[/Carlos Semprun Maura. Ed. Mame 1971/]
Ce n’est pas du verbiage « militant », dogmatique, qui ne veut que ramener l’histoire à ses propres objectifs.
À la fois riche en informations « oubliées » par d’autres (les staliniens, les trotskystes, et les anarchistes) à la fois engagé sur le passé et sur le présent, on n’y retrouve ni la distanciation de l’historien, ni l’aveuglement de l’homme de parti.
Adversaire résolu du marxisme-léninisme qui « englue toujours les organisations et les cerveaux », Semprun se livre à une critique radicale de la « période rouge » de la CNT-FAI : bureaucratisation, militarisation des milices, participation au gouvernement, bolchévisation en un mot, sans tomber dans un anti-anarchisme « primaire » qui voit dans ces phénomènes une condamnation de toute pensée libertaire. C’est bien une critique radicale de toute forme de hiérarchie « naturelle ou bureaucratique » qui est faite et illustrée avec le renversement de la logique stalinienne de l’efficacité : ce sont les chefs, les organisateurs, les frontistes qui fournirent des armes au fascisme en muselant les forces populaires en train de réaliser l’autogestion à la base (voir le chapitre sur les collectivisations).
Adversaire du triomphalisme qui bêtifie sur le rôle charismatique de la classe ouvrière, avec ou sans parti d’avant-garde, Semprun, en parlant de la révolution espagnole au présent, nous invite, et c’est ce qu’il y a de plus positif dans ce livre d’« histoire », à y voir une correspondance dans une situation actuelle moins paroxystique : service d’ordre, groupuscules, rejet du spontanéisme, « embourbement dans les marécages symboliques de la répétition », alliance avec des forces bourgeoises pour soi-disant éviter le fascisme, autant de critiques qui doivent se mener aujourd’hui même dans NOTRE situation.
Bref, le meilleur livre « politique » sur la situation actuelle, paru depuis 1968.