La Presse Anarchiste

Chez Ramollot

Il y a quelques mois un ser­gent-major de péni­ten­ti­aire pas­sait devant le con­seil de guerre d’Alger.

Il était accusé d’avoir frap­pé un sol­dat à coup de nerfs de bœuf, de l’avoir dépouil­lé de ses vête­ments, et de l’avoir exposé nu à la porte d’un gour­bi, sous le froid et la neige.

Trois colons, témoins du fait, portèrent plainte, et, naturelle­ment, furent invités à dépos­er devant l’au­torité militaire.

Ils y allèrent :

Lors de la séance du con­seil, ils racon­tèrent ce qu’ils avaient vu, sim­ple­ment et sincère­ment, et leurs dépo­si­tions ne fai­saient que con­firmer celle du dis­ci­plinaire tor­turé par le sergent-major.

Mais tout à coup mal­gré les aveux du sous-off’ bour­reau, le con­seil de guerre par l’or­gane de son Ramol­lot de prési­dent déclara qu’il était néces­saire de met­tre à la rai­son les indis­ci­plinés, et que tous les moyens étaient bons!!

Bien plus, comme les trois colons appelés en témoignage protes­taient, le colonel menaça de les faire arrêter séance ten­ante, et le con­seil après délibéra­tion pour la forme, acquit­ta la brute de ser­gent-major « en le félic­i­tant de sa fermeté. »

— O —

Deux­ième fait — Un adju­dant de la Légion étrangère, en gar­ni­son à Bel-Abbès, fai­sait met­tre dernière­ment un sol­dat coupable d’avoir pris un verre de trop en cra­pau­dine.

Le mal­heureux, lig­oté, ficelé comme une saucisse, fut exposé au soleil la tête en bas.

Une heure après, il expi­rait par suite d’une con­ges­tion cérébrale. Pour la forme, on arrê­ta l’ad­ju­dant peu de jours après on le remit en lib­erté, et ses chefs le félic­itèrent publique­ment pour son énergie.

Il vient d’être dévoré de la médaille militaire.

— O —

Numéro trois — Tout le monde à présent a à la mémoire cette affaire du ser­gent Duc­los. Voici en deux mots le fait que nous rap­pelons. Un mal­heureux dis­ci­plinaire était en cel­lule, sans pain, sans eau, et sans vêtement.

Affamé, il frappe à la porte de son cachot, un adju­dant vint ouvrir, suivi de deux ser­gents et d’un caporal.

Aus­sitôt l’ad­ju­dant se jette sur l’homme, le ter­rasse, le frappe à coup de botte, puis le ren­ferme dans sa cel­lule, recom­man­dant aux gradés — ses sub­al­ternes — d’af­firmer que le dis­ci­plinaire l’avait injurié et frappé.

L’homme passe au con­seil de guerre, il nie et pré­tend au con­traire qu’il a été mar­tyrisé par le voy­ou galon­né. Un ser­gent et le capo­ral abon­dent dans le sens de l’ad­ju­dant, mais l’autre ser­gent, le nom­mé Duc­los, ayant un relent d’hon­nêteté racon­te les faits tels qu’ils se sont passés, tels que les avait racon­té le pau­vre disciplinaire.

Aus­sitôt les mis­érables gar­nissant le comp­toir du con­seil de guerre d’Al­ger ordon­nent l’ar­resta­tion du ser­gent Duc­los et con­damnent le tor­turé à cinq ans de travaux publics. À la séance suiv­ante le ser­gent Duc­los, inculpé à son tour, fut con­damné à un an de prison pour faux témoignage.

Le père du dis­ci­plinaire, en apprenant la nou­velle est mort de chagrin.

— O —

Tels sont les faits que nous exposons bru­tale­ment mais véridique­ment espérant que la masse en tir­era la con­clu­sion et vouera une haine invétérée à cette mon­stru­osité qui s’ap­pelle l’armée.


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