au­to­ri­taires non léni­nistes, qui n’ont pas la déno­mi­na­tion d’ensemble, qui sont géné­ra­le­ment proches de la sous-culture, des groupes de jeunes mar­gi­naux, de l’écologie. Une constante : extrê­me­ment peu d’activité en milieu ouvrier, extrê­me­ment peu d’ouvriers dans les rangs anar­chistes, contrai­re­ment à la situa­tion avant-guerre.

Ceux qui se bap­tisent anar­chistes sont loin d’avoir le mono­pole des idées et de la pra­tique. Par­tant, il est bien natu­rel que le cor­pus doc­tri­nal de l’anarchisme ne nous satis­fasse pas et que nous ayons besoin de cher­cher ailleurs aus­si des formes de lutte et des ana­lyses. Point n’est besoin pour autant de chan­ger d’étiquette ou de trou­ver un dieu omni­po­tent. Il est plus impor­tant, à mon avis, de rele­ver la conver­gence entre diverses actions auto­nomes, cri­tiques à l’égard de tous les mou­ve­ments auto­ri­taires bol­che­vi­sants, refu­sant à la limite de se don­ner un nom ; nous en avons par­lé à Lyon il y a un an, à pro­pos d’«Ecoute cama­rade » et des « Ori­gines du gauchisme ».

Ce qui manque, et c’est redit sans trêve, c’est des ins­tru­ments d’analyse et une ana­lyse… de quoi, au juste ? De la condi­tion ouvrière, fémi­nine, sexuelle, péda­go­gique, hos­pi­ta­lière, péni­ten­tiaire, etc. actuelle ? Du mode de pro­duc­tion, de la domi­na­tion de l’idéologie ? Des armes, des moyens et des buts ? Et qu’appelle-t-on ins­tru­ments d’analyse ?

1. Il est évident que le mar­xisme est dépas­sé, mais indis­pen­sable. Que beau­coup de gens font une sorte de com­plexe à son égard qui les empêche d’avoir une théo­rie auto­nome et les oblige à se jus­ti­fier sans cesse par rap­port au mar­xisme (p. ex. Bar­rot, « Inva­riance », IS…). Mais la cri­tique existe, et un nou­veau cor­pus théo­rique est peut-être bien en train de se faire dans l’ultra-gauche et chez les gauchistes.

2. Il y a chez cer­tains une peur de la théo­rie, un refus de la théo­ri­sa­tion qui confine à l’idéologie (p. ex. ICO). Le déce­vant, c’est que ce sont des groupes qui apportent une cer­taine quan­ti­té d’information (pas tou­jours triée ni déco­dée), des alter­na­tives de lutte, mais qui ne veulent pas jouer les avant-gardes et s’interdisent ain­si toute vue glo­bale du groupe sur la socié­té, la révo­lu­tion, etc. Risque aus­si du ponc­tua­lisme dans des groupes qui s’attaquent à un domaine par­ti­cu­lier. (Cela ne veut pas dire que les indi­vi­dus par­ti­ci­pant à ces cou­rants n’aient pas une théo­rie géné­rale, mais ils ont de la peine à trou­ver le moyen de la faire pas­ser sans se mettre en avant-garde.)

3. Si l’anarchisme n’offre que quelques idées simples et une vue des forces sociales par­fois sta­tique, an-his­to­rique, c’est quand même là que je me trouve le plus à l’aise. Grande famille peut-être, et la soli­da­ri­té impli­cite avec ceux qui se font tou­jours jeter par les fenêtres. Il n’empêche que dans x situa­tions his­to­riques ce sont les anar­chistes (dans un sens très large) qui ont vu le plus clair, qui ont fait la cri­tique la plus per­ti­nente des luttes pour le pouvoir.

4. Mal­gré cela, ils n’ont pas tou­jours trou­vé les moyens d’expression, d’organisation adé­quats. N’y a‑t-il pas actuel­le­ment un ren­ver­se­ment de situa­tion ? des pra­tiques nou­velles s’inventent dans mille occa­sions, de la vie en com­mu­nau­té au détour­ne­ment de bandes des­si­nées, paraissent par­fois être très adé­quates, mais s’enlisent vite dans un manque théo­rique ou une cri­tique des auto­ri­taires qui décou­rage. D’où la séduc­tion des entre­prises qui visent expli­ci­te­ment à prendre le pou­voir, à rem­pla­cer les déten­teurs des moyens de pro­duc­tion — sans rien chan­ger au tra­vail et à la vie quotidienne.

Ici, on peut à la rigueur faire le lien avec vio­lence – non-violence :

1. Sur le plan stra­té­gique, le lien entre vio­lence et tota­li­ta­risme est assez évident, que la vio­lence soit déli­bé­rée ou qu’elle signi­fie sim­ple­ment un désir d’adhérer à une idéo­lo­gie autoritaire ;

2. En ce qui concerne les indi­vi­dus, si l’on estime qu’il n’y a pas de révo­lu­tion sans libé­ra­tion des per­sonnes (celles appar­te­nant aux groupes oppri­més, dans leur corps, dans leur tête et leur com­por­te­ment), le pro­blème de l’agressivité, du viol et de la vio­lence appa­raît aus­si très vite.

Cela dit, il n’est plus ques­tion pour moi de m’allier aux groupes non vio­lents mono­po­li­sa­teurs chré­tiens et autres racailles. En revanche, le dia­logue doit être pos­sible avec un nou­veau cou­rant bien plus proche de nous (« l’An 01 » et consorts), à condi­tion jus­te­ment de nous démar­quer des chapelles.

À relire ma contri­bu­tion de novembre, j’y retrouve plu­sieurs points dont je parle aus­si ici. Ça vaut quand même la peine de la relire !

En gros, pour moi, la recherche se situe près des cou­rants mar­gi­naux, sous-cultu­rels, anti­au­to­ri­taires, qui partent du vécu quo­ti­dien, qui refusent la divi­sion entre le pri­vé et le poli­tique, qui mènent des actions auto­nomes et se sentent soli­daires des autres fronts de lutte. C’est bien là une spé­ci­fi­ci­té de l’anarchisme : nous pro­po­sons une cri­tique de tous les sys­tèmes, des contre-socié­tés dont nous savons les limites, une uto­pie à laquelle nous croyons à demi. Je crois inti­me­ment que l’anarchisme aura sans cesse (jusqu’à la fin de l’Histoire) ce rôle à jouer, que les autres mou­ve­ments poli­tiques ne peuvent pas accepter.

Furth dirait peut-être qu’on en revient à l’individualisme ; je crois avoir pro­gres­sé depuis ma réponse d’il y a dix-huit mois. Mais, évi­dem­ment, les « indi­vi­dua­listes » ont eu des idées géniales. J’ai relu la bro­chure d’Armand « Milieux de vie en com­mun et Colo­nies ». Il sou­ligne à plu­sieurs reprises que la forme des expé­riences n’est pas tel­le­ment impor­tante, que sur­tout il ne faut pas y voir l’embryon de la socié­té future puisque les condi­tions éco­no­miques, etc. seront com­plè­te­ment dif­fé­rentes, mais que l’intérêt réside dans l’expérimentation même, tant du point de vue éco­no­mique que psy­cho­lo­gique et social. Nous ne disons pas autre chose.

Bian­ca Castafiore

(28 février 1973)


V…, février 1973

Une autre réunion

Dans la pers­pec­tive de la ren­contre de Pâques, nous avons déga­gé trois pos­si­bi­li­tés (le sta­tu quo étant de toute façon exclu): — sabor­dage ; — scis­sion ; — mutation.

En tout cas, une expli­ca­tion col­lec­tive, ou plu­sieurs expli­ca­tions doivent être éla­bo­rées et peut-être publiées dans un numé­ro charnière.

Nous pro­po­sons le plan de dis­cus­sion suivant :

Bilan, où en sommes-nous ?

À une pra­tique com­mune se sont sub­sti­tuées des évo­lu­tions indi­vi­duelles par­fois conver­gentes, par­fois pas, mais qui n’ont pas été inté­grées à l’équipe, ce qui fait qu’au moins une syn­thèse de ces évo­lu­tions est à faire.

Pour cer­tains, les notions mêmes d’anarchisme et de non-vio­lence sont remises en ques­tion au même titre que tout autre a priori.

Pour d’autres, il s’agit, sans remettre en cause l’anarchisme et la non-vio­lence, d’intégrer les recherches actuelles des dif­fé­rents com­po­sants du groupe (éco­lo­gie, lutte de classe, sexua­li­té, etc.) et de faire entrer d’autres pôles d’intérêt.

D’autres encore res­sentent un sen­ti­ment d’échec devant la dif­fi­cul­té de par­ve­nir à une syn­thèse anar­chiste et non vio­lente, tant au niveau de la for­mu­la­tion théo­rique qu’à celui de la mise en pratique.

D’autres, enfin, gardent la volon­té de conti­nuer cette recherche.

Perspectives théoriques

Au début, l’objectif du groupe était de défi­nir une non-vio­lence spé­ci­fi­que­ment anar­chiste. Si ce n’est plus vrai pour l’ensemble du groupe, il convient alors de trou­ver une fonc­tion au groupe.

Est-ce que celui-ci sera un col­lec­tif où auront lieu des dis­cus­sions sur des expé­riences menées ; ce qui ser­vi­rait ensuite à l’élaboration d’une théorie ?


Pour moi, pas question que groupe et revue se sabordent

Pas de pro­blème de titre, qui ne repré­sente bien sûr pas un a prio­ri, mais l’indication d’un sens de recherche ; à mon avis cette indi­ca­tion est encore valable en gros, comme elle l’a été, et répond pour le lec­teur pas-du-groupe à l’idée qu’il peut se faire de l’association ANV.

Si le mar­xisme devient le point de réfé­rence théo­rique constant, j’aime mieux lais­ser tom­ber. Ras-le-bol et sté­ri­li­té à mes yeux.

L’intérêt du groupe, le fait que j’y gra­vite dépend jus­te­ment de sa liber­té vis-à-vis du mar­xisme, et de sa sen­si­bi­li­té et de son atten­tion à un cou­rant non éti­que­table par­fois, mais en fait plus ou moins anar­chiste : cou­rant d’action lié à des men­ta­li­tés, à des expé­riences aus­si bien qu’à des théories.

La défi­ni­tion du col­lec­tif par Sloane m’apparaît inté­res­sante à condi­tion de ne pas limi­ter trop étroi­te­ment les expé­riences menées à celles qu’on mène soi-même à un fort degré (car je sup­pose que la plu­part d’entre nous par­ti­cipent à plusieurs).

J’aimerais qu’on fasse le tour et la syn­thèse des évo­lu­tions de cha­cun, qu’on fasse entrer les recherches actuelles de ceux qui ont envie, croient bon d’en par­ler au niveau de la revue et du groupe.

Je trouve que les trois der­niers numé­ros sont des meilleurs et ne cor­res­pondent nul­le­ment, au contraire, à l’impression qu’il n’y a per­sonne avec qui dia­lo­guer ! Mais pour dia­lo­guer, faut d’abord qu’on s’exprime. Les dia­logues avec un cer­tain degré de dif­fé­rence ou de diver­gence doivent s’effectuer : 1. ora­le­ment ou par lettre, de per­sonne à per­sonne, de groupe à groupe ; 2. dans des revues vouées à ces dia­logues-ponts par-des­sus les gorges ; 3. à une occa­sion pré­cise d’une part, d’autre part par un tra­vail qui ne se mani­feste pas tou­jours sous forme dia­lo­guée et néga­tive. Quant à l’Allemand du siècle der­nier, etc. alias don Car­los, par­lons-en ! de sa cri­tique et de sa capa­ci­té de dia­logue : la seconde étant si faible, la pre­mière en est bien handicapée.

Je me demande si ce qui manque à trop d’entre nous, ce n’est pas : 1. soit d’avoir, hors groupe et revue, une « pra­tique » qu’ils acceptent assez pour telle, d’où l’insatisfaction ; 2. soit de com­mu­ni­quer, en groupe et revue, sur leur pra­tique effec­tive, vaille que vaille ; 3. et en tout cas de faire un lien à double sens entre ceci et cela même si ce lien n’est pas tou­jours expli­cite. Je pro­pose qu’on parle, à Mantes, et en ce sens, cha­cun de sa pratique.

Il me semble, enfin, que l’éloignement phy­sique joue beau­coup, de mul­tiples façons, entre les membres.

Enfin, anar­chisme et non-vio­lence passent aujourd’hui beau­coup plus (tou­jours comme sens) qu’au début du groupe, dans la men­ta­li­té et dans la conduite des gens qui nous entourent, avec qui ici ou là nous tra­vaillons et vivons. Il fau­drait que cha­cun apporte un écho et une par­ti­ci­pa­tion (même indi­recte) de tout cela, si pos­sible. À voir.

Cala­mi­ty Jane

(6 avril 1973)


Projet d’ordre du jour pour la rencontre de Pâques 1973

Bilan

À par­tir des bases (expli­cites ou de fait) de notre regrou­pe­ment à la nais­sance du groupe (1964 – 1965), quelle évo­lu­tion avons-nous effec­tuée par rap­port à nos inten­tions et nos concep­tions de départ sur la pra­tique, com­mune et/​ou de groupe, la recherche, la réflexion et les thèmes abordés ?

Quelles sont les causes du plus ou moins aban­don de cette réflexion com­mune, en par­ti­cu­lier sur l’anarchisme et la non-violence ?

Redé­fi­ni­tion du rôle et de la fonc­tion du groupe

Tenant compte de ce pas­sé com­mun, quelles peuvent être actuel­le­ment les bases de notre regrou­pe­ment (ou d’un regrou­pe­ment viable) par rap­port à la pra­tique (à défi­nir : mili­tan­tisme, non-mili­tan­tisme, vie quo­ti­dienne, action, poli­tique, non-poli­tique…), à la réflexion et aux dis­cus­sions qu’entraînent cette pra­tique et les thèmes que nous abor­dons, et aux élé­ments théo­riques que nous en tirons ou tirerons.

Struc­tures du groupe

Voir pour ce point le compte ren­du de la réunion de Paris, p. 34 – 35. 

La Presse Anarchiste