La Presse Anarchiste

Comment on prépare la guerre

    Nous tenons à la clarté du lan­gage : La sit­u­a­tion en Algérie a un nom : C’EST LA GUERRE.

     Nous nous atten­dions à une guerre de class­es mais c’est la guerre tout court. Car il faut être Staline pour croire que : « La lutte des com­merçants et des intel­lectuels bour­geois égyp­tiens, mal­gré l’o­rig­ine et la con­di­tion bour­geoise des lead­ers du mou­ve­ment et bien qu’ils soient con­tre le social­isme… doit infail­li­ble­ment amen­er la crise du cap­i­tal­isme mon­di­al. » (« Principes du Lénin­isme ». Con­férence à l’u­ni­ver­sité Sverdlov, avril 1954.) 

    Le pro­lé­tari­at nord-africain a‑t-il pu com­pren­dre en tant que classe, que « la lib­erté ne con­siste pas », comme dis­ait le grand écrivain lib­er­taire yougoslave : Svetezar Markovitch, « à rem­plac­er les pris­ons turques par les pris­ons serbes. » La grande force du pro­lé­tari­at est sa « mémoire ». Même quand il lui manque les organ­i­sa­tions de classe. Car la con­science de classe ne se « fab­rique » pas en deux jours. La mémoire du pro­lé­tari­at nord-africain n’est pas longue et, en rec­u­lant dans l’his­toire, s’en­fonce vite dans le féo­dal­isme avec une organ­i­sa­tion trib­ale, patri­ar­cale, mais s’il est vrai qu’il n’ex­iste pas de sauts dans l’His­toire, il est aus­si vrai que les « loco­mo­tives d’his­toire » dont par­lait Lénine, sont dev­enues des avions à réaction… 

    Qui a intérêt à les freiner ? 

    Qui a intérêt à ce que les peu­ples colo­ni­aux passent et s’ar­rê­tent longue­ment dans le stade des États nationaux ? 

    Sûre­ment pas le pro­lé­tari­at des colonies, pas plus que le pro­lé­tari­at de la métro­pole.

    Au pre­mier, nous ne sauri­ons lui reprocher son atti­tude nation­al­iste avec tout ce qu’elle com­porte, sans avouer ― en plus des fac­teurs que nous venons d’ex­pos­er ― notre absence.

    Mais le sec­ond ? Com­ment se fait-il qu’il marche dans cette guerre ? Les syn­di­cats bureau­cratisés qui ser­vent de frein au ser­vice de l’É­tat et au sauve­tage du Cap­i­tal­isme, la mys­ti­fi­ca­tion stal­in­i­enne qui a brisé l’u­nité de la classe ouvrière, qui a fatigué, épuisé la force du pro­lé­tari­at par une gym­nas­tique de grèves ne ser­vant que la tac­tique du P.C.F. (débrayage ¼ d’heure con­tre Rig­way, ½ heure pour libér­er Hen­ri Mar­tin ― Duc­los ― Durand ou Dupont), votes à l’Assem­blée des élus, de tous les élus « du peu­ple », de mesures pré­parant la guerre… 

    Tout cela et mille autres fac­teurs économiques, psy­chologiques et humains ont créé cette sit­u­a­tion, dans laque­lle la classe dirigeante n’avait qu’à appli­quer les enseigne­ments des « Classiques » : 

    « Bien sûr le peu­ple ne veut pas la guerre. Pourquoi voulez-vous qu’un pau­vre paysan sen­ti­men­tal dans une ferme veuille ris­quer sa vie dans une guerre puisque le mieux qu’il puisse en espér­er c’est de revenir en pièces détachées dans sa ferme. Naturelle­ment le peu­ple ordi­naire ne veut pas la guerre. Ni en Russie, ni en Angleterre, ni en Amérique, ni même en Alle­magne. C’est enten­du ! Mais après tout ce sont les chefs du pays qui déter­mi­nent la Poli­tique. Et c’est tou­jours une chose très sim­ple d’en­traîn­er le peu­ple, qu’il s’agisse d’une démoc­ra­tie ou d’une dic­tature fas­ciste, ou d’un par­lement ou d’une dic­tature communiste. 

    Vote ou pas vote, on peut tou­jours amen­er le peu­ple à obéir aux ordres des chefs. C’est facile. Tout ce que vous avez à faire c’est de leur racon­ter qu’ils ont été attaqués et de dénon­cer les paci­fistes pour leur manque de patri­o­tisme qui expose le pays aux dan­gers. Ça marche tou­jours de la même façon dans tous les pays… » 

    Voilà com­ment on pré­pare la guerre ― par un qui s’y con­nais­sait… (con­fes­sion du Maréchal Her­mann Göring au Doc­teur G. M. Gilbert, pro­fesseur de psy­cholo­gie à l’u­ni­ver­sité de Prince­ton, qui lui était attaché pen­dant le procès de Nuremberg.) 

Wal­ter


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