[[par Ratgeb, Édit. 10 – 18, moins de 4 F.]]« Il indiquerait la voie à suivre pour aboutir à une complète harmonie entre la nature et l’esprit… Transposition joyeuse du Paradis tel qu’il était à l’époque d’Adam et tel qu’il sera sous le règne du nouvel Adam … le royaume millénaire gouverné par l’esprit divin et innocent de l’amour. Le tableau tout entier serait une illustration des rites d’une secte hérétique, la secte du libre Esprit, qui pratiquait le culte d’Adam et à laquelle Bosch aurait adhéré. L’œuvre serait en somme une émanation du vieux gnostisme licencieux qui érigeait la débauche en méthode d’ascension spirituelle. » Robert L. Delevoy, à propos du Tableau de Jérôme Bosch : Le Jardin des Délices (dont un fragment illustre la couverture du livre cité).
Le tout est un plaisir pour qui n’a pas vu paraître, depuis 68, un seul livre révolutionnaire, bien que l’amoncellement, au nom du gauchisme, des ouvrages spécialisés puisse donné l’illusion du contraire : les collections de livres gauchistes, en dehors de quelques rééditions, ne sont en fait que sociologie, économie, psychologie, histoire, ou simplement journalisme.
Le problème du cours de la révolution, de la radicalisation des luttes ouvrières, est manifestement ce qui presse le plus Ratgeb d’écrire, c’est à la fois la partie du livre (ABCD de la révolution) la plus catégorique, la plus précise et la plus fragile : criticable, pratiquement irréalisable. Le plus difficile à détéminé est la stratégie de la révolution : le danger du schématisme et de la simplification est grande. Le rôle de stratège, même collectif, retourne toutes les séparations du vieux monde contre les meilleures intentions révolutionnaires. Ratgeb emploie un vocabulaire militaire (zone, ennemi, ralliement, guérilla…) qui est trop simpliste pour caractériser la violence révolutionnaire. Mais le texte ouvre la voie de l’autogestion généralisée quand il montre que la force de la révolution sera dans ses capacités de transformation immédiate de la vie, de passage de l’échange au don, d’abolition du travail forcé et du salariat. Si « les nouveaux droits de l’homme » ont déjà trouvé à travers ce livre un bon « anti-législateur », la révolution ne possède pas encore son antistratégie et, de fait, elle ne peut s’inscrire que dans le cours de la lutte autonome des travailleurs.
Tous les scientistes, économistes ou psychologues ne pourront supporter de voir fondé la révolution sur « les refus les plus communs », sur la distribution des richesses : le DON, sur le droit des passions et le retour des temp aventureux, mais leur raisonnabilisme leur permet trop bien de fonder les ravages quotidiens du capitalisme.
Un critique littéraire du journal « Le Monde » a félicité Ratgeb pour son imagination poétique (il s’étonnerait moins s’il se souvenait de Fourier), la « poésie », si elle permet de voir plus près de soi-même et plus loin que la première crise pétrolière ou gouvernementale venue, est la subversion même.
Ratgeb démontre que la plus efficace pratique révolutionnaire est celle qui se fonde sur « la hausse immédiate du plaisir de vivre », non sur la morale et la justice de nos socialistes scientifiques. Les travailleurs de Lip ont déjà donné une assez belle idée de ce plaisir, et ils ont d’une seule grève active obscurci l’avenir de leur paténalistes protecteurs de la CFDT et PSU. Le coup de barre électoraliste, mitterrandiste de cette gauche, qui réduit l’autogestion à un programme électoral, n’est bien compréhensible que par rapport à la tentative ouvrière de Lip.
La gauche en France = le capitalisme bureaucratique + la démocratie bourgeoise. Il leur faut faire oublier Lip, l’enfouir comme une anecdote dans la « grande marche au pouvoir de la gauche », il faut au contraire pour nous, pour les travailleurs, discuter les insuffisances de Lip, critiquer tout ce qui restait encore de représentation ouvrière, de séparations dans la lutte, de dépendance de l’organisation des grévistes par rapport aux bureaucraties, tout ce qui a causé l’isolement du mouvement…
L’autogestion généralisée, telle qu’elle est décrite et synthétisée par Ratgeb, telle qu’elle a été discutée, étudiée, à travers l’histoire du mouvement ouvrier par des groupes comme Noir et Rouge [[« L’autogestion, l’État et la révolution », Noir et Rouge Edit. La Tête de Feuilles. On trouvera des études, informations et analyses sur les grèves sauvages dans des numéros d’ICO., disponibles pour les camarades que ça intéresse : commandes à la revue]], telle qu’elle est pour chacun la lutte contre tous les pouvoirs qui veulent canalisé notre vie, l’autogestion généralisée reste la forme d’organisation sociale la plus haute que seule la lutte autonome des travailleurs peut réaliser pour changé la vie en transformant le monde. Dans ce sens, le livre de Ratgeb est à prendre, sur sa propre demande, comme une somme de « contributions à la lutte des ouvriés révolutionnaires, destinées à être discutées, corrigées et principalement mises en pratique sans trop tarder. »
M. M.