La Presse Anarchiste

Causeries

[[Cet arti­cle est noté comme la suite d’un autre. C’est soit une erreur, soit l’indi­ca­tion d’une pub­li­ca­tion antérieure, incon­nue jusqu’à présent. La seule pub­li­ca­tion anar­chiste pub­liée à Alger, avant Le Lib­er­taire sem­ble avoir été Le Toc­sin, édité en 1890 (d’après la thèse de René Bian­co sur la presse anarchiste).]]



La société, pas plus que la civil­i­sa­tion, pas plus que la flanelle de san­té, le phono­graphe, les con­serves Liebig ou les machines à coudre, n’est de créa­tion naturelle, c’est une insti­tu­tion humaine, due au développe­ment gradu­el de l’intelligence.

Il faut donc faire cette société, ou plutôt la refaire, parce qu’elle est mal faite.

Il faut cor­riger les fatal­ités naturelles, en atténuer, et même si faire se peut, en sup­primer les con­séquences désastreuses.

Entre autres procédés pour amélior­er leur sit­u­a­tion et pour lut­ter effi­cace­ment con­tre les innom­brables dan­gers qui les assail­lis­sent de toutes parts, les hommes ont imag­iné de se prêter un appui réciproque.

Ayant appris com­bi­en l’isole­ment et l’in­sol­i­dar­ité sont funestes, ils se sont réu­nis par groupes, ils ont mis en com­mun leurs ressources et leurs efforts ; ils se sont engagés à quelques-uns à se soutenir mutuellement.

— O —

Mais ces groupe­ments, ces asso­ci­a­tions rem­plis­sent-ils le but cher­ché ? Certes non. Ils sont faits tout entiers pour les forts les rich­es, tan­dis qu’au con­traire, ils devraient être insti­tués au prof­it des petits et des faibles.

Les forts n’ont pas à red­outer les fatal­ités naturelles tan­dis que les faibles en pâtis­sent au point d’en mourir. Il existe donc une minorité de priv­ilégiés et une masse com­plète­ment à la mer­ci des élus, des iniq­ui­tés et des anom­alies dont four­mille la société actuelle.

Le droit de tout homme à l’ensem­ble des biens de l’hu­man­ité est indéniable.

Aujour­d’hui il suf­fit à l’en­fant de naître fils de mil­lion­naire pour pos­séder en pro­pre une grande par­tie de ce sol sur lequel nous sommes tous nés, et qui devrait en bonne jus­tice, être le pat­ri­moine com­mun à tous, il ne pense pas encore et déjà il doit avoir rang, richesse, places ; il doit domin­er ses conci­toyens. Tel autre né nu et pau­vre : il n’a pas une pierre où repos­er sa tête. Il asservit ses forces cor­porelles et intel­lectuelles, dont l’a doué la nature, à autrui. Il est con­damné à être la bête de somme, et à crev­er de faim au milieu de la richesse publique. Privé des choses les plus néces­saires à la vie, il périt rapi­de­ment ou lente­ment, tan­dis que, tout près de lui la por­tion la mieux favorisée de la société regorge de super­flu et de bien. Être auprès du séjour de la richesse et du bon­heur, se cachent les repaires du vice et de la mis­ère ; près des tables sur­chargées et des estom­acs saoulés la faim à l’œil cave subit sa silen­cieuse tor­ture ; à côté de tous les gen­res de luxe et d’ar­ro­gance, se blot­tit sans espérance l’hor­ri­ble dénuement.

Et cepen­dant, que de faim intel­lectuelle et physique serait sans peine assou­vie par une équitable dis­tri­b­u­tion de la pro­priété et de l’é­d­u­ca­tion. Comme tous pour­raient manger et appren­dre à leur appétit, si l’ac­tiv­ité était pour tous un dernier devoir, et si tant d’hommes ne tra­vail­laient pas pour un seul ou pour quelques-uns.

(à suiv­re)


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