La Presse Anarchiste

« Il faut hurler avec les loups »

[[Izves­tia de Crons­tadt, 14 mars 1921]]

Féli­ci­ta­tions, camarades.

Comme le disait Libé­ra­tion du 24 mai : « Il est de notre devoir d’ap­por­ter notre sou­tien (aux mili­tants incul­pés du rapt de Sua­rez) ain­si qu’à ceux qui sont encore en fuite ». L’en­lè­ve­ment de Sua­rez pose soli­de­ment et concrè­te­ment le pro­blème de la lutte contre la classe diri­geante de notre pays, en sou­li­gnant que le capi­tal, pas plus que le fas­cisme, ne connaît de frontières.

Oui, cama­rades, une ligne claire est tra­cée, entre ceux qui sou­tiennent l’É­tat, et ceux qui l’at­taquent. C’est donc avec inté­rêt que nous avons vu com­ment se mani­fes­tait votre soli­da­ri­té : 2 entre­fi­lets, et le 29 mai un pre­mier article consé­quent. Une semaine après l’in­cul­pa­tion de 10 per­sonnes, par­mi les­quelles des mili­tants anar­chistes connus, Libé­ra­tion décou­vrait le pot-aux-roses :

Mais c’est bien sûr…

« DES BARBOUZES DANS LE COMMANDO »

Élé­men­taire, my dear Wat­son… Si vous aimez fris­son­ner à la lec­ture des échecs san­glants de l’I­RA, du FPLP ou des Tupa­ma­ros, vous ne per­dez pas de vue qu’il s’a­git d’or­ga­ni­sa­tions authen­ti­que­ment révo­lu­tion­naires, et donc en aucun cas péné­trées par la moindre bar­bouze. Par contre, quand l’af­fron­te­ment déborde dans votre propre jar­din vous com­pre­nez immé­dia­te­ment que l’en­ne­mi, comme le dit Jacques Nobé­court (Le Monde du 30 mai), c’est « l’a­nar­chisme fasciste ».

Oui, cama­rades, comme vous dites, « tout est bizarre » dans votre article du 29 mai. Cha­peau pour l’en­quête, qui prouve au moins que vous avez péné­tré avec aisance les cercles les plus secrets de la hié­rar­chie fas­ciste inter­na­tio­nale. Votre connais­sance intime des négo­cia­tions enga­gées par le gou­ver­ne­ment fran­quiste donne tout son poids à votre affir­ma­tion que Lucio Urtu­bia est « un frêle com­parse de l’en­lè­ve­ment » — un bon point pour les flics, ils ont donc visé juste. De même, votre (?) enquê­teur a vu qu’une Porsche blanche fas­ciste rôdait lon­gue­ment autour du repaire des Urtu­bia — à moins que le conduc­teur ne lui ait fait son rap­port ? Assez curieux, n’est-ce pas ?

Si les prin­ci­paux auteurs de cet article com­bien bizarre sont encore en liber­té, ce n’est peut-être pas pour rien. Le jour même où vos colonnes publiaient cette merde digne des plus beaux délires de l’Hu­ma­ni­té-Gué­péou sur les gau­chistes-Mar­cel­lin, hit­lé­ro-trots­kistes et autres chi­mères, la police dévoi­lait qu’elle inter­ro­geait depuis 48 heures celui qui deve­nait le maillon sui­vant de la chaîne…

Votre entre­prise de déla­tion poli­cière vient à point pour iso­lé les révo­lu­tion­naires que traque désor­mais le pou­voir. Les milieux liber­taires sau­ront juger à sa juste valeur votre prise de posi­tion à l’heure où ils sont une fois de plus expo­sés à la répres­sion. Un jour­nal qui a sou­te­nu incon­di­tion­nel­le­ment les plus beaux fias­cos de la soi-disant Nou­velle Résis­tance Popu­laire a trou­vé qu’il valait mieux chan­ger d’air…

Il y a un an qu’é­tait lan­cé le grand défi : « oui, un quo­ti­dien démo­cra­tique peut paraître ». Eh bien, c’est gagné : avec les autres per­ro­quets de la presse « démo­cra­tique », Libé veut main­te­nant hur­ler avec les loups.

Il est vrai que les com­mu­ni­qués des ravis­seurs de Sua­rez n’ont jamais pré­ten­du « don­ner la parole au peuple ». Il y a là de quoi gêné ceux qui, à Libé­ra­tion, ont depuis long­temps pris le par­ti de prê­ter leur propre parole à un peuple, aux mains rudes et à l’âme frustre, sor­ti droit de leur ima­gi­na­tion Il y a chez ces gens-là — qui ne sont pas nos cama­rades — une volon­té trop évi­dente de pou­voir : quand la réa­li­té ne colle pas au sché­ma qu’on veut lui fixer, on gomme, on déforme, et quand ça ne suf­fit plus, on se rabat sur la calom­nie. Ici, la calom­nie est signée « P.C. ». Tout un programme.

Groupe Auto­nome de Résis­tance à l’Intoxication

(p.c.c. : Comi­té de Défense des Incul­pés de l’Af­faire Suarez) 
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