La Presse Anarchiste

Abats l’État !

L’ex­ploi­ta­tion éco­no­mique, la divi­sion du tra­vail, la divi­sion tech­nique, la divi­sion sociale, la hié­rar­chie, la domi­na­tion. Le pou­voir d’État. 

La vie mor­ce­lée, mesu­rée, assas­si­née. La misère et l’en­nui. Le tra­vail à la chaîne, les heures sans vie, la répé­ti­tion, la repro­duc­tion du même geste, du même acte. La mort absor­bant la vie. La mau­vaise mort de la mau­vaise vie. 

La pas­si­vi­té, le spec­tacle géné­ra­li­sé, le condi­tion­ne­ment, la mode et le suf­frage uni­ver­sel. Une illu­sion, toute petite, codi­fiée, réa­liste, bien amé­na­gée : les élec­tions. Sans aven­ture, sans risque, un vote pour chan­ger la vie. L’acte est minime, la pro­messe énorme, le résul­tat, nul. 

Entre la consom­ma­tion osten­ta­toire et la misère, entre la bour­geoi­sie exploi­teuse et l’im­mi­grant sans pain ni droit, la domi­na­tion de classe s’ins­talle ; l’i­déo­lo­gie uni­fi­ca­trice réduit le conflit aux limites pré­vues par le sys­tème, l’en­toure du car­can mate­las­sé de la légi­ti­mi­té. Le pro­lé­ta­riat, la pay­san­ne­rie, assou­pi, choi­sit ses délé­gués et attend s’a­dapte, choi­sit ses chefs et attend ; s’in­tègre, choi­sit ses gou­ver­nants et attend. 

Les ouvriers tra­vaillent (les femmes avec deux patrons), les intel­lec­tuels écrivent, les syn­di­ca­listes et les bureau­crates trans­mettent la consigne, le code, les poli­ti­ciens gou­vernent ou se pré­parent à gouverner. 

Mais la vio­lence en sour­dine de la vie quo­ti­dienne n’est pas seule à sou­te­nir le vieux monde. La force, la seule force légi­ti­mée, celle de l’É­tat, se montre à face dévoi­lée telle qu’elle est, vio­lence de classe, quand la rébel­lion exige le chan­ge­ment et met en dan­ger les pri­vi­lèges, le capi­tal, le pouvoir. 

Et la rébel­lion existe. Le nou­veau monde est en ges­ta­tion. La vie, la véri­table vie s’y concentre. Les grèves sau­vages, le mou­ve­ment qui amal­game l’u­sine et la rue. La spon­ta­néi­té du geste col­lec­tif qui uni­fie le long tra­vail des idées et de l’ac­tion, l’ac­tion directe. 

Et aus­si l’at­ten­tat, la séques­tra­tion poli­tique, la gué­rilla, la mino­ri­té, la lutte. Et la répres­sion, la tor­ture, la pri­son, le racisme, le géno­cide ou la guerre, suprême recours du par­ti de l’ordre. 

Face au sys­tème éta­bli, une hypo­thèse : la Révolution. 

La Révo­lu­tion, le chan­ge­ment total face à la tota­li­sa­tion de l’ordre d’É­tat. Le monde du pos­sible ouvrant une brèche dans le réa­lisme quo­ti­dien. L’a­bo­li­tion du sala­riat, de la pro­prié­té pri­vée et de l’É­tat. La Révo­lu­tion, un mou­ve­ment col­lec­tif expro­pria­teur et anti-éta­tiste. L’a­bo­li­tion de la divi­sion dirigeant-dirigé. 

Est-elle pos­sible ? En tout cas c’est un pari et une lutte. Il n’y a pas d’es­cha­to­lo­gie, l’at­tente du Grand Soir est un ali­bi. Mais c’est la construc­tion d’un mou­ve­ment, c’est un effort constant, ici et main­te­nant. C’est un risque. C’est une rup­ture. C’est la seule pos­si­bi­li­té du changement. 

Ne pas accep­ter les règles du jeu, jeu tru­qué par la domi­na­tion de classe. Refu­ser les condi­tions impo­sées par la légi­ti­mi­té ins­ti­tuée, légale, d’É­tat. La Révo­lu­tion c’est la des­truc­tion de la divi­sion du tra­vail, de l’au­to­ri­té patriar­cale, de la domi­na­tion de classe, du pou­voir d’État. 

Avant, pen­dant et après : Abats l’État. 

Avant, parce que l’É­tat est aus­si à l’in­té­rieur de cha­cun, inté­rio­ri­sé sous forme de rela­tion entre les hommes. Révo­lu­tion­naires et conser­va­teurs sont le fruit du même pro­jet his­to­rique. Refus par les uns, accep­ta­tion par les autres, de la même socia­li­sa­tion, les mêmes ins­ti­tu­tions : l’é­le­vage de nour­ris­sons, l’é­cole, l’ar­mée, l’u­sine. Les mêmes mythes : l’é­glise ou la patrie. La famille. La même vie quotidienne. 

Pen­dant, parce que le vieux monde est dur à cre­ver et l’in­sur­rec­tion, qui désar­ti­cule l’É­tat consti­tué, a ten­dance à cher­cher un nou­veau centre de légi­ti­ma­tion de l’ac­tion révo­lu­tion­naire, un nou­veau centre de déci­sion, un nou­veau groupe de délé­gués, spé­cia­listes, bureau­crates, une nou­velle classe de diri­geants. Un nou­veau pou­voir d’État. 

Après, enfin, nous com­men­ce­rons, nous conti­nue­rons. Abats l’État ! 

Nico­las

La Presse Anarchiste