La Presse Anarchiste

Notre enquête sur “le fonctionnarisme syndical”

Nous pen­sons que, dans l’organisation, le Conseil syn­di­cal non rétri­bué, com­po­sé d’ouvriers tra­vaillant dans toutes les branches de la cor­po­ra­tion, se doit de pour­suivre avec téna­ci­té et per­sé­vé­rance l’utilisation de toutes les bonnes volon­tés, de toutes les ini­tia­tives, de toutes les acti­vi­tés qui tendent à assu­mer avec le plus com­plet dés­in­té­res­se­ment : 1° les besognes admi­nis­tra­tives : comp­ta­bi­li­té, tré­so­re­rie, cor­res­pon­dance, et 2° de pro­pa­gande, édu­ca­tion, recru­te­ment, fêtes, etc.

Le Conseil syn­di­cal peut et doit sol­li­ci­ter pour ces besognes le concours des jeunes syn­di­qués, des jeunes syn­di­ca­listes (s’il existe une jeu­nesse), des chô­meurs, des acci­den­tés du tra­vail, des gré­vistes et, en ce qui concerne les fêtes, des cama­rades ayant quelque com­pé­tence en musique, poé­sie, chant, art, etc.

Tou­te­fois, s’il est néces­saire que le Syn­di­cat, l’Union ou la Fédé­ra­tion ait un per­ma­nent rétri­bué, la durée du man­dat doit être limi­tée, et la vigi­lance des syn­di­qués doit veiller à ce que les concours gra­tuits ne soient pas délais­sés. Si le per­ma­nent rayonne sur un grand nombre de syn­di­cats, comme fonc­tion­naire d’une Bourse ou d’une Fédé­ra­tion, les sug­ges­tions des grou­pe­ments syn­di­ca­listes (jeu­nesses et groupes d’action) devraient être prises en consi­dé­ra­tion, si elles ont pour but le renou­vel­le­ment du man­dat ou la ces­sa­tion de ce man­dat par l’apport de concours désintéressés. 

[/​Syndicat textile

de la Croix-Was­que­hal (Nord)/]

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Mon cher Sébastien,

Mal­gré que je ne sois pas un syn­di­ca­liste notoire, n’étant qu’un simple mili­tant qui se dépense dans la mesure de ses moyens et selon les cir­cons­tances, j’ai été, néan­moins, mêlé suf­fi­sam­ment au mou­ve­ment syn­di­ca­liste pour qu’il me soit per­mis, au sujet de l’enquête sur le fonc­tion­na­risme, d’apporter mon avis, mes sug­ges­tions. Je n’apporterai là, je me hâte de le dire, rien de nou­veau, rien de per­son­nel. Ce ne seront que des idées émises avant moi, par d’autres cama­rades, idées que j’ai fait miennes et que j’exposerai à mon tour. Mais elles n’en seront pas moins utiles dans ce débat, car elles contri­bue­ront, je l’espère, à un résul­tat et à une solu­tion pratiques.

Pour ma part, comme la plu­part de nos cama­rades, je suis pour la sup­pres­sion pure et simple du fonc­tion­na­risme syn­di­cal, dont le pro­cès n’est plus à faire. Mais, ceci dit, il importe cepen­dant d’examiner atten­ti­ve­ment la ques­tion, le sujet, le pro­blème étant plus com­plexes qu’on semble le sup­po­ser : ils sont par­tie inté­grante et font corps avec l’organisation actuelle du mou­ve­ment syn­di­ca­liste de ce pays. Et il ne suf­fit pas qu’on désire une chose pour qu’elle entre de suite dans les faits, dans la pra­tique. Donc, pour sup­pri­mer le fonc­tion­na­risme syn­di­cal il fau­dra pro­cé­der, sinon à une révi­sion des prin­cipes du syn­di­ca­lisme, du moins à une com­plète trans­for­ma­tion de son orga­ni­sa­tion présente.

Toute une besogne de décen­tra­li­sa­tion est à accom­plir — sup­pres­sion de la C.G.T. et des Fédé­ra­tions Natio­nales en tant qu’organismes direc­teurs. Toute une série d’organismes nou­veaux est à créer — comi­tés d’usines, de chan­tier, etc. C’est-à-dire un regrou­pe­ment total, com­plet, sur d’autres bases… bases qui lais­se­raient, seule­ment, aux orga­nismes cen­traux, le soin d’accomplir une tâche pure­ment administrative.

Les orga­nismes cen­traux devien­draient de ce fait de simples bureaux de ren­sei­gne­ments, de cor­res­pon­dances, de sta­tis­tiques, de liai­son (tâche admi­nis­tra­tive pou­vant être accom­plie par n’importe quel employé de bureau, qui, comme le fai­sait si bien res­sor­tir Lemeillour, « ne serait pas plus fonc­tion­naire lorsqu’il tra­vaille pour les syn­di­qués, que lorsqu’il tra­vaille pour un patron ».)

Ces nou­velles bases admi­nis­tra­tives du syn­di­ca­lisme don­ne­raient par contre toute lati­tude, toutes pos­si­bi­li­tés, tous moyens aux Bourses du Tra­vail ou Unions locales, aux Syn­di­cats et à leurs Comi­tés d’organiser et d’exécuter toutes besognes d’action, de pro­pa­gande, d’éducation, — besognes qui incom­be­raient, en géné­ral, à tous les syn­di­qués et plus par­ti­cu­liè­re­ment aux délé­gués, non per­ma­nents, qui conti­nue­raient d’assurer leur tâche quo­ti­dienne, avec leurs cama­rades de labeur, au chan­tier, ou à l’usine, au bureau ou à la mine.

Certes, c’est là pour le syn­di­ca­lisme une pro­fonde trans­for­ma­tion à accom­plir et qui sup­pose, de la part de ceux qui s’y adon­ne­ront, une large compréhension…

Mais ne dit-on pas qu’à besogne nou­velle il faut un esprit nouveau?…

Et les mili­tants de la C.G.T.U. ont là, il me semble, une superbe occa­sion de mon­trer s’ils sont réel­le­ment impré­gnés d’une autre concep­tion, pour l’organisation, et d’une autre men­ta­li­té, pour la pro­pa­gande, que ceux qui siègent à la rue Lafayette.

Aus­si, tant qu’à ce sujet ils n’auront pas don­né la preuve qu’ils sont dis­po­sés à tra­vailler uti­le­ment pour la réor­ga­ni­sa­tion du mou­ve­ment syn­di­ca­liste, en recher­chant, d’abord, les moyens pra­tiques de sup­pri­mer la plaie du fonc­tion­na­risme, en agis­sant, ensuite, pour lais­ser toutes ini­tia­tives et redon­ner tous moyens aux orga­nismes d’en bas, il sera bien per­mis, à ceux, dont je suis, qui ne sont pas fol­le­ment enthou­sias­més de la scis­sion, de croire qu’il n’y aura pas grand’chose de chan­gé — sinon les hommes à défaut des idées et des méthodes.

Poux le moment, il serait sans doute dépla­cé de pré­ju­ger de l’attitude de nos cama­rades de la C.G.T.U., aus­si j’attends, pour être fixé, la tenue du Congrès de Saint-Étienne, mais je ne doute pas que fédé­ra­listes et anti­fonc­tion­na­ristes auront de rudes com­bats à soutenir… 

Voi­là, mon vieux Sébas­tien, ma réponse à l’Enquête de la « Revue Anar­chiste ». Cette réponse n’est peut-être pas conforme au ques­tion­naire, mais, néan­moins, je crois qu’elle répond bien à ce qui est le fond du débat, aux pré­oc­cu­pa­tions des mili­tants « anti­fonc­tion­na­ristes » sur ce sujet brû­lant ; et c’est pour­quoi je te l’adresse.

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Il y a un fonc­tion­na­risme syn­di­cal, à l’image du fonc­tion­na­risme bour­geois, comme il y a un mer­can­ti­lisme dégui­sé sous le cou­vert des coopé­ra­tives, cela très natu­rel­le­ment parce que la fonc­tion crée l’organe, et parce que l’homme, quoi qu’il en ait, aime ce qui brille et ce qui reluit.

Inves­ti d’un man­dat, ou revê­tu d’une fonc­tion quel­conque qui l’élève momen­ta­né­ment au-des­sus de ses pairs, l’homme le plus épris d’indépendance en arrive tout dou­ce­ment, et sans s’apercevoir de la tran­si­tion, à des habi­tudes d’autocratisme et d’autoritarisme qui le portent à des excès dont il est le pre­mier à crier dès qu’il en est vic­time de la part d’autrui. Non seule­ment il aliène ain­si sa propre volon­té d’indépendance, mais par ses paroles et par ses actes, il mani­feste son inten­tion de por­ter atteinte à celle des autres. Ses concep­tions, bonnes ou mau­vaises, il faut les admettre sous peine d’excommunication majeure, et cela sans dis­cus­sion. Frap­pés d’interdit, les contra­dic­teurs, quelle que soit la bonne volon­té qui les anime, sont jetés à la porte sans façon, bien heu­reux encore d’en être quittes à si bon compte. Il faut une cer­taine dose de cou­rage et d’audace pour vou­loir regar­der en face ces « Rois Soleil » d’une nou­velle espèce ou pour affron­ter le ver­dict des cour­ti­sans qui leur font cor­tège ou qui montent la garde autour de leurs auguste personnes.

Mais les méfaits du fonc­tion­na­risme ne se bornent pas là. Le fonc­tion­naire syn­di­cal, comme le fonc­tion­naire bour­geois du reste, jouit d’une sorte d’immunité qui n’émane pas même du pres­tige qui s’attache à la fonc­tion, mais qui pro­vient de l’espèce de culte dont on auréole le mot « fonc­tion­naire» ; en propres termes et sans user d’autres locu­tions, ça veut dire sacré, intan­gible, infaillible.

Dans la plu­part des familles de France, et par­tout où il y a des filles à marier sur­tout, il faut voir avec quel humble res­pect on parle au fonc­tion­naire ; il faut entendre avec quelle véné­ra­tion on en parle. Il faut voir aus­si la manière et la pos­ture que l’on prend pour écou­ter l’oracle, quand on l’interroge, et avec quelle timi­di­té on hasarde une remarque ou deux, remarques pleines de sou­rires et de consi­dé­ra­tions élo­quentes. Car, cha­cun le sait, le fonc­tion­naire sup­porte mal l’esprit de contra­dic­tion, et il faut prendre avec lui beau­coup de pré­cau­tions pour ne pas sus­ci­ter son rire ou sa ran­cune. Com­bien de contra­ven­tions et d’amendes pour les proches et les col­la­té­raux pour une simple dis­pute de palier avec un flic, son voisin ?

Les parents riches tra­fiquent de la dot et vendent leurs filles au plus offrant. Les parents pauvres moins pro­digues d’écus, parce que dému­nis, les vendent aux gen­darmes, aux gar­diens de la paix (sic), aux doua­niers, aux fac­teurs, et à tous les employés de l’État ou de la Ville qui savent mettre en évi­dence les avan­tages spé­ciaux, les pri­vi­lèges et les pré­ro­ga­tives dont ils jouissent au détri­ment de l’ouvrier. Dans toutes les pro­vinces de France, cet usage est consa­cré et s’y est per­pé­tué. Le fonc­tion­na­risme y a tué l’amour, comme il y a tué les idées géné­reuses et les nobles aspi­ra­tions, et comme il tue, à peu près par­tout, les légi­times révoltes et les purs idéa­lismes sociaux.

Le fonc­tion­na­risme et le mili­ta­risme — et le fonc­tion­na­risme n’est pas autre chose qu’un mili­ta­risme dégui­sé, — alliés et auxi­liaires du Pou­voir et du Capi­ta­lisme, ont glis­sé une par­celle de leur pour­ri­ture dans tous les ménages de France.

Il sem­ble­rait donc que le syn­di­ca­lisme, qui, selon Jou­haux lui-même, repré­sente le groupe d’intérêts par excel­lence en lutte contre l’autorité bour­geoise et l’autorité de l’État, ait pour pre­mier but de sup­pri­mer la base de cette puis­sance du Capi­ta­lisme et de l’État : le fonctionnarisme.

Or, le syn­di­ca­lisme d’aujourd’hui — étrange syn­di­ca­lisme — est affli­gé de cette ano­ma­lie : Il repose tout entier sur un fonc­tion­na­risme spé­cial, très proche parent de l’autre, à moins qu’il n’en soit la copie.

Com­ment, dans ces condi­tions, exi­ger de lui un effort qui l’obligerait à se frap­per lui-même et dans son essence et dans sa majes­té ? Autant lui deman­der, avec celles des autres, sa propre tête, et ce sacri­fice est trop gros pour qu’il nous le consente.

Mais, dira-t-on, si les fonc­tion­naires syn­di­caux ne se résignent pas à l’abdication nous les y for­ce­rons. Oui, mais par quels moyens ?

Pour ma part, je n’en vois guère qu’un. Et encore ne me donne-t-il pas toutes les satis­fac­tions : la limi­ta­tion de la durée des man­dats on la non-rééligibilité.

La limi­ta­tion de la durée des man­dats qui paraît équi­table à pre­mière vue, n’entraîne-t-elle aucun incon­vé­nient pour la classe ouvrière ? et de sa rigou­reuse appli­ca­tion ne résulte-t-il aucun pré­ju­dice, au moins moral, pour l’action sociale ?

Les hommes de valeur, hélas ! ne sont pas légion dans le sein du pro­lé­ta­riat. Ajoutons‑y les indif­fé­rents — trop nom­breux, — les modestes et les timides, dont l’intelligence est supé­rieure mais qu’aucun mérite appa­rent ne dis­tingue de la masse, et comp­tons ce qu’il nous reste d’éducateurs élo­quents et com­pé­tents pour ins­truire cette masse et coor­don­ner son effort vers la libé­ra­tion totale

Pour obvier à cet incon­vé­nient, il ne nous res­te­rait donc plus, comme suprême res­source, que cet expé­dient : la rééli­gi­bi­li­té à l’expiration du man­dat. Mais alors, nous voi­ci dans le même cercle vicieux, et le mal ne dis­pa­raît en aucune façon, puisque nous le per­pé­tuons à tra­vers une pro­cé­dure emprun­tée à l’État bour­geois. À peine arrive-t-on à l’atténuer si le can­di­dat sor­tant court les risques d’une élec­tion incer­taine en face d’un concur­rent pré­sen­tant des chances égales. Mais s’il est seul à sol­li­ci­ter nos suf­frages, la durée de son man­dat se trouve pro­lon­gée de ce fait, et la limi­ta­tion n’apparaît plus que comme une vaine mesure, allant à l’encontre de son but, car elle peut deve­nir une arme ou un pré­texte dans la main d’intrigants dési­reux d’éliminer du sein du syn­di­ca­lisme tout ce qui peut paraitre un dan­ger pour l’intrigue, et tout ce qui peut faire échouer les louches com­bi­nai­sons, c’est-à-dire tout ce que le syn­di­ca­lisme actuel compte encore de farouche intran­si­geance et de hau­taine pro­bi­té de conscience.

L’indispensabilité a créé le fonc­tion­na­risme et la hié­rar­chie syn­di­cale. De sorte que le syn­di­ca­lisme est deve­nu ce qu’il est : une oli­gar­chie avec des chefs gras­se­ment rétri­bués, des ministres, des ronds-de-cuir, des ambas­sa­deurs, des pré­fets… et des serfs, la basse plèbe. D’un apos­to­lat on a fait un trem­plin : les uns, pour atteindre un por­te­feuille de sous-secré­taire d’État ou un siège à la Chambre des dépu­tés ; les autres, pour deve­nir pro­prié­taires d’immeubles de rap­port ou de vil­las suburbaines.

Au fond, le fonc­tion­na­risme syn­di­cal est un mal inévi­table du moins pour l’instant. Il nous reste la res­source de ne le subir que sous cer­taines condi­tions, c’est-à-dire en limi­tant les effets de son mal. Il suf­fit d’un contrôle sévère s’exerçant sur les faits et gestes des diri­geants syn­di­caux à l’aide d’une cen­sure rigou­reuse ; il suf­fit de bor­ner et de res­treindre leurs attri­bu­tions res­pec­tives ; de ne pas les lais­ser livrés à leurs ins­pi­ra­tions per­son­nelles, ce qui les conduit fata­le­ment à un usage abu­sif du pou­voir que nous leur lais­sons, pour dimi­nuer les excès de ce mal.

Au lieu de les lais­ser en appe­ler à la masse, trop igno­rante d’ailleurs, trop facile à ber­ner, à influen­cer, ins­ti­tuons une sorte de tri­bu­nal d’exception devant lequel tout diri­geant syn­di­ca­liste aura à rendre compte de ses actes quand il sera néces­saire de l’y tra­duire ; dotons ce tri­bu­nal d’un pou­voir d’arbitrage très éten­du, dra­co­nien s’il le faut et si le salut du pro­lé­ta­riat l’exige ; que les déci­sions de ce tri­bu­nal soient sans appel quand il aura jugé en toute connais­sance de cause et nous ver­rons aus­si­tôt le syn­di­ca­lisme se trans­for­mer de fond en comble. Comme sanc­tions : l’exclusion défi­ni­tive et la répro­ba­tion uni­ver­selle. Pour extir­per l’erreur et tuer le men­songe, il n’est que les méthodes éner­giques qui comptent. Et qu’on ne dise pas que cette juri­dic­tion est inutile. Il y a beau temps qu’elle aurait dû être créée, car nous n’aurions pas à juger aujourd’hui des Jou­haux, des Dumou­lin ou des Merrheim.

Dès que nos poten­tats syn­di­caux sen­ti­ront peser sur eux la menace inexo­rable de cette sorte de « Conseil des Dix », ils se mon­tre­ront peut-être plus enclins à la pru­dence et mieux dis­po­sés envers les pauvres bougres qu’ils bafouent et qu’ils dupent.

Du moins, sera-ce suf­fi­sant pour dis­si­per en eux les fumées d’une ambi­tion mal­saine qui les incitent à se croire aptes à sié­ger, par­mi des diplo­mates bour­geois, à la table verte des graves confé­rences — qu’elles soient de Gênes ou d’ailleurs, — où ils entendent faire jouer un rôle à leur médiocrité.

[/​Eug. Sal­duc­ci,

Délé­gué à la pro­pa­gande du Syndicat

des machi­nistes et accessoiristes

des théâtres de Paris./]

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N’ayant pas eu en main le pre­mier numé­ro de la « Revue Anar­chiste », je ne connais pas les ques­tions posées d’une façon exacte, mais après avoir pris connais­sance de quelques réponses, je crois pou­voir, moi aus­si, dire ma pensée :

1° Le fonc­tion­na­risme syn­di­cal ayant fait ses néfastes preuves, il faut recher­cher sans retard le moyen de le sup­pri­mer sans por­ter atteinte à la vie des orga­ni­sa­tions. Dans le Syn­di­cat des P.T.T., les secré­taires et tré­so­riers ne sont pas rétri­bués ; seuls, les employés sté­no-dac­ty­los sont au mois ; tous les membres du Conseil touchent un jeton de pré­sence pour leurs frais de dépla­ce­ment, rien de plus, les frais pour tour­née de pro­pa­gande sont sup­por­tés par la caisse cen­trale. Or, dans un rap­port, pré­sen­té il y a un an déjà, j’avais deman­dé que les membres du Conseil soient rem­pla­cés par tiers ou par moi­tié tous les ans, que les secré­taires et tré­so­riers aient cha­cun un adjoint et que cet adjoint devienne secré­taire à son tour six mois après. Donc, tous les six mois, nou­veaux secré­taires, nou­veaux adjoints.

La ques­tion de la comp­ta­bi­li­té peut être tran­chée en nom­mant à chaque Conseil natio­nal (quatre par an) une nou­velle com­mis­sion de contrôle.

2° La ques­tion de beau­coup la plus épi­neuse serait la dif­fi­cul­té de trou­ver non seule­ment des cama­rades de bonne volon­té pour rem­plir ces dif­fé­rentes fonc­tions (non rétri­buées), mais sur­tout de rem­plir leur tâche syn­di­cale tout en conser­vant leur emploi. Je sais par expé­rience que l’on trouve plus faci­le­ment des cama­rades prêts à faire la cri­tique que le tra­vail ; cepen­dant, si ces cama­rades ne sont pas rétri­bués, il sera abso­lu­ment néces­saire qu’ils trouvent autour d’eux des aides spon­ta­nés. Il fau­dra que le secré­taire soit sûr d’être aidé, non par des paroles, mais par des actes ; et, pour peu que cha­cun veuille bien prendre ses res­pon­sa­bi­li­tés, nul doute que tout ira pour le mieux.

D’ailleurs, le pas­sage au sein de l’organisme cen­tral du Syn­di­cat ou de la Fédé­ra­tion sera un sti­mu­lant et un cours excellent pour l’apprenti militant.

Le pro­pa­gan­diste par la parole se trou­ve­ra tou­jours aus­si faci­le­ment. Car l’art de la parole ne s’apprend pas. Seules l’argumentation et la docu­men­ta­tion sont néces­saires. Or, dans les syn­di­cats, on a trop faci­le­ment oublié l’éducation ! On en parle dans tous les congrès, mais rare­ment on inau­gure des cours d’éducation et d’information syn­di­cales. Aus­si les dif­fi­cul­tés ne sont pas de trou­ver des ora­teurs sérieux et cap­ti­vants, mais de pou­voir pro­duire des hommes d’éducation supé­rieure et dont l’argumentation soit à toute épreuve. D’autre part, je repro­che­rai aus­si à de nom­breux mili­tants fai­sant de l’éducation par la plume ou par la parole, de cher­cher sur­tout à faire pré­do­mi­ner un point de vue per­son­nel ou une ten­dance exclu­si­ve­ment poli­tique, quitte à faire des entorses à la véri­té, ou à mas­quer des réa­li­tés qui feraient tort à l’idée direc­trice qui les fait agir ; et aus­si par vani­té de recher­cher des effets de tribune.

Cepen­dant tout cela dis­pa­raî­trait si la ques­tion du syn­di­cat unique, de rêve deve­nait réa­li­té ; les cama­rades E. et S. Cas­teu vous diront cer­tai­ne­ment pourquoi.

[/​Henri Lemon­nier,

des Employés des P.T.T./]

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