La Presse Anarchiste

Tcherkesov est mort

[(Le 18 août der­nier, âgé de près de 79 ans, s’est éteint l’un des der­niers vété­rans qui consa­crèrent leur vie à la pro­pa­ga­tion des idées anar­chistes. Notre ami Paul Reclus consacre quelques mots d’a­dieu au bon mili­tant dis­pa­ru et la rédac­tion de Plus Loin s’as­so­cie à ce der­nier hommage.

[/​La Rédaction./])]

Avec Tcher­ke­sov dis­pa­raît un homme au cœur pas­sion­né d’al­truisme. D’autres nous par­le­ront de sa vie de renon­ce­ment, de son tra­vail, de ses théo­ries… Au-des­sus de tout, je place sa fidé­li­té aux ami­tiés une fois for­mées. Par­mi les gens de toutes nations ren­con­trés au cours de ses dépla­ce­ments, des âmes se sont pro­fon­dé­ment atta­chées à la sienne parce qu’elles sen­taient l’ar­deur de ses sen­ti­ments intimes. Ceux qui ont eu le bon­heur de vivre avec lui dans la com­mu­nau­té de tous les jours, n’ou­blie­ront jamais la régu­la­ri­té de son humeur, la sim­pli­ci­té de ses besoins, son obli­geance inlas­sable, sa tolé­rance infi­nie pour les fai­blesses de ses camarades.

Tcher­ke­sov était patriote. Nous lui en ferions un crime si son pays natal était une grande puis­sance ; mais la Géor­gie ! Ce seul nom évoque un des drames les plus atroces des temps pré­sents. Après cin­quante années de pro­pa­gande « com­mu­niste » éclai­rée, voir son pays enva­hi par une horde de « com­mu­nistes », conduite à la véri­té par les sen­ti­ments du capi­ta­lisme le plus éhon­té ! Assis­ter au mas­sacre de ses amis et à la dévas­ta­tion du pays ! Il n’a­vait jamais pen­sé que le mar­xisme en vien­drait là.

Pour­tant Tcher­ke­sov a connu la joie la plus grande pen­dant un bref inter­valle, entre le tza­risme et le nou­veau régime, il a pu voir ses com­pa­triotes libres ; il a pu jouir de l’hos­pi­ta­li­té des pay­sans de la val­lée natale, autre­fois serfs, main­te­nant ses frères ; il a pu repar­ler sa langue dans son milieu ; il a revé­cu l’exis­tence d’un mon­ta­gnard géorgien.

Au nom de cin­quante amis dis­per­sés à la sur­face du globe, adieu, mon ami Tcher­ke­sov. Ton sou­ve­nir aide­ra à la libé­ra­tion de la Géorgie.

[/​P. Reclus/​]

La Presse Anarchiste