La Presse Anarchiste

La fatigue

Presque cha­cun de nous est fati­gué une par­tie du temps. Il en est qui le sont tou­jours. Si l’on connais­sait les faits réels qui sont à l’o­ri­gine de la fatigue et si l’on agis­sait en consé­quence, on ne sau­rait que rare­ment fati­gué. La plu­part d’entre nous ont sur la fatigue des idées erro­nées. Il convient donc de réta­blir les faits :

La fatigue chro­nique n’est cau­sée ni par le tra­vail phy­sique ni par le tra­vail intel­lec­tuel.

La fatigue occa­sion­née par le tra­vail phy­sique, pour intense qu’elle soit, dis­pa­raît après une nuit de repos et ne peut s’ac­cu­mu­ler. En ce qui concerne le tra­vailleur séden­taire, 100% de la fatigue qu’il éprouve sont dus, s’il jouit d’une bonne san­té, à des fac­teurs autres que l’ef­fort phy­sique exi­gé par sa besogne. L’en­nui cau­sé par un tra­vail qui n’ab­sorbe pas toute notre acti­vi­té est alors la cause la plus simple et la plus impor­tante de la fatigue.

Les fac­teurs émo­tion­nels.

La cause réelle de la fatigue chro­nique est psy­cho­lo­gique. Ce n’est pas le tra­vail en soi qui nous fatigue, mais la ten­sion ner­veuse qui accom­pagne son accom­plis­se­ment. Par­mi les fac­teurs dont s’a­git notons la las­si­tude, l’in­dé­ci­sion, les tra­cas, le sen­ti­ment de son infé­rio­ri­té, la hâte, les com­plexes sexuels.

Le repos n’est pas le remède de la fatigue.

Nul repos, même pro­lon­gé, ne sau­rait gué­rir la fatigue du tra­vailleur séden­taire ou la fatigue chro­nique. Ce qu’il faut, c’est un chan­ge­ment d’ac­ti­vi­té ― peut-être plus de tra­vail, mais autre, davan­tage d’exer­cice agréable, davan­tage de rap­ports sociaux dont on puisse tirer du plai­sir. Flâ­ner sans but ne pro­duit aucun chan­ge­ment, ne dis­trait pas l’es­prit, ne sus­cite pas l’in­té­rêt en des entre­prises nou­velles. Ce n’est pas le corps qui a besoin de repos, c’est l’es­prit qui réclame du chan­ge­ment. L’in­té­rêt pro­cu­ré par une acti­vi­té absor­bante four­ni­ra de l’éner­gie en abondance.

Les désordres glan­du­laires ne sont que rare­ment une cause de fatigue.

Certes, une défi­cience thy­roïde ou adré­na­line est cause d’une dis­po­si­tion à la fatigue, mais la plu­part des êtres humains sont « équi­pés » de telle façon qu’ils peuvent résis­ter. Il n’existe pas de séries de glandes de luxe qui puissent rem­plir quel­qu’un d’éner­gie explo­sive. Les glandes ne sont pas plus une source d’éner­gie que le coeur ou les pou­mons. Des glandes dorées sur tranche ne met­traient qui en serait doué à l’a­bri des ten­sions émo­tion­nelles. Plus que les hor­mones, quelque chose impulse l’u­ni­té per­sonne, cette Dyna­mo Humaine : l’in­té­rêt en une acti­vi­té absorbante.

Le sel dimi­nue la fatigue phy­sique intense.

Les besognes pénibles ou la cha­leur exces­sive amènent le corps à trans­pi­rer en liber­té et expul­ser le sel qu’il ren­ferme. Toute perte de sel pro­duit de la fatigue. Sa récu­pé­ra­tion la dimi­nue. Mais il est alors essen­tiel de savoir la quan­ti­té à prendre.

Les dépres­sions ner­veuses ne sont pas dues au sur­me­nage.

Les som­mi­tés médi­cales s’ac­cordent avec le Dr Aus­tin F. Riggs décla­rant : « Les besognes phy­siques ou men­tales, n’ont jamais, par elles-mêmes, cau­sé un seul cas de dépres­sion ner­veuse » ― ou la Dresse Ira Wile lors­qu’elle dit : « Sans contes­ta­tion pos­sible, il n’existe pas de dépres­sion résul­tant du surmenage. »

La fatigue n’est pas natu­rel­le­ment la com­pagne de la vieillesse.

L’éner­gie dans la vieillesse dépend de l’in­té­rêt qu’on conti­nue à por­ter à la vie et au tra­vail. L’éner­gie ne dépend que pour peu de chose de la force phy­sique, elle dépend essen­tiel­le­ment de l’im­pul­sion émo­tion­nelle. Dans leur vieillesse, de grands hommes ont accom­pli une oeuvre égale à celle de leur jeu­nesse. L’in­té­rêt est le moteur qui fait fonc­tion­ner la Dynamo.

L’éner­gie est, pour réus­sir, plus impor­tante que l’in­tel­li­gence.

L’éner­gie est la dyna­mo qui met en oeuvre toute l’in­tel­li­gence que peut pos­sé­der une per­sonne. C’est la seule qua­li­té qu’ont en com­mun tous ceux qui réus­sissent. Selon Emer­son l’éner­gie est à la base de tout suc­cès. Il la situe bien au-des­sus de la sagesse comme indis­pen­sable et tous les psy­cho­logues s’ac­cordent avec lui.

On peut rapi­de­ment gué­rir la fatigue.

Il suf­fit d’une soi­rée pour qu’un homme acca­blé par une las­si­tude cou­lant comme du plomb dans ses veines se trouve trans­for­mé en un être débor­dant de vita­li­té. La psy­chia­trie l’a démon­tré. La plu­part de ceux qui sont fati­gués un peu ou beau­coup peuvent s’en gué­rir radi­ca­le­ment en s’en réfé­rant avec atten­tion à ce qui pré­cède. Rapi­de­ment, faci­le­ment, presque magi­que­ment, ils accu­mu­le­ront une réserve d’énergie.

(D’a­près To Day’s Woman, juin 46)

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