Le mouvement
libertaire spécifique bouge. Tout le monde se rend. compte que
les choses ne peuvent en rester là où elles sont
figées. Des débats ont lieu, des groupes volontairement
isolés ou inorganisés cessent de théoriser leur
situation. Des organisations discutent entre elles, soit directement,
soit de groupe à groupe. Des rencontres ont lieu, bref, une
évolution se produit qui débouchera tôt ou tard
sur une recomposition du Mouvement Anarchiste.
Nous reproduisons
ici des informations sur les débats, les tentatives, les
échecs, en disant parfois, mais pas toujours ce que nous en
pensons.
La TAC (Tribune
Anarchiste Communiste) présente dans son n° 22 de
décembre 77 un élément de plate-forme de
discussion :
« Le
collectif de Tribune Anarchiste Communiste a pensé s’adresser
aux militants libertaires, aux individualités qui soutiennent
son action, aux groupes révolutionnaires partisans de
l’autogestion.
Il propose (et bien
entendu toute suggestion est la bienvenue) :
1) L’organisation
d’une rencontre entre les anarchistes se réclamant de la lutte
de classe et du principe de l’organisation révolutionnaire,
pour convenir d’une plate-forme d’action minimum en vue de présenter,
tant au sein des luttes, qu’au niveau de la propagande, une
alternative autogestionnaire crédible qui puisse valablement
être opposée aux programmes réformistes de la
Gauche et du centrisme.
Il ne s’agit pas
d’une réunion de quelconque organisme de « sommet ».
À cette
rencontre devront être représentés les groupes de
base de diverses organisations, les groupes autonomes ou sans
appartenance et les individualités.
2) Contacts
immédiats et débats avec d’autres groupes
autogestionnaires dont la liste est à établir en commun
à partir de l’expérience militante des uns et des
autres.
3) Tenue, avec le
plus de publicité possible et le plus de concours possible ,
d’ASSISES NATIONALES POUR. UNE ALTERNATIVE COMMUNISTE
AUTOGESTIONNAIRE (ou autre appellation).
4) Dans le même
temps, avant et après constitution de comités de base
« pour une alternative autogestionnaire » où
se retrouveront au niveau des entreprises, des quartiers, des
localités, les militants partisans de l’Autogestion
révolutionnaire.
5) Jusqu’aux
élections législatives, campagne commune pour
l’AUTOGESTION COMMUNISTE à mener, tant au plan national qu’aux
plans locaux, constitution de collectifs de propagande, et
d’agitation à tous les niveaux.
6) Provoquer le
débat et tendre à un travail commun avec les militants
du PSU, de la CFDT et d’éventuels opposants du PCF ou du PS au
niveau des organes de base.
7) Chaque comité
de base « pour une alternative autogestionnaire »
devra, bien évidemment, participer aux luttes populaires et
tendre à transposer au plan politique, à coordonner, à.
soutenir par tous les moyens, les luttes autonomes des travailleurs.
Peu de temps après,
l’UTCL de janvier 78 publiait une plate-forme « pour une
alternative libertaire » qui retenait entre autres les
points suivants :
revendications
salariales
Maintient et
progression du pouvoir d’achat, pas de salaires inférieurs à
2500F, 500F pour tous intégrés au salaire de base.
Échelle
mobile en points uniformes calculée mensuellement sur indice
intersyndicale contrôlé par les travailleurs.
Le SMIG pour tous
les sans-emploi y compris les jeunes à la recherche d’ un
premier emploi, les retraités et les appelés.
Médecine
gratuite
Gratuité des
transports
Suppression de la
TVA
À travail
égal, salaire égal.
Emploi
Pas un seul
licenciement. On ne négocie pas les licenciement, on les
refuse.
35 hs. sans
diminution de salaire (temps de transport et de repas car pris dans
le temps de travail)
Droit de vivre et
de travailler au pays
La retraite à
55 ans
Fermes
travailleuses : droit à la formation pour toutes, droit
au travail pour toutes (les femmes représentent 38% de la
population active et plus de 50% des chômeurs)
Contre la
discrimination sexiste et raciste à l’embauche.
Conditions de vie
et de travail
8 heures de
sommeil, 8 heures de loisir
Amélioration
des conditions de transport
Des logements
corrects à des prix abordables
Amélioration
des conditions de travail ; contre le travail aliénant et
parcellisé (…)
Femmes
travailleuses : non à la double journée de travail
et pour cela des équipements collectifs ;
avortement libre et
gratuit y compris pour les mineurs et les immigrées ;
création de
crèches et garderies sur les lieux de travail ;
création de
centres d’orthogénie
Cette plate-forme
était publiée après l’échec d’une réunion
avec l’AS (voir La Lanterne Noire n°9)
La TAC en février
78 critiquait ainsi la plate-forme de l’UTCL :
« Sur
les principes, nous ne sommes pas opposés à ce que les
révolutionnaires profitent de la sensibilisation de l’opinion
en période électorale pour exposer leurs options.
Si le texte proposé
n’est en rien en opposition avec les principes de la démocratie
directe et de la tradition libertaire, il comprend un catalogue de
revendications purement quantitatives, gratuites et démagogiques,
récupérables par les partis réformistes et leur
stratégie.
Par contre,
d’autres revendications mettant en cause les structures du système
doivent faire l’objet d’études approfondies et ne peuvent être
définies au pied levé.
C’est le rôle
des assemblées de masse (mouvements revendicatifs divers sur
tous les plans et secteurs de lutte) d’établir ce genre de
catalogues. Même sous force de « propositions »
— ainsi qu’il est précisé — cela signifie forcément
que ceux qui diffuseront la plate-forme tenteront de « faire
passer » les revendications ainsi définies
prioritairement au sein des mouvements de masse où ils
militent à la base. Nous récusons cette pratique
gratuite de noyautage.
Il ne suffit pas
d’avoir une phraséologie libertaire, il faut la mettre en
pratique. Cette plate-forme et cette action sont élaborées
par une rencontre de « sommet », en fait par
quelques individus qui vont confectionner un texte de large diffusion
sans consulter véritablement leurs mandants, et surtout ceux
de la province. Nous retrouvons ici les pratiques habituelles des
divers partis étatiques.
Il n’est pas
sérieux de proposer une plate-forme si bien élaborée
à quelques semaines des élections sur lesquelles on
s’hypnotise à tort et qui servent de prétexte à
cette hâte. Pour être valable, c’est-à-dire pour
être l’émanation des militants, la plate-forme devait
être proposée il y a plusieurs mois et discutée
partout à la base. En l’état actuel, ce texte même
remanié, et cette action ne peuvent qu’être l’émanation
d’un petit groupe de camarades usant de méthodes autoritaires
inspirées du « centralisme bureaucratique ».
Le collectif de TAC
a proposé dans son « APPEL » un
processus de regroupement révolutionnaire qui doit partir de
la base, briser les appareils et. les diverses chapelles, rallier
d’autres révolutionnaires par une pratique commune au niveau
des entreprises, des quartiers, des communes, enfin, créer
l’organisation communiste nécessaire pour les luttes autonomes
de demain.
Ce processus se
situe aux antipodes de celui, arbitraire, proposé par les
camarades de l’UTCL.
Enfin, les appels
unitaires de l’ UTCL trouvaient une réalité dans une
brochure « Pour une alternative révolutionnaire »
(Éditions L. B.P.51902 . 75067 Paris, Cedex 67) commune avec
l’OCA (voir Lanterne Noire n°9) et Combat Communiste. Elle
représente un exemple typique de ce que la TAC appelle la
tentation bolchevique chez les anarchistes : 36 pages de
revendications et d’analyses réformistes et gauchistes, dont
on ne peut pas dire qu’elles sont sans intérét. Mais
que leur intérêt résiderait dans le fait qu’elles
soient avancées par les travailleurs eux-mêmes, et non
pas par une avant-garde, et 1 page sur le projet politique sans que
soit définit un quelconque désir de société.
De la stratégie, de la tactique, de la magouille.
Front Libertaire
inculpé
« Début
octobre, nous avons reçu un « Texte de mise au
point des NAPAP (Noyaux Privés pour l’Autonomie Populaire).
Cet article rappelait les positions des NAPAP sur le problème
de la violence d’État et la violence révolutionnaire.
Nous sommes les
seuls à avoir pris le risque de le publier intégralement
dans le n°76 de Front Libertaire :
Parce que, même
si nous avons de sérieuses divergences avec eux, nous
considérons que les militants des NAPAP font partie du
mouvement révolutionnaire pour l’autonomie, dont Front
Libertaire est un des moyens d’expression. Parce que l’année
77 a été marquée par le phénomène
de la violence (exécution de Tramoni, assassinat de P.Maître,
Melville, Kelkar, le mouvement italien, les assassinats de Stammhrin,
etc.) qui a interpellé tout le mouvement social, et que cet
article était une contribution au débat.
Le 6 janvier, nous
avons reçu un avis d’inculpation pour « Apologie de
crimes, de meurtre et d’incendie ».
Cette inculpation
vient à un moment précis. C’est le moment où se
développe tout un mouvement en Europe (et en France) dans le
sens de l’autonomie. Cette inculpation de Front Libertaire est en
fait un attaque envers tout un mouvement qui, à terme,
représente une menace contre le pouvoir.
Cette inculpation
est déjà l’application logique de « l’espace
judiciaire européen » cher à Giscard. C’est
la reproduction du modèle allemand qui ne se contente pas de
criminaliser, réprimer et éliminer les
révolutionnaires impliqués directement dans la
lutte armée, mais s’attaque aux « sympathisants »…
et demain aux indifférents (tous ceux et toutes celles qui ne
collaboreront pas directement à la répression, seront
des « agents du terrorisme »).
Nous pensons que le
meilleur soutien politique à nous apporter actuellement face à
ce procès est la reproduction intégrale de ce texte
dans toutes les publications possibles et imaginables.
Plus que jamais,
alors que l’État nous attaque, le soutien à Front
Libertaire est indispensable. »
Texte adopté
en Assemblée régionale parisienne de l’Organisation
Communiste Libertaire.
Il est interdit
d’envoyer du fric pour payer des amendes à venir ou déjà
venues, mais on peut soutenir en s’abonnant ou en souscrivant au
journal. 33 rue des Vignolles CCP « Front Libertaire »
3390740C La Source
Solidarité
Quatre camarades
seront-ils assassinés à Barcelone
Ces derniers temps,
des dizaines, des centaines d’arrestations de camarades libertaires à
Madrid et à Barcelone. Plus particulièrement, pour une
affaire « d’explosifs et de hold-up » comme dit
la police, 11 camarades espagnols et 4 français, sont répartis
entre les prisons de Barcelone et Madrid (voir Le Monde Libertaire
n°259 du 9 mars 1978 et Front Libertaire de la première
quinzaine de mars).
Ces camarades, lors
de leur arrestation ont été TORTURÉS afin de
leur arracher des aveux : « la roue »,
menaces de viols sur les femmes, coups de matraques, sacs de
plastique, pendaison par les poignets, etc.
La situation de 4
d’entre eux, ceux que la. justice veut charger au maximum, est
dramatique cause de la violence répétée des
matons qui veulent leur mort. Ils risquent tout simplement d’être
assassinés !
Faire un maximum de
publicité sur leur cas, c’est les protéger tant bien
que mal.
D’ici peu ils
seront tous transférés dans des prisons aux conditions
les plus dures : absence de lumière, pas de lit, pas de
WC. Ils ne peuvent tenir moralement que s’ils se sentait soutenus.
Leurs avocats
espagnols ont besoin d’argent pour leurs déplacements Nous
publierons bientôt l’adresse de l’un d’eux pour le soutien.
Il existe un comité
antirépression à Perpignan :17 bis rue Paulin
Testory, 66000 Perpignan, et pour les soutien financier : Mme
Simal, Les Hostalets, 66300 Montauriol ; Mentionner « pour
les emprisonnés de Barcelone » :
Pour Paris :
dépôt d’affiches Front Libertaire. 33 rue de
Vignolles.75020, Librairie Publico. 3 rue Ternaux 75011, Le Jargon
Libre. 6 rue de la Reine Blanche. 75013.
Groupes
Anarchistes Fédérés (Italie), G.A.F.
La fin d’une
expérience
Les « Groupes
Anarchistes Fédérés » (GAF), l’une
des trois composantes organisées du mouvement anarchiste, ont
décidé de se dissoudre en tant que fédération.
Après quelques mois de discussions, aussi bien à
l’intérieur de la fédération que dans les
milieux élargis, lors de l’Assemblée du 8 janvier qui
s’est tenue à Milan, dans le Cercle Ponte della Ghisolfa, les
militants des GAF ont rédigé un document qui explique
les motivations de cette importante décision.
Les GAF, nés
il y a une décennie en tant que « fédération
des tendances » bien que peu nombreux, ont développé
une œuvre efficace de stimulation soit organisative, soit
d’approfondissement des analyses de la situation socio-économique
actuelle. Par ailleurs, les GAF’ sont à l’origine de
nombreuses initiatives telles que la revue A , l’organisme
d’assistance pour les victimes politiques « Crocenera »,
actif de 1969 à 1972, le « Comité Espagne
Libertaire », le « Centre de Documentation
Anarchiste », la rédaction italienne de la revue
internationale « Interrogations » la nouvelle
gestion des « Éditions Antistato » et le
« Centre d’Études Libertaires C. Pinelli ».
Dans le document
qui annonce leur dissolution, les GAF précisent que « une
telle décision ne signifie nullement ni le rejet de nos
conceptions fondamentales ni l’arrêt de notre présence
active au sein du mouvement anarchiste. Au contraire, la décision
a été prise dans le but de faire face avec plus
d’efficacité aux tâches qu’en tant que militants
anarchistes organisés, nous considérons comme imposées
dans la situation actuelle ». En constatant par ailleurs
que le modèle organisationnel proposé par les GAF n’est
pas apte, dans le contexte actuel, à résoudre les
carences du mouvement anarchiste. Celles-ci se concrétisent
dans une difficulté de « contact » avec
les nouveaux conflits sociaux, symptôme d’un manque de
préparation autant au niveau théorique que pratique,
mis en évidence car l’insuffisance de l’analyse sur les
« nouveaux patrons » élaboré par
la fédération cette année. Même si elle
constitue une contribution fondamentale pour la compréhension
de la dynamique socio-économique actuelle, ces analyses pour
« pouvoir se transformer de théorie en action »
doivent être complétées par d’autres plus
approfondies sur les « nouveaux exploités, parce
que c’est ici que l’on voit dans le mouvement la carence qui
l’empêche de reprendre sa fonction active, sa pleine
pénétration sociale.
Sur le particulier,
nous ne croyons pas que le milieu restreint d’une petite fédération
affinitaire, telle que la nôtre, soit un creuset suffisant
d’expérience, de lutte, de présence dans le conflit
social. Réciproquement, pour élaborer des stratégies
sérieuses d’intervention dans une réalité à
plusieurs égards nouvelle et complexe il est nécessaire
de pouvoir travailler sur une quantité d’éléments
de connaissance directe beaucoup plus large, la plus lame possible ».
La dissolution est
donc une décision positive et utile, autant pour les militants
des GAF qu’à l’intérieur du mouvement anarchiste, et le
document précise que « notre tendance n’est pas, en
elle même, utile pour résoudre les problèmes oui
sont d’actualité, et ceci est inconcevable dans une fédération
qui a toujours voulu se caractériser par « ce
qu’elle arrivait à faire ». Nous ne voulons pas que
la fédération survive par inertie institutionnelle » ;
et finit en affirmant : « N’avançons pas à
l’aveuglette, notre projet est la construction d’une nouvelle
affinité, autour de laquelle puissent se rassembler des
groupes qui, comme nous, entendent agir par l’intervention dans la
zone libertaire du nouveau mouvement de dissension ».
Agir et non pas
simplement participer. C’est-à-dire mettre au point un
programme concret, articulé, d’intervention, avec un but
stratégiquement définit : élargir cette zone
libertaire dans la perspective de la création d’un large
mouvement libertaire, autonome , et en même temps capable
d’accueillir ce projet révolutionnaire dont le mouvement
anarchiste doit redevenir le porte parole conscient ».
Utopia
Jeudi 19 janvier à
18h. 30, un commando de quelques dizaines de fascistes a attaqué
la librairie anarchiste « Utopia » à
Milan, lançant des cocktails molotov et tirant des coups de
feu.
L’intention n’était
pas seulement d’endommager un point de rassemblement des libertaires
milanais, mais aussi de blesser ceux qui se trouvaient à
l’intérieur de la librairie à cette « heure
de pointe ». Heureusement les dommages ont été
limités, ce qui n’ enlève rien à la gravité
des faits.
La résurgence
de violence fasciste ne doit pas nous éloigner des objectifs
principaux de notre lutte : aux commandos, réponse ferme
et dure quand il est nécessaire, mais ne pas céder à
la logique seulement antifasiciste utile aux actuels tenants du
pouvoir.