La Presse Anarchiste

Simple Coïncidence ? — Bonne récompense… — Les vieillards terribles — Faux martyrs

Simple coïncidence ?

Il y a des coïn­ci­dences dignes d’ob­ser­va­tion. La récente grève des mineurs de la Loire en four­nit une d’au­tant plus signi­fi­ca­tive, qu’elle se retrouve dans maints autres mou­ve­ments grévistes.

Le mer­cre­di 3 jan­vier, l’en­tente paraît impos­sible ; les com­pa­gnies semblent déci­dées à ne rien accor­der aux gré­vistes de ce qu’ils demandent ; et, depuis plu­sieurs jours, les récla­ma­tions ouvrières res­tant vaines, les négo­cia­tions se pour­suivent sans ame­ner, ni même lais­ser pré­voir, un résul­tat favo­rable aux reven­di­ca­tions des mineurs.

Sur­vient l’é­meute du jeu­di 4 jan­vier. Police, gen­dar­me­rie, troupes sont débor­dées. Les auto­ri­tés locales assistent, conster­nées et impuis­santes, à une crise d’im­pa­tience, à un débor­de­ment de colère, qui se mani­festent sous la forme d’une révo­lu­tion qui com­mence à agir. Durant trois heures, les ouvriers sont maîtres du champ de bataille ; l’at­taque a été si tota­le­ment impré­vue et sou­daine, l’ac­tion à pris brus­que­ment une allure si vio­lente et si carac­té­ri­sée, que tout le monde a la sen­sa­tion très nette qu’il dépend des gré­vistes que la ville et même la région tout entière tombent en leur pouvoir.

Or, ils sont des mil­liers qui, de Fir­mi­ny à Saint-Cha­mond, de Rive-de-Gier à Mont­ceau-les-Mines, dans le bas­sin de la Loire et de la Saône-et-Loire, sont sor­tis de leurs puits et refusent d’y des­cendre avant que les com­pa­gnies aient capitulé.

Et voi­ci que, dès le ven­dre­di 5 jan­vier, les Socié­tés houillères qui, jusque là, s’é­taient obs­ti­nées dans leur refus d’ac­cé­der aux récla­ma­tions de leurs exploi­tés, se déclarent subi­te­ment dis­po­sées à faire bon accueil à ces réclamations.

Le same­di 6 jan­vier, l’ac­cord était fait : l’aug­men­ta­tion de salaires, exi­gée par les gré­vistes, était accor­dée, et l’exis­tence de leur comi­té fédé­ral était reconnue.

Jamais, peut-être, revi­re­ment plus com­plet ne s’é­tait pro­duit plus rapidement.

Entre ce chan­ge­ment sou­dain dans les dis­po­si­tions des Com­pa­gnies exploi­tantes et l’é­meute du 4 jan­vier, y a‑t-il sim­ple­ment coïn­ci­dence, ou bien rela­tion directe d’ef­fet à cause ? Je ne me pro­non­ce­rai pas.

Que les ouvriers réflé­chissent et qu’ils se souviennent !

Bonne récompense…

Les Fran­çais de France sont dans la déso­la­tion et la conster­na­tion : la France est deve­nue un corps sans âme. Dérou­lède, le Grand Patriote, le seul, le vrai, l’u­nique, a empor­té, sous les plis de sa redin­gote — emblème, sym­bole, dra­peau de la France en deuil, — l’âme même de la Patrie.

Âme de la Patrie, où es-tu ?… Psst ! Psst !! Reviens.

Bonne récom­pense à qui la rapportera…

Les vieillards terribles

Pen­dant nos vingt-six ans de par­le­men­ta­risme, quelles amé­lio­ra­tions a‑t-on appor­tées au régime poli­tique et social de cette nation patiente et rési­gnée ? Quelles reformes a‑t-on réa­li­sées pour faire aimer au pays les ins­ti­tu­tions républicaines?.…

Vous croyez peut-être que ces pro­pos sub­ver­sifs, et qui sont un réqui­si­toire sans réplique contre le régime par­le­men­taire, émanent d’un de ces fau­teurs de désordres qui osent décla­rer que tous les gou­ver­ne­ments sont à combattre ?

Détrom­pez-vous.

Ces paroles sont extraites du dis­cours d’ou­ver­ture pro­non­cé le mar­di 9 jan­vier 1900, à la Chambre des dépu­tés, par le doyen d’âge, le Doc­teur Turi­gny, un vieux de soixante-dix-huit ans, qui s’y connaît

Oh ! les vieillards terribles !…

Faux martyrs

Dérou­lède et Gué­rin se donnent un mal incroyable pour se rendre inté­res­sants et api­toyer sur leur « triste sort » les pleu­rards et les nigauds. Par les pré­oc­cu­pa­tions lan­ci­nantes dans les­quelles il jette — en même temps que sur le pavé — bon nombre de pro­lé­taires, le terme fait du tort à ces deux saltimbanques.

Au sur­plus, tout le monde a la cer­ti­tude que le ban­nis­se­ment de l’un et la déten­tion de l’autre ne dure­ront pas bien longtemps.

Si le ban­ni qui compte cou­ler à Saint-Sébas­tien les jours agréables d’un Dic­ta­teur en exil, et le déte­nu de Clair­vaux à qui seront lar­ge­ment accor­dées toutes les faveurs ordi­naires et extra­or­di­naires que l’ad­mi­nis­tra­tion ne refuse jamais aux pri­son­niers de marque, n’a­vaient pas l’un et l’autre la même assu­rance, je suis cer­tain qu’ils sup­por­te­raient moins béné­vo­le­ment la vie nou­velle que les vieux abru­tis du Sénat leur ont faite.

L’exis­tence du pauvre diable chas­sé par les riches des demeures, que les mains de ses frères de misère ont construites, dépos­sé­dé du sol que les efforts des pay­sans ont fécon­dé, est un per­pé­tuel et dou­lou­reux bannissement.

La vie du pro­lé­taire enfer­mé, par la rapa­ci­té capi­ta­liste, dans le bagne atroce du sala­riat, est une per­pé­tuelle et angois­sante détention.

Le misé­reux, l’ou­vrier, les voi­là ceux dont la Haute Cour sociale a fait des mar­tyrs, de vrais martyrs !

C’est à ceux-là que je réserve toute ma pitié, toute ma sym­pa­thie. Il ne m’en reste plus pour les faux mar­tyrs : les Dérou­lède et les Guérin.

Que l’hy­po­crite com­mi­sé­ra­tion des Roche­fort, des Dru­mont, des Gyp et les Cop­pée leur suffise !

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