La Presse Anarchiste

Causerie… sur des questions qui devraient intéresser l’opinion publique

Il y en a des foules de ces ques­tions, et si le public avait le sens de savoir que ses propres affaires ne peuvent être faites que par lui-même, cha­cune d’elles devrait faire l’objet, d’un grou­pe­ment en vue de mener une cam­pagne pour la dis­pa­ri­tion de l’abus signalé.

Une chose est abso­lu­ment cer­taine, c’est que, en rai­son du bud­get for­mi­dable qui grève les dépenses publiques, on devrait com­men­cer les éco­no­mies en rédui­sant le nombre de fonc­tion­naires para­sites, en sup­pri­mant les emplois inutiles. Au lieu de cela, en en crée de nouveaux.

Au cours de la guerre, dans La Bataille, j’ai eu l’occasion de citer le cas du « Comi­té des Forges », par exemple, auquel on avait confié le soin d’acheter les métaux et de les répar­tir aux indus­triels en « péréquant » les prix. Mot bar­bare et incom­pré­hen­sible qui veut dire : addi­tion­ner les prix des diverses pro­ve­nances et en faire une moyenne. Pro­cé­dé qui per­met aux indus­triels fran­çais de vendre leurs pro­duits le prix qu’ils veulent, au détri­ment des consom­ma­teurs, et per­met­tait au « Comi­té des Forges » d’encaisser des mil­lions grâce au mono­pole dont il était nanti. 

En ce moment, on est en train de faire la même chose pour le papier au pro­fit de nos usiniers.

Il y a l’aide finan­cière four­nie au géné­ral Wran­gel, un séide du tza­risme, ce qui est une dila­pi­da­tion de nos finances, une manœuvre réac­tion­naire, un moyen oblique de conti­nuer la guerre, et une inter­ven­tion dans les affaires d’un autre pays, où nous n’avons aucun droit d’intervenir en tant que nation.

Nous avons l’expédition en Syrie ; autre conti­nua­tion de la guerre, alors qu’on nous en pro­met­tait la sup­pres­sion, autre atten­tat contre le droit des peuples de dis­po­ser libre­ment d’eux-mêmes alors que, tou­jours d’après les pro­messes des gou­ver­nants, on se bat­tait pour la libé­ra­tion des peuples opprimés.

Le Mor­ning Post, du 1er octobre, à ce sujet, publie un mémo­ran­dum où l’émir Fay­çal dénonce les exac­tions dont est vic­time la popu­la­tion. Nous regret­tons que le manque de place, nous empêche de le reproduire.

Lire, à ce sujet, l’article du géné­ral Ver­naux : En Syrie, nos sol­dats souffrent et meurent, pour quelle poli­tique ? pour quels inté­rêts ? Pro­grès Civique, n° 35. Sur le même sujet, même publi­ca­tion, n° 38 et 40, l’article : Si vous vou­lez savoir pour­quoi nous nous, bat­tons en Cili­cie deman­dez-le à l’Union Pari­sienne et à M. Mar­sal, de V.Vivier.

Signa­lons, tou­jours dans la même publi­ca­tion, n° 36, l’article signé Bour­cier, l’Affaire Cha­pe­lant, Il s’agit d’un lieu­te­nant qui, reve­nu bles­sé des tran­chées où on ne pou­vait plus tenir, fut tiré de son bran­card et fusillé par ordre d’une brute qui pen­sait qu’en fai­sant fusiller à tort et à tra­vers, cela lui don­nait du prestige.

Fait sem­blable, même publi­ca­tion, n° 54 et 56, Un tra­gique abus d’autorité, par H. Géronte. Il s’agit de deux jeunes sous-lieu­te­nants qui, après avoir résis­té à une charge meur­trière où presque toute la troupe dont ils fai­saient par­tie, avait été détruite, avaient réus­si à sau­ver quelques hommes. Exé­cu­tés, sans juge­ment, dans les mêmes condi­tions que Chapelant.

Le n° 19, des Cahiers des Droits de l’Homme, contient une his­toire ana­logue. Cette fois, il s’agit de quatre capo­raux, – choi­sis au hasard, parce que le régi­ment dont ils fai­saient par­tie n’avait pas obéi à un ordre qui était inexé­cu­table, et envoyés devant le Conseil de guerre qui les condam­nait à mort. Ils furent exécutés !

Mais ceci n’est que la petite mon­naie d’un entre­fi­let du même Pro­grès Civique rele­vé dans un numé­ro, que je n’ai pu retrou­ver, où il est ques­tion que l’on pro­cède à la révi­sion des pro­cès de 2 700 sol­dats jugés et fusillés par erreur ! Deux mille sept cent !

Où êtes-vous, anciens com­bat­tants ? Où dors-tu, ô opi­nion publique ?

À côté de ces ques­tions angois­santes, com­bien d’autres qui, pour être moins tra­giques, devraient cepen­dant, sou­le­ver l’opinion.

Il y a, par exemple, les articles de Turot dans le Pro­grès Civique, nos31, 32 et 33, qui démontrent com­ment, avec l’appui du Gou­ver­ne­ment, l’Agence Havas a tué l’agence Radio. C’est que le gou­ver­ne­ment, ayant « besoin » d’une Agence qui ne laisse pas­ser que les nou­velles qui le servent, fait de son mieux pour réser­ver le mono­pole à celle qui est le mieux, domestiquée.

Le titre de l’article du géné­ral Ver­raux, n° 39, même publi­ca­tion, Les inté­rêts pri­vi­lé­giés dans les pays occu­pés, parle par lui-même.

De même les articles sui­vants, de la même revue : 

Un autre exemple de l’exploitation de la France par les Grandes Com­pa­gnies (la Com­pa­gnie des Omni­bus), par Arnaud, n° 33.

L’affaire de la N’Golto San­gha (autre affaire d’escroquerie sur les fonds publics, par Vio­lette, n° 29.

L’économiste Brousse fait à Ker­mi­na et consorts un cadeau d’environ 300 mil­lions de francs, n° 40.

Les Che­mins de Fer contre la Nation, de Vivier, nos 41, 42.

Et enfin, dans le n° 44, un extrait de l’Offi­ciel (compte-ren­du d’une séance du Sénat. Il s’agirait seule­ment de 60 mil­liards de pro­fits illé­gi­times que des socié­tés finan­cières et indus­trielles se seraient acca­pa­rés pen­dant, et à pro­pos de la guerre. C’est le séna­teur Gau­din de Vil­laine qui a décou­vert cela, en éplu­chant les comptes-ren­dus des Socié­tés, – dont il donne les noms du reste –, et qu’on leur laisse tran­quille­ment digé­rer. [[En me reli­sant, je vois que l’on va m’accuser d’être paye par le Pro­grès Civique pour lui faire de la réclame. Ça n’est pas vrai. Elle est abso­lu­ment gratuite.

D’au­tant plus gra­tuite que, si mon nom a figu­ré sur sa liste de col­la­bo­ra­teur, c’est tout à fait acci­den­tel. Je n’ai Jamais eu qu’un article d’inséré, et avec assez de dif­fi­cul­tés pour com­prendre que ma col­la­bo­ra­tion n’était pas le moins du monde désirée.

Mais cela n’empêche pas le Pro­grès Civique de mener de bonnes cam­pagnes et d’être très intéressants.]]

[|* * * *|]

La confé­rence de Bruxelles a ter­mi­né ses, tra­vaux en consta­tant que les arme­ments et les pré­pa­ra­tifs de guerre absorbent une moyenne de 20 % des bud­gets natio­naux. Elle conclut :

« La confé­rence affirme avec force que le monde ne peut pas conti­nuer à sup­por­ter des charges sem­blables. C’est seule­ment par une poli­tique de col­la­bo­ra­tion franche et entière que les nations peuvent espé­rer retrou­ver leur ancienne pros­pé­ri­té. Cette res­tau­ra­tion exige l’emploi pour tous les pays de tontes les richesses natio­nales à des dépenses stric­te­ment productives.

« En consé­quence, la Confé­rence exprime le vœu for­mel que le conseil, de la Socié­té des Nations confère au plus tôt avec les dif­fé­rents gou­ver­ne­ments inté­res­sés en vue d’obtenir leur agré­ment à la réduc­tion géné­rale de la charge écra­sante que les arme­ments, dans leur état actuel, font peser sur les popu­la­tions appau­vries du monde. »

Voi­là ce que constatent les délé­gués offi­ciels des gouvernants.

Si le bud­get mili­taire absorbe une moyenne de 20 %, des dépenses totales de tous les pays, on peut affir­mer, sans crainte de se trom­per, que cette moyenne est lar­ge­ment dépas­sée en France. Or, le minis­tère vient de dépo­ser son pro­jet de bud­get pour 1921. La loi de deux ans et une aug­men­ta­tion de 1 mil­liard 520 mil­lions sur 1920, pour les dépenses militaires.

C’est la réponse du gou­ver­ne­ment à ses délégués ! 

Si nos maîtres sont des fri­pouilles qui, pour pour­suivre une poli­tique indi­vi­duelle ou favo­ri­ser des inté­rêts non moins indi­vi­duels, ne craignent pas d’écraser le pays sous des charges de plus en plus énormes, au risque de le mener à la faillite, cela n’a rien d’extraordinaire. Mais que le public accepte ce gas­pillage de vies humaines et des res­sources arra­chées à son épui­se­ment, voi­là qui dépasse toute compréhension.

Ceux qui lut­tèrent pour la fin des guerres, la fin des mili­ta­rismes, n’ont-ils rien à dire ? L’opinion publique a‑t-elle été com­plè­te­ment jugulée ?

Lire, dans l’Œuvre du 10 octobre, l’article où le géné­ral Ver­raux démontre l’inutilité des casernes et des longues périodes d’esclavage militaire.

Et puisque main­te­nant ce sont les mili­taires qui mènent la cam­pagne. anti-mili­ta­riste, lire aus­si l’article du géné­ral Per­cin : Les peuples ne seront vrai­ment désar­més que lorsque aura vécu l’esprit de guerre, Pro­grès Civique, n° 42.

Quant aux anti-mili­ta­ristes, ou ceux qui devraient l’être tout au moins, voici :

« À la ques­tion posée par un des délé­gués (compte-ren­du du Congrès de la CGT, Mor­ning Post du 1er octobre) ; pour­quoi les syn­di­ca­listes, fran­çais n’offrent pas une plus grande oppo­si­tion à l’exportation de muni­tions de leur pays aux Polo­nais contre la Rus­sie ? voi­ci la réponse du délé­gué Dumercq :

« Il reste encore 6 000 métal­lur­gistes tra­vaillant sans cesse pour la fabri­ca­tion des obus et muni­tions. Même par­mi ceux qui, jour­nel­le­ment, votent des motions en faveur d’une révo­lu­tion immé­diate, il y en a qui sont les pre­miers à deman­der à faire seize heures par jour parce que les heures sup­plé­men­taires sont payées 5 francs chaque.

« Inutile d’ajouter que ceux-là sont éga­le­ment de farouches bolcheviks. »

Voi­là où nous en sommes !

Pour finir, des nou­velles de notre ami Kropotkine :

Le Mor­ning Post, du 21 octobre, d’après une dépêche de Stock­holm, dit, qu’à notre ami, le gou­ver­ne­ment des Soviets aurait refu­sé un pas­se­port pour aller cher­cher un endroit où refaire sa San­té deve­nue pré­caire par suite des mau­vaises condi­tions de la vie qui sévissent en Russie.

Les jeunes socia­listes sué­dois l’auraient, alors, invi­té offi­ciel­le­ment à venir en Suède comme leur hôte, et auraient en même temps noti­fié aux gou­ver­ne­ments russe et sué­dois la dite invi­ta­tion en vue de l’obtention du dit pas­se­port. Le gou­ver­ne­ment sué­dois aurait déjà don­né son adhésion.

D’autre part, un de mes amis, vieux mili­tant de la pre­mière Inter­na­tio­nale, a reçu la visite d’un ami venant de Rus­sie qui lui a décla­ré qu’il avait vu Kro­pot­kine, en bonne san­té et tra­vaillant ; mais souf­frant de la faim !

[/​J. Grave./​]

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