On t’insulte. Réponds par le mépris.
On te calomnie. Fais de même.
Le mépris est la vengeance suprême des âmes supérieures à l’égard des inferhommes puants qui bavent sur leurs talons.
Tout mâtin aboie à la lune. La lune lui répond-elle ? Non ! Elle brille, imperturbable, dans les hauteurs, reflétant sur la terre la lumière que le soleil lui envoie. Sois placide et serein comme l’astre des nuits, ô insulté, ô calomnié ! Tu seras toujours semblable à Phébé brillante, resplendissante, mélancoliquement belle, alors que ton insulteur, ton calomniateur demeurera toujours un chien ― un roquet ignoble, aboyant à la lune, jaloux de la clarté qui met à nu ses pustules.
Méprise. Toujours. Inaltérablement. Imperturbablement. Et si tu as de ton côté, pour te défendre contre les chiens, la loi, n’y aie pas recours. N’aie recours à rien. Méprise toujours. Comme il sied à un homme. À un être libre. À une âme supérieure.
Le mépris est le recours des grandes âmes. Il fut le consolateur suprême du grand infortuné Anthero de Quental dont l’esprit élevé se sentait « seul » au milieu de la multitude.
Il fut le guide impérissable d’Ibsen qui, dégoûté de la bête humaine vile et nauséabonde, écrivit l’apophtegme célèbre : « l’homme le plus seul est celui qui est le plus fort. »
O solitude morale ― solitude des âmes qui trouvent en elles-mêmes le suc vivifiant qui les anime.
Donc, tu sens dans ton cerveau bouillonnant la pensée audacieuse et purificatrice ; donc l’amour, l’art, l’amitié, le bien du prochain font battre ton coeur enthousiasmé ; donc, tu as lutté et bataillé avec désintéressement, avec noblesse pour la justice et pour la vérité ; donc tu es « quelqu’un » : le porteur d’une conception originale, personnelle de la vie, d’une idée propre et inédite, d’une pensée « à toi » ― et il faudrait baisser le regard vers le ver qui se tord à tes pieds dans le désespoir de son impuissance, dans le dépit de sa stupidité, dans la rage de son incapacité mentale.
Non. Mille fois non. Suffis-toi à toi-même. Pense, lutte, travaille. Sois toi-même. Et méprise . Toujours. Imperturbablement. Inaltérablement.
Et que ton mépris soit réel, authentique, naturel, ni feint, ni postiche, ni conventionnel. Qu’il jaillisse « du dedans » de la conscience pure de ta supériorité mentale et morale.
Car il y a mépris et « mépris ». L’âne, en voyant mis à jour ses âneries ineffaçables, feint de mépriser la critique par impuissance de prouver qu’il n’est pas un âne ; ― le menteur, convaincu de mensonge, feint de mépriser qui l’accuse par impossibilité de prouver qu’il est véridique.
Il y a mépris et « mépris ».
L’un est se sentiment qui naît naturellement de l’âme de l’homme loyal et intelligent, par rapport à l’inerhomme qui le harcèle. L’autre est le désespoir qui naît de l’incapacité de l’inferhomme de montrer qu’il ne l’est pas.
Angelo Jorge.