JE SUIS COMME TOI, mon camarade,
pris dans l’engrenage de la Misère,
et je compatis à ta peine…
et sous mes vêtements usés, limés,
de bureaucrate (ô dérision !) —
je porte un cœur si las, sais-tu,
d’avoir en vain tendu les mains
vers d’inaccessibles chimères…
Je porte un coeur si las, sais-tu,
d’avoir rêvé tant de voyages,
SANS JAMAIS PARTIR…
Je suis comme toi, mon camarade,
pris dans l’engrenage de la misère…
et j’ai lutté à ton côté,
pour ma femme et pour mon enfant
contre les forces de haine —
POUR FORGER LA CITÉ FUTURE…
Je porte un cœur si las, sais-tu,
d’avoir voulu — humble — m’instruire
sans en posséder les moyens ;
d’avoir longtemps gratté le sol
pour tirer ma maigre pitance,
et d’avoir à compter toujours,
sou par sou.
sans jamais connaître l’aisance !
JE SUIS COMME TOI, MON CAMARADE ;
je porte en moi le lourd fardeau
de la souffrance éparse,
de mes élans réfrénés,
de mes désirs muselés,
de mes espoirs anéantis„.
et mes yeux s’emplissent de larmes,
mon gosier roule des sanglots,
à la pensée des mots que le n’ai pas osés,
des vers que je n’ai pas écrits…
et je tremble d’effroi,
qu’épuisé d’assauts incessants
sur le rocher D’INDIFFÉRENCE —
mon coeur triste et brisé,
déçu,
devienne injuste et dur —
comme un caillou.
E. R. Duanyer.