Mis à part un numéro de « Noir et Rouge » en 1966 et heureusement des rééditions récentes de brochures par des groupes parisiens, ainsi que le « Ni Dieu ni Maître », improprement signé du seul nom de Daniel Guérin (puisque ce fut un travail plus ou moins collectif), la pensée de Malatesta est escamotée aux camarades de langue française, actuellement du moins, car de nombreuses traductions d’articles parurent dans différents périodiques.
L’intérêt des positions de Malatesta est qu’il fut un des premiers à dénoncer le déviationnisme inhérent à la structure syndicale, au moment de l’apologie de la Charte d’Amiens, et qu’il défendit sa position pendant les fameuses occupations d’usines de 1920 en Italie.
Il attaqua également fortement les illusions des anarchistes électoralistes et des organisateurs centralistes (lettre de Makhno et réponse de Malatesta).
Mais Malatesta était surtout un militant concret, ce qui explique sa participation à la propagande par le fait — dont il fut un des théoriciens du vivant de Bakounine —, à des actions de masse — Ancone, en 1914, et 1920 déjà cité. Ce désir de concret se reflète dans ses pages sur la révolution russe, le « Programme anarchiste », « Quelques considérations sur le régime de propriété après la révolution », « Idéalisme et matérialisme », par exemple.
Plutôt qu’une anthologie de textes, comme l’ont fait Fabbri et Vernon Richards. Israël Renof — présentateur — a préféré un choix d’articles parmi les plus caractéristiques, afin de rendre plus vivante la pensée de Malatesta.
Au risque d’enfreindre la règle du présentateur, voici deux aspects de Malatesta :
« Pour ce faire (arriver à la révolution), nous estimons nécessaire que les moyens de production soient à la disposition de tous et qu’aucun groupe d’hommes, ou groupes d’hommes, ne puissent obliger les autres à obéir à sa volonté ; ni exercer son influence autrement que par le raisonnement et l’exemple. Donc : expropriation des détenteurs du sol et du capital à l’avantage de tous et abolition du gouvernement. En attendant : propagande de notre idéal ; organisation des forces populaires ; combat continuel, pacifique ou violent selon les circonstances, contre le gouvernement et contre les propriétaires pour conquérir le plus possible de liberté et de bien-être pour tous. »
(fin du Programme, rédigé en 1920).
« Nous sommes tous, sans exception, obligés de vivre, plus ou moins, en contradiction avec nos idées ; mais nous sommes socialistes et anarchistes précisément dans la mesure où nous souffrons de cette contradiction et que nous tâcherons, autant que possible de la rendre moins grande. Le jour où nous nous adapterons au milieu, nous n’aurons naturellement plus envie de le transformer et nous deviendrons de simples bourgeois. Bourgeois sans argent peut-être, mais non moins bourgeois pour cela dans les actes et dans les interventions. »
(« Le Réveil » 5-11-1904).