La Presse Anarchiste

Classe et idéologie

L’une de nos pre­mières dis­cus­sions s’en­gagea sur le prob­lème de l’idéolo­gie et la posi­tion de classe. Le point de départ fut une con­stata­tion : notre groupe se définit comme tel en fonc­tion d’une prise de posi­tion poli­tique révo­lu­tion­naire. C’est-à-dire que la déf­i­ni­tion idéologique est préal­able, au niveau indi­vidu­el, et con­stitue la rai­son de notre rassemblement. 

Nous ne sommes pas un groupe d’u­sine, nous ne sommes pas un groupe de quarti­er. Nous sommes un groupe idéologique. 

Quel est le rap­port que nous pou­vons décel­er entre notre appar­te­nance de classe, actuelle et d’o­rig­ine, et notre idéolo­gie poli­tique ? À un autre niveau, quel est le rap­port qui existe entre la classe sociale et la com­po­si­tion de classe de dif­férents mou­ve­ments révolutionnaires ? 

Et cette réflex­ion ne peut pas échap­per à la prég­nance de « l’idéolo­gie dom­i­nante » c’est-à-dire, à la posi­tion priv­ilégiée qu’oc­cupe le pro­lé­tari­at urbain (indus­trie) dans la théorie révo­lu­tion­naire. (Référence à un autre prob­lème à dis­cuter : Luttes de class­es et class­es sociales. Pro­lé­tari­at et bour­geoisie. Fonc­tion révo­lu­tion­naire de la classe : le rôle his­torique du pro­lé­tari­at. Change­ment de struc­tures de class­es dans le cap­i­tal­isme avancé.) 

Il sem­ble évi­dent que le rap­port entre « la classe », les indi­vidus (agents d’une classe) et l’idéolo­gie, n’est pas immé­di­at, l’idéolo­gie n’est pas un reflet de la posi­tion de classe. En ce qui con­cerne l’idéolo­gie il faut tenir compte de : 1° l’idéolo­gie en tant qu’in­stance sociale ; 2° l’idéolo­gie en tant qu’­ex­péri­ence vécue, en tant que pra­tique, qui « ne passe pas par la con­science » ; 3° l’idéolo­gie en tant que sys­tèmes d’idées ou représen­ta­tions ; une idéolo­gie poli­tique : le marx­isme, l’a­n­ar­chisme, le conservatisme. 

Le rap­port n’est pas immé­di­at, mais quelles sont les médiations ? 

Le fait qu’une couche de la classe ouvrière — l’élite ouvrière par ex. — prenne une posi­tion réformiste ou de col­lab­o­ra­tion de classe et qu’elle fasse le jeu de la bour­geoisie admet une expli­ca­tion socio-économique, de même que, dans la bour­geoisie, il y a des « intel­lectuels » qui défend­ent des posi­tions de la classe ouvrière. 

Mais au niveau indi­vidu­el ou de groupe il est pos­si­ble de refuser l’idéolo­gie de sa pro­pre classe, d’être un « traître » à sa classe, et à ce niveau-là l’ex­pli­ca­tion ne peut être que psychologique. 

Le prob­lème devient plus aigu si l’on con­sid­ère qu’un mou­ve­ment révo­lu­tion­naire ne recoupe pas néces­saire­ment une classe, et dans la mesure où une théorie ou posi­tion révo­lu­tion­naire est franche­ment minori­taire et ne « représente pas empirique­ment » une classe [sauf pour une théorie poli­tique qui court-cir­cuite le prob­lème liant par déf­i­ni­tion la théorie (ou la con­science) à la classe] l’ex­pli­ca­tion relève d’une théorie à con­stru­ire sur la rela­tion des niveaux en jeu. 

Ce prob­lème, croyons-nous, est fon­da­men­tal pour la ques­tion de la fonc­tion révo­lu­tion­naire d’une classe, de la rela­tion entre les minorités révo­lu­tion­naires, l’or­gan­i­sa­tion et le spon­tanéisme, à l’au­tonomie de la classe dans son rap­port à la con­science, et à la théorie révolutionnaire. 


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