La Presse Anarchiste

Correspondance

[/​Terre libé­rée : Luynes (Indres-et-Loire), 1er août 1946./]

… Natu­rar­chistes, nous ne sommes ni grou­pés ni asso­cia­tion­nistes, pour n’être, par­tout où nous nous affir­mons exem­plai­re­ment, que des élèves-ins­truc­teurs d’une vie libé­ra­trice des erreurs for­melles et des vices d’hu­ma­ni­té, acquis ou spé­ci­fiques, des­quels nous ne déses­pé­rons, plus, ni jamais, d’en réduire ou d’en maî­tri­ser les catas­tro­phiques consé­quences, dont la misère, la souf­france, évi­tables, puis la guerre, sous toutes ses formes, qui leur fait figure d’in­fâme charité.

Nous sommes convain­cus, à lon­gueur d’ex­pé­riences (aux résul­tats satis­fai­sants, heu­reux pour quelques-uns), de la rapide pos­si­bi­li­té d’un redres­se­ment indi­vi­duel du com­por­te­ment humain, esclave doré ou déchu, du faux besoin contre-révo­lu­tion­naire, jus­ti­fiant l’ex­ploi­ta­tion de l’homme et de la bête par l’homme ― aus­si spi­ri­tuel­le­ment éle­vé soit-il… à moins qu’il ne soit vic­time expia­toire de ce faux besoin, devant entre­te­nir, en « orga­ni­sé conscient et à jour de ses coti­sa­tions », les « Asti­cots » glou­tons, de tous les omni­po­tents « Fro­mages », se fai­sant Sous-Par­le­ments ou Sous-États conser­va­teurs farouches des capi­ta­lismes, pri­vés et d’É­tat, n’im­porte les­quels, les légi­ti­mant dans leur inamo­vible fonction.

… Nous obser­vons de « notre mira­dor » tou­chant au Ciel des réa­li­tés, en la Vie res­pec­tueuse des lois natu­relles, ce fait constant propre à l’hu­main, contre­ve­nant, plus ou moins consciem­ment, à ces dites lois natu­relles, qu’il entre­tient en lui-même ― les faux ber­gers l’y aidant ― les élé­ments d’une quel­conque, courte et spo­ra­dique révo­lu­tion ― à part celle que l’âge ou la condi­tion expliquent ― révo­lu­tion bar­ri­ca­diste, à l’oc­ca­sion de mal à faire, mais sui­vie d’une plus cor­rup­tive réac­tion de l’in­di­vi­du et du milieu. Nous voyons plus par­ti­cu­liè­re­ment le Fran­çais ― Citoyen du monde et peuple élu, admet­tons-le ― n’être l’ef­fet men­tal que d’un tumulte d’es­prit en impor­ta­tion ou en dépor­ta­tion, ou bien un car­re­four d’i­dées dis­pa­rates, le sub­mer­geant, du fait même d’in­va­sions ou de migra­tions, venant de l’Est, de Peuples et d’Hommes, les plus auda­cieux, n’ayant pu « faire la révo­lu­tion » chez eux et qui entendent la pour­suivre sur le sol fran­çais déjà tant satu­ré du sang glo­rieux des arti­sans de nos propres insur­rec­tions, hélas sui­vies de vio­lents sur­sauts de réac­tion s’a­che­mi­nant, de plus en plus sûre­ment, vers la pire dictature. 

… Voi­là pour « du nou­veau » à com­men­cer, tout d’a­bord, par la plus cynique manière de culti­ver son indi­vi­duel enri­chis­se­ment sur l’ap­pé­tit et la peau des autres dans la pra­tique d’un égoïsme, codi­fiable, fai­sant ouver­te­ment com­merce de ce mode d’emploi, un peu spé­cial, de la matière humaine en mar­ché nègre.

Pro­fi­tables à la pra­tique de toutes les saines et natu­relles liber­tés, notre méthode de vie pro­cède du per­ma­nent contrôle du reten­tis­se­ment éco­no­mique, et donc éthique, de nos jour­na­lières actions dans le but de com­mettre de moins en moins d’in­hu­ma­ni­tés ; mais c’est aus­si parce que nous avons pris déter­mi­na­tion et pos­si­bi­li­tés pour apprendre à rendre nos mains com­pé­tentes dans l’art de construire un peu plus grand que pour un « moi » enfin effec­ti­ve­ment soli­daire à 70 ans d’âge, pour ce qui me concerne. 

Sans aucune sub­ven­tion, ni sous­crip­tion ― le sur­plus que nous accordent nos amis, fai­sant pla­ce­ment de nos ouvrages, trai­tant de notre pra­tique de vie, étant réser­vé aux soins dont relèvent cer­tains petits sous-ali­men­tés que nous confient des parents infor­tu­nés ― nous ne sommes alié­nés à aucun dogme, à aucune morale éta­blie, à aucun par­ti, même liber­taire, à aucune per­son­na­li­té, pas plus que nous ne sous­cri­vons à des com­merces ou des indus­tries spé­cu­lant sur la ser­vi­tude des hommes et des bêtes, ni même à la spé­cu­la­tion sur les choses. Nous suf­fi­sant à nos cultures (en sol régé­né­ré) pour nous ali­men­ter inno­cem­ment et de maté­riaux, en rebut, pour édi­fier, meu­bler, for­ger, etc.

… Ain­si, nous res­tons le seul lien au monde du natu­risme inté­gral et fai­sant école dés­in­té­res­sée d’un retour à la terre et la vie cou­pant les ponts avec la ville aux cent bouches cala­mi­teuses ; nous res­tons objec­teurs de toutes les consciences, à com­men­cer par celle éco­no­miques s’en­tre­te­nant d’i­déal phy­sique, sans lequel il ne sau­rait exis­ter de conscience et d’i­déal du tout.

Notre règle de jour­na­lière exis­tence est dic­tée par le seul désir, enfin conforme à de justes per­cep­tions humaines et d’ac­cord avec notre conscience, de la femme végé­ta­lienne à libé­rer du patron, du com­mer­çant, du mâle par­ti­cu­la­riste et à pro­té­ger en sa libre mater­ni­té, tout comme celle de la femelle. À « Terre Libé­rée » un nid n’est jamais vio­lé et une mater­ni­té jamais détrous­sée. Voi­là, mon cher E. Armand, pour répondre à qui ne croit qu’à un indi­vi­dua­lisme « spectaculaire»…

Ninette et Louis Rimbault

[|― O ―|]

[/​Au « cama­rade » ALI MOHAMMED etc., KHAN./]

Fort aise qu’à Kaboul, on vous ait fait par­ve­nir L’UNIQUE. Où diable ― Allah me par­donne ― avez-vous vu que j’aie tour­né en ridi­cule les jeunes filles qui, dans les mon­tagnes des pays en stan que vous me citez, épousent ces solides gaillards, cen­te­naires et davan­tage, qui n’usent pas d’al­cool (et ils ont bien rai­son), ne sont pas cor­rom­pus ni per­ver­tis par la soi-disant civi­li­sa­tion occi­den­tale et sont grand pro­créa­teurs devant le Tou­jours engen­drant et Jamais engen­dré ? Il ferait beau voir cela dans un pério­dique où l’on défend « le droit à l’a­mour pour les âgés ». Cela les regarde d’ailleurs. Je ne doute pas non plus que dans ces mon­tagnes on ignore l’a­dul­tère et les enfants adul­té­rins, fruits de l’i­gnoble men­ta­li­té euro­péenne, et je ne conteste pas que si le fait se pro­dui­sait ou serait décou­vert mère et enfant seraient vite expé­diés dans les abîmes infernaux.

Pour­tant une chose, une toute petite chose, me chif­fonne. Com­ment se fait-il que ces robustes vieillards de cent cin­quante ans soient arri­vés à cet âge après avoir enter­ré et envoyé dans le para­dis cora­nique quatre, cinq, six épouses… met­tons suc­ces­sives ? Serait-ce parce que les­dites épouses n’ont pu sup­por­ter le faix de mater­ni­tés réité­rées ? Parce que leurs sei­gneurs et maîtres ont lais­sé à leur charge les besognes épui­santes et ser­viles ? Je vou­drais bien être ren­sei­gné là-des­sus. Ceci dit, je sou­haite que le Clé­ment et Misé­ri­cor­dieux vous accorde longue vie et prospérité !

Qui Cé

P.S. J’au­rais sou­hai­té un nom et une adresse lisibles.

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