Depuis notre dernier numéro qui comprenait un dossier sur la Yougoslavie, nous avons eu connaissance par une revue espérantiste
— « Sennaciulo » de septembre 1980 — de journées d’étude universitaires sur l’anarchisme qui se sont tenues à Arangelovic début janvier 1980. À cette occasion, la presse a plusieurs fois parlé des thèses anarchistes, sans trop les déformer.1Publié en français avec quelques coupures dans Le Monde Libertaire en décembre 1980
Les débats apparemment ouverts de ces journées et leur écho dans la presse yougoslave contrastent fortement avec la situation actuelle, un an après seulement. En effet, un projet de revue intellectuelle, « Yavnost » (Opinion), présenté en octobre 1980, a été sévèrement interdit par les autorités. C’était une revue de discussion dans un climat non sectaire d’«ouverture d’esprit », appuyé par des universitaires et des intellectuels dans tous le pays. Après l’interdiction la plupart des journaux, la radio et la télévision se répandirent en attaques personnelles contre les principaux signataires du projet, dont certains, à les croire, ont des idées contraires au régime qu’ils « soutiennent depuis longtemps devant notre opinion publique aussi bien qu’à l’étranger ».
En résumé, ce sont des « positions anarcho-libéralistes, nationalistes et anti-autogestionnaires ». Comme on le voit, et c’est traditionnel dans les Pays de l’Est, les attaques sont originales et argumentées. 2Dans NIN du 30-XI-1980
L’un des principaux animateurs du projet, Ljubomir Tadic, donna une réponse à un membre du comité central de la Ligue des Communistes Yougoslaves (le PC local). Pour lui, il s’agit de falsification, de sectarisme, de peur de présenter la vérité aux travailleurs, et d’une utilisation abusive de l’article 133 du code pénal contre la « propagande ennemie », qui prévoit des peines d’un à dix ans de prison. Ça doit être ça, avoir une position anti-autogestionnaire : dénoncer l’arbitraire des vrais autogestionnaires des aparatchiks de la LCY.
Malgré des pétitions en faveur de « Yavnost », le pouvoir continue à déformer les faits, comme dans « Politika » récemment dans un article dont le titre est suffisamment éloquent : « Politicaille sous couvert de liberté scientifique » 3Dans Politika du 05-II-1981. (Plusieurs professeurs) d’université, suspendus avec une partie de leurs salaires, ont été définitivement exclus de l’enseignement – et dont privés de leur traitement – fin décembre 4 C’est la sanction qui a été appliquée notamment à plusieurs animateurs de la revue Praxis quand elle a été interdite en 1975..
L’État communiste yougoslave ne veut pas seulement mettre un frein à une activité intellectuelle trop hardie. Ce serait alors une simple mise en garde, sans mettre trop en danger la liberté de pensée qui règne en ce moment (liberté relative toutefois). En fait, les jalons d’une politique de réorientation de la formation intellectuelle sont lancés : sous prétexte d’efficacité dans la formation, certains membres haut placés du régime demande la disparition des enseignements de type sociologique et philosophique, jugés inutiles, dans un style qui rappelle beaucoup celui des ministres de l’Éducation Nationale en France après 1968.
On trouvera plus d’informations dans le numéro de la revue « Autogestions » de l’été 81 dans un dossier sur la Yougoslavie. Nous avons emprunté à ce dossier, auquel nous participons, quelques citations. Dans la mesure du possible, nous publierons d’autres échos dans le prochain Iztok.
Meraklia
- 1Publié en français avec quelques coupures dans Le Monde Libertaire en décembre 1980
- 2Dans NIN du 30-XI-1980
- 3Dans Politika du 05-II-1981
- 4C’est la sanction qui a été appliquée notamment à plusieurs animateurs de la revue Praxis quand elle a été interdite en 1975.