La Presse Anarchiste

El Moudjahid, entre les lignes

Le quo­ti­dien algé­rien El Moud­ja­hid du 1er juillet 1987 s’est fait l’é­cho, à sa manière, du roman Le Mou­choir de M. Kaci­mi El-Has­sa­ni dont nous avons publié en bonnes feuilles un cha­pitre dans notre numé­ro pré­cé­dent : « Une jour­née de la vie d’un mili­tant sin­cère et intègre d’une répu­blique démo­cra­tique et popu­laire ». Plus pré­ci­sé­ment, l’or­gane du FLN se fait l’é­cho de l’ar­ticle du jour­nal Le Monde daté du 5 juin 1987 inti­tu­lé « Le fils de Kaf­ka et de Cour­te­line ». Son auteur, J.-P. Péron­cel-Hugoz, écrit notam­ment : « Le texte aus­si fort que bref qu’est le Mou­choir consti­tue sans doute la pre­mière véri­table satire de l’Al­gé­rie indé­pen­dante. Mœurs publiques et mœurs pri­vées sont exhi­bées sans acri­mo­nie mais avec un aplomb ren­ver­sant, à tra­vers la vie inquiète d’un bureau­crate du par­ti unique en pro­vince. Voi­ci deux extraits de l’ar­ticle paru dans El Moud­ja­hid sous le titre « Magh­reb entre les lignes » qui donnent un bon aper­çu de la rhé­to­rique offi­cielle algé­rienne. Afin de ne pas frus­trer les lec­teurs nous publions aus­si plu­sieurs « inci­dences » récentes de M. Kacimi.

« Vou­lant séduire le lec­teur étran­ger, cer­tains écri­vains magh­ré­bins n’é­chap­pe­ront pas au glis­se­ment dan­ge­reux d’une plume deve­nue en réa­li­té étran­gère à un monde étrange qu’elle veut décrire, four­nis­sant force détails de la vie cou­rante, pré­sen­tant des récits hors du com­mun où la fata­li­té, le “mek­toub” sont les signes domi­nants d’un peuple sen­suel, bru­tal et igno­rant. Les pas­sions des­truc­trices, les viols, le vol, les pra­tiques magiques sont décrits avec verve et cou­leurs dans “un style sans style” qui appa­raît dès lors comme une “repo­sante clai­rière…” (J.-P. Péron­cel-Hugoz, Le Monde du 5 juin 1987). L’in­dul­gence de cer­tains cri­tiques est à la mesure des sujets abor­dés, dignes de cap­ter l’at­ten­tion du lecteur.

» Obs­cu­ran­tisme, char­la­ta­nisme, assu­jet­tis­se­ment de la femme, into­lé­rance : tout est livré sur un “mou­choir” dégou­li­nant de ran­cune et que d’illustres cri­tiques exhibent comme étant l’i­mage même d’un pays du Magh­reb. La com­plexi­té du réel est sim­pli­fiée, réduite à des cli­chés qui ren­forcent le mythe bien vivant du Magh­ré­bin arrié­ré, pauvre d’es­prit, inca­pable d’é­vo­luer de par son igno­rance et ses superstitions. (…)

» Vidant la réa­li­té de sa sub­stance, le mythe, ici, entre­tient les fan­tasmes et les dési­rs d’a­gres­sion. Récu­pé­ré, authen­ti­fié, exhi­bé, il devient jus­ti­fi­ca­tion d’i­déo­lo­gie et adhé­rence à un front de haine qui peut être celui par exemple diri­gé par un Le Pen. La “réus­site” de cer­tains écri­vains magh­ré­bins dont les œuvres s’é­ditent et se dif­fusent à large échelle à l’é­tran­ger ne doit ni aveu­gler ni gri­ser les esprits mais plu­tôt inquié­ter vu les crimes dont sont vic­times la com­mu­nau­té magh­ré­bine, immi­grée en géné­ral et les Algé­riens vivant en France en particulier.

» Les crimes de l’Ab­surde. Cet absurde qui avait déjà tué l’A­rabe dans L’É­tran­ger de Camus parce qu’il fai­sait sim­ple­ment chaud, “parce qu’il y avait le soleil”.

» Nous tenons à signa­ler que la liber­té d’ex­pres­sion est pour nous sacrée et que cha­cun doit être libre d’é­crire et d’ex­pri­mer ce qu’il veut à condi­tion que son écri­ture et son expres­sion ne nuisent pas à son pro­chain. Les écri­vains magh­ré­bins écri­vant pour les étran­gers, les écri­vains étran­gers écri­vant sur le Magh­reb doivent savoir qu’ils portent une lourde res­pon­sa­bi­li­té quant à l’his­toire des rela­tions entre les peuples médi­ter­ra­néens. » (B. H.)

Incidences

Ce n’est pas par déla­tion que les routes indiquent les villages.

La révo­lu­tion est athée, elle a hor­reur des confessions.

La pla­ni­fi­ca­tion est un dia­logue de sourds entre l’homme et le futur.

La mort devint si banale qu’ils firent de la réani­ma­tion la peine capitale.

Dieu unique, par­ti unique, can­di­dat unique, faillite de la conjugaison.

Un mar­tyr est un mau­vais joueur qui veut trans­for­mer sa perte en avan­tage pour ses partenaires.

Seule la sta­tis­tique socia­liste pro­cure au chiffre arabe l’orgasme.

La liber­té de l’É­tat com­mence là où naît l’individu.

Et si la plaine s’in­sur­geait contre les collines ?

Les bar­reaux de la cel­lule s’i­ma­ginent être les cils de l’espace.

Le pes­si­misme n’est pas une vision des choses, mais le dik­tat de la nature.

La force du miroir ? Sa mémoire courte !

Si la neige venait à recou­vrir cette terre, qu’on l’in­culpe pour faux témoignage.

La ser­vi­li­té du jour­nal consiste à conti­nuer à ser­vir ses géni­teurs après qu’ils l’ont vendu.

Pour­quoi les pierres ne s’é­rigent-elles pas des monu­ments en chair ?

Heu­reuses sont les mules, le pays qui a des pro­blèmes d’i­den­ti­té leur appartient.

Curieuse terre où il ne faut pas être voyant pour lire le futur.

Et si le galet pié­ti­né se pen­chait sur sa généalogie ?

C’est pour quand les coups de peuple ?


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