La Presse Anarchiste

Bibliographie

Esquisse d’une phi­lo­so­phie de la digni­té humaine, par Paul Gille (Alcan, éditeur).

Le mar­xisme, le réa­lisme mar­xiste a été une réac­tion contre la sen­ti­men­ta­li­té amphi­gou­rique de 89 et de 48, contre l’a­bus des grands mots de Jus­tice, de Liber­té, sou­vent vides de sens.

Les phé­no­mènes éco­no­miques sont, d’a­près Marx, les seuls fac­teurs qui déter­minent l’é­vo­lu­tion de la socié­té et les actes des hommes.

Cette théo­rie du déter­mi­nisme his­to­rique, fon­dée sur le maté­ria­lisme éco­no­mique, met en valeur des condi­tions, il est vrai, trop mécon­nues jus­qu’a­lors. Mais elle ne consi­dère que les faits maté­riels devant les­quels l’homme ne compte plus. Elle sup­prime tous les fac­teurs sen­ti­men­taux. Elle est véri­ta­ble­ment amorale.

Or l’homme n’est pas un être pas­sif. Il réagit à son tour sur les fac­teurs éco­no­miques qu’il peut d’ailleurs modi­fier dans une cer­taine mesure. Le fac­teur psy­chique inter­vient dans toute action et quel­que­fois avec part prédominante.

C’est contre le mar­xisme — sans idéal et sans morale — que Paul Gille s’est éle­vé. Le déter­mi­nisme n’est pas le fatalisme.

L’au­teur se trouve ain­si ame­né à expo­ser sa thèse sur le pro­blème de la liber­té, thèse qu’il a publiée dans un des numé­ros de la der­nière série des Temps Nou­veaux (la série d’après-guerres).

Mais, si Paul Gille conclut à la liber­té, ce n’est pas à la liber­té abso­lue au sens des méta­phy­si­ciens, ni au plai­sir égoïste et mal­fai­sant des indi­vi­dua­listes. L’homme conquiert la liber­té avec le pro­grès ; et cette liber­té se meut dans le cadre social, car la vie humaine est une vie sociale, et l’homme ne sau­rait s’abs­traire de la société.

Paul Gille défi­nit ce qu’il entend par auto­no­mie. Il ne s’a­git pas de l’illu­sion du libre arbitre, il ne s’a­git pas de l’au­to­no­mie abso­lue de Kant, déga­gée de tout sen­ti­ment sym­pa­thique ou altruiste, ce qui, au fait, ne se ren­contre jamais. Il s’a­git d’une maî­trise de soi, sup­po­sant une maî­trise de soi qui repousse toute tyran­nie, aus­si bien du dedans que du dehors. Sur cette auto­no­mie se greffe la socia­li­té. La socia­li­té nous conduit à la poli­tesse, c’est-à-dire au savoir-vivre en société.

La thèse de Paul Gille conclut en faveur du progrès :

« À mesure, dit-il, que la vie se fait plus har­mo­nieuse et plus clé­mente, elle se fait plus déli­cate aus­si, et le déve­lop­pe­ment nor­mal de la vie consciente sur notre globe, se pour­suit dans le sens d’une dimi­nu­tion crois­sante de la bru­ta­li­té et de la lour­deur ori­gi­nelle dans le sens d’une aug­men­ta­tion crois­sante de la déli­ca­tesse et des forces sub­tiles de l’esprit. »

Der Vor­früh­ling der Anar­chie… bis zum Jahre 1864. « Der Syn­di­ka­list. », Fritz Kater, Ber­lin, o, 34. Aucun prix n’est indiqué.

Les cama­rades du jour­nal alle­mand « Der Syn­di­ka­list » viennent de publier la pre­mière par­tie de l’é­tude faite par notre ami Max Net­tlau, sur les débuts des idées liber­taires jus­qu’à l’an­née 1864. Ce volume de 230 pages est plein de ren­sei­gne­ments sur les pre­mières expres­sions don­nées à l’i­dée de liber­té com­plète depuis l’é­poque grecque. Sans doute, y en a‑t-il eu d’autres anté­cé­dem­ment, mais les échos n’en sont pas venus jus­qu’à nous ; du reste, Net­tlau ne consi­dère pas cet ouvrage comme défi­ni­tif, il constate qu’il lui manque beau­coup de docu­ments et il prie le lec­teur de les lui fournir.

Voi­ci un pas­sage de sa lettre d’en­voi : « Rien ne me fait tant de plai­sir qu’ad­di­tions et cor­rec­tions à un livre et peu de livres sont aus­si incom­plets que cette ébauche. Mais il valait peut-être la peine de faire un com­men­ce­ment, de mon­trer à ce cher monde si péné­tré d’au­to­ri­té qui nous entoure, que l’i­dée liber­taire pénètre tout autre­ment encore toute l’é­vo­lu­tion mon­diale, que la socié­té ne vit pas par l’au­to­ri­té, grâce à l’au­to­ri­té, mais bien mal­gré l’au­to­ri­té et tous ses crimes et bêtises. Il faut par­ler plus hau­te­ment en liber­taire ; mon­trer à quel degré la liber­té est l’âme de tout déve­lop­pe­ment nor­mal, et que l’au­to­ri­té est la mouche du coche, la tête sculp­tée à la proue, la cin­quième roue du car­rosse. — Alors com­blez un peu mes lacunes, élar­gis­sez la ques­tion que vous avez vue se dérou­ler dans tant de détails en don­nant la der­nière main à l’Homme et la Terre. Érein­tez-moi — et mes erreurs — tant que vous vou­drez, mais appor­tez de nou­veaux maté­riaux, ce sera très inté­res­sant et je vou­drais en faire une bonne récolte pour les addi­tions à ce volume qui seront ajou­tées au second et der­nier volume que je dois com­pi­ler durant la sai­son 1925 – 1926. Je suis déjà déso­lé d’a­voir oublié Anti­pho­nie qui pré­cède Zénon, et sur lequel il y a toute une lit­té­ra­ture et un petit livre récent en russe, publié par le groupe « Golos Trou­da ». Mon livre s’ap­pel­le­rait conve­na­ble­ment Le Bar­be­lé, étant une série de cro­chets pour y dis­po­ser de nou­veaux maté­riaux, ou bien « Le Cadre à remplir. »

Tout incom­plet qu’il soit, ce livre ren­dra les plus grands ser­vices à cha­cun de nous et à la pro­pa­gande ; il nous faut le tra­duire en nous répar­tis­sant la besogne ; prière à ceux qui lisent l’al­le­mand de nous offrir leurs services.

En atten­dant, sui­vant son invi­ta­tion, j’é­rein­te­rai un peu notre ami. La tra­duc­tion du titre alle­mand serait L’a­vant-prin­temps de l’A­nar­chie, ou si l’on veut L’Aube. Toutes ces allu­sions aux phé­no­mènes ryth­miques de la nature me semblent enta­chées d’er­reur. L’aube sug­gère le cré­pus­cule ; le prin­temps fait pen­ser à l’au­tomne. Le phé­no­mène dont il est ques­tion dans ce livre est d’un ordre tout dif­fé­rent. Le besoin de liber­té est pri­mor­dial et celle-ci se dégage peu à peu des entraves de l’au­to­ri­té. L’a­nar­chie évo­lue­ra, sans doute, pour faire place à un déve­lop­pe­ment plus com­plet, mais non pas pour retom­ber sous le joug, ou du moins, nous ne l’ad­met­tons pas. La pen­sée libre est une acqui­si­tion défi­ni­tive de l’es­prit humain.

Donc, je dirais, pen­sant aux indi­vi­dus qui ont pro­cla­mé leur idéal liber­taire : les Pion­niers ou les Ancêtres ; ou voyant le cer­veau col­lec­tif de l’hu­ma­ni­té : pre­mières appa­ri­tions du sen­ti­ment anar­chiste ; ou Évo­lu­tion de l’es­prit humain vers la liberté.

Mela­noïa, revue inter­na­tio­nale, scien­ti­fique, adog­ma­tique et éclec­tique, Mme Gat­te­fosse. 7, rue des Aubé­pins, Lyon. N° 2.

Cette revue, de 80 pages, contient un récit très émou­vant d’un séjour à la pri­son de Schlüs­sem­burg — mais pour­quoi l’ap­pe­ler « roman ini­tia­tique » ? — des ren­sei­gne­ments inté­res­sants sur la nour­ri­ture végé­ta­rienne, et… d’autres choses.

Sai­sis­sons l’oc­ca­sion pour don­ner notre sen­ti­ment sur le spi­ri­tisme. On confond faci­le­ment deux ordres d’é­tudes entiè­re­ment dif­fé­rentes. Il y a les rela­tions entre êtres vivants. ― rela­tions fonc­tion­nant, à leur insu, — et qui consti­tuent des phé­no­mènes encore inex­pli­qués. Ils relèvent d’une science nou­velle, encore à ses débuts, que des « séances » spi­rites ne feront guère progresser.

Mais les braves gens ras­sem­blés autour d’un médium veulent géné­ra­le­ment entrer en com­mu­ni­ca­tion avec l’« au-delà », et ce sont ces com­mu­ni­ca­tions qui doivent prou­ver la conti­nui­té du Moi après la mort phy­sique de l’homme. C’est là le grand point : ne pas mou­rir. Il n’y a qu’une objec­tion aux « preuves » que l’on nous donne. Ce sont des vivants qui trans­mettent ou inter­prètent ces « voix d’outre-tombe » ; la bonne foi du sujet étant admise abso­lue ― quel cri­tère peut-on invo­quer pour pré­tendre qu’il ne tire pas la « mani­fes­ta­tion » de son propre fonds ou de la sug­ges­tion des audi­teurs ― sug­ges­tion consciente, sub­cons­ciente, inconsciente.

Tout cela ne tient pas debout, et mon sen­ti­ment est qu’il ne vaut pas la peine de quit­ter l’É­glise catho­lique, apos­to­lique et romaine pour entrer dans le spiritisme.

[/P.R./]

Lec­tures recommandées

Des incon­nus chez moi, par Lucie Cous­tu­rier (Ed de la Sirène).

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