La Presse Anarchiste

Nationalisme ou anarchisme

Au
terme de cette étude quelques conclu­sions s’imposent :

1°)
Le natio­na­lisme poli­tique, éco­no­mique et cultu­rel est
peut-être le phé­no­mène le plus impor­tant, tout
au moins le plus visible de la socié­té contemporaine.

2°)
Le mou­ve­ment ouvrier n’é­chappe pas à la divi­sion en
nations et les séparations
ver­ti­cales en nations se révèlent, en règle
géné­rale, plus fortes que les cli­vages horizontaux
entre classes.

3°)
Les peuples évo­luent paral­lè­le­ment sans se connaître
et l’ex­pé­rience révo­lu­tion­naire inter­na­tio­nale est très
limitée.

4°)
Non seule­ment la soli­da­ri­té effec­tive est très réduite
entre pro­lé­ta­riats métro­po­li­tains et peuples coloniaux,
mais il n’y en a pas plus entre les peuples européens
eux-mêmes. (Affaires simi­laires de l’Al­gé­rie et de la
Hongrie). 

5°)
La cause essen­tielle de ces entraves au déve­lop­pe­ment d’une
conscience et d’une vie sociale mon­diales est l’exis­tence des
États-nations.

6°)
La mul­ti­pli­ca­tion des États-nations est un phénomène
his­to­rique irré­ver­sible, c’est le choc en retour de la
conquête du monde par les quelques États européens
tou­chés les pre­miers par le capi­ta­lisme et
l’industrialisation.

7°)
Ce phé­no­mène est irré­ver­sible
mais il doit être dépas­sé
l’é­ga­li­té effec­tive des peuples est la condition
néces­saire d’une véri­table société
inter­na­tio­nale. La pro­li­fé­ra­tion des États signi­fie que
les plus grands s’af­fai­blissent et que les plus petits sont
invivables.

8°)
Les mou­ve­ments d’é­man­ci­pa­tion natio­nale n’ont pas en vue la
socié­té liber­taire mais sans eux elle ne pour­rait se
réa­li­ser. La fédé­ra­tion des peuples ne peut
se sub­sti­tuer à la jux­ta­po­si­tion des États qu’à
la fin d’un pro­ces­sus géné­ral de redistribution
géo­gra­phique, éga­li­taire, des acti­vi­tés humaines
. Pro­ces­sus que l’im­pé­ria­lisme dans ses formes anciennes ou
nou­velles n’a fait qu’en­tra­ver au pro­fit des pre­mières de
l’Eu­rope de l’Ouest, les secondes des États-Unis et de l’URSS
.

9°)
Le par­ti­cu­la­risme local n’est pas en soi une fin liber­taire mais
contre le mono­pole uni­ver­sel il consti­tue une aus­si saine réaction
que la révolte indi­vi­duelle contre l’op­pres­sion sociale et la
mys­ti­fi­ca­tion nationale.

10°)
Il n’y a, pour nous, pas plus de peuple élu que de grande
nation, que de pays de la liber­té, des droits de l’homme ou du
socia­lisme, que de la civi­li­sa­tion à admi­rer. Tout État
est anti­li­ber­taire par des­ti­na­tion, tout peuple est liber­taire en
acte dès qu’il se révolte, mais peut aus­si rapidement
ces­ser de l’être vis-à-vis des autres peuples dont il
tolère l’exploitation.

11°)
La mys­tique natio­nale n’a qu’une puis­sante valeur néga­tive et
des­truc­trice (quand elle com­bat l’op­pres­sion et fait éclater
la domi­na­tion) elle ne peut rien appor­ter de posi­tif à la
conscience humaine et à l’é­di­fi­ca­tion d’une société
meilleure.

12°)
Les anar­chistes ne peuvent donc prê­ter aux mouvements
d’é­man­ci­pa­tion colo­niale et natio­nale qu’un sou­tien éminemment
cri­tique. Leur tâche reste de saper à la base tout
esprit natio­nal, toute mesure natio­nale, comme toute institution
colo­niale et impé­riale. Le rem­part de l’ex­ploi­ta­tion et de
l’op­pres­sion, de l’in­jus­tice et de la misère, de la haine et
de l’i­gno­rance reste l’É­tat où qu’il appa­raisse avec
son cor­tège : Armée, Église, Parti,
para­ly­sant les hommes et les dres­sant les uns contre les autres par
la guerre, la hié­rar­chie, la bureau­cra­tie, au lieu de les unir
par la coopé­ra­tion, la soli­da­ri­té, l’en­tr’ aide.

Noir
& Rouge

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