Comme c’est bizarre : Anatole France employé dans une librairie, salarié, manuel, prolétaire ne devient l’un de nos maîtres, l’un de nos défenseurs que le jour où il n’est plus ni employé, ni salarié, ni prolétaire, mais un bourgeois, un monsieur qui a domesticité, qui vit dans le luxe et ne fait pas œuvre de ses dix doigts.
Pour qu’il comptât vraiment, pour qu’on l’acclamât, pour qu’on l’admirât, il a fallu qu’il devienne un parasite.
Les ouvriers sont si bêtes, que cela les surprend de voir France se balader dans les conquêtes des triomphateurs Étienne et Thomson et serrer la main aux généraux bouchers. Qu’y a‑t-il d’étrange à cela ? France vous le faisait à la chanson, il vous écrivait des compliments, des choses qui vous plaisaient et vous les lui achetiez ! Il vit de sa pensée comme une putain de ses charmes. Il est bien libre de chercher à étendre sa clientèle ! Auriez-vous acheté la plume de France à perpétuité ?
Révolte au Maroc. Fez bouge et les roumis écopent. Particulièrement « les sauterelles d’Afrique », les malheureux juifs qui vivent dans un quartier particulier à eux, sont pillés, violentés, en partie massacrés. Ils sont victimes d’une haine féroce ; mais pourquoi ne s’efforcent-ils pas de se fondre dans la population des pays qu’ils habitent ; pourquoi, même à Paris, à Londres, à New York, partout où ils sont libres, forment-ils des groupes juifs, vivent-ils dans des quartiers juifs ? La solution à la question des races est dans leur fusion en une seule.
Comme les affaires des Italiens ne s’arrangent pas en Tripolitaine, le populo commence à permettre aux internationalistes de se faire entendre. Des meetings ont eu lieu dans différents endroits, des protestations s’élèvent contre les monstrueuses condamnations dont les camarades italiens ont été victimes lorsqu’ils ont voulu protester contre la guerre.
Rien de tel qu’une bonne friction pour faire réfléchir. Puisses-tu recevoir une fameuse raclée, armée de bandits italiens ! Cependant que le populo chassera le roi, qu’un camarade maçon a raté et que s’ouvriront les portes des bagnes.
Seuls, quelques dizaines d’anarchistes et de copains des jeunesses syndicalistes ont protesté contre les retraites à Millerand et ont été brutalisés, passés à tabac par « frère flic », certains ont été condamnés.
Les cinq cent mille socialistes, les cent mille révolutionnaires parisiens se terrant devant les provocations de l’ancien boulangiste, cela ne surprend qu’à peine. Ça ne fait rien, ça vous fout en colère.
Au Mexique la révolution continue.
Malgré les contradictions dans les nouvelles, il apparaît que le Mexique est en état de gestation ; qu’une modification au système propriétaire et une liberté plus grande seront acquises, abolissant dans une certaine mesure l’esclavage affreux des populations mexicaines.
Pour avoir de l’argent, pour entretenir dans l’oisiveté et le luxe sa femme, combien peu nombreux sont ceux qui se refusent à exploiter, à vendre leur plume, à trahir ! Malgré votre indignation, gens respectables c’est vous les coupables ! Vous forcez les gaillards fiers, intelligents, simples, à choisir entre le bagne patronal et la prison — car vous accusez des gens comme Carouy. Et ce « bandit » est végétarien, abstinent, travailleur éclairé, serviable et doux, rêvant d’une maisonnette avec jardin ! disent les journaux bourgeois.
La révolte de nos énergiques camarades sera montrée sans avoir ébranlé le régime propriétaire. Son caractère personnel n’impressionnera pas les masses dans un sens social.
Quant au produit du vol, si on me l’offrait je répondrais : je ne suis pas assez fainéant pour accepter qu’un autre risque sa peau pour que j’exprime ma pensée. Et vous, lecteurs de chlorotiques feuilles anarchistes, approuveriez-vous les « bandits » pour n’avoir pas à fournir annuellement quelques sous ?
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